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Pas de Limite D'âge Pour le Plaisir et les Aventures Amoureuses
By Muriel Rozelier, Le Monde
France
Le 28 Janvier 2005
De passage à Paris, Rose, 64 ans, commence une journée marathon. Il y a les cadeaux pour ses filles à trouver, des jouets pour ses petits-enfants ou les bricoles à offrir à ses amis. Et puis il y a tout de même une course très personnelle. Car Rose s'est décidée, après quelques tergiversations, à se rendre dans l'arrière-salle rose bonbon d'une boutique Sonia Rykiel pour y acheter un de ces accessoires que l'on nomme pudiquement désormais un sex toy.
"Je n'ai pas eu de relations amoureuses depuis un certain nombre d'années, explique-t-elle. Malgré mon âge, mon désir ne s'est pas éteint. J'aimerais, bien sûr, rencontrer
quelqu'un".
Ancienne militante du Mouvement de libération des femmes, Rose revendique de cette manière la levée du tabou sur la sexualité des seniors. Ainsi qu'un droit au plaisir quel que soit son âge. Elle n'est pas la
seule.
Le rapport "Analyse des comportements sexuels en France" (ACSF), réalisé en 1972 et en 1992, confirme cette nouvelle tendance. "Nous avons mené la même enquête à vingt ans de distance. Entre les deux sondages, une évolution marquante : l'augmentation de l'activité sexuelle des seniors. En 1972, la proportion de personnes de plus de 50 ans qui déclaraient ne pas avoir eu de relations sexuelles dans les douze derniers mois était de 30 % pour les hommes et de 60 % pour les femmes. En 1992, 11 % des hommes seulement et 28 % des femmes faisaient encore cette même réponse", explique Alain Giami, directeur de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), au sein du département sexualité, société et individu. Point d'aventures toutefois. Hommes et femmes, le rapport ACSF l'affirme, s'inscrivent dans la stabilité du couple ou, à défaut, dans la recherche d'un partenaire régulier.
Entre les deux enquêtes, nombre de barrières psychologiques ont été levées, faisant du désir amoureux des "senior lovers" une quête naturelle. Pour les hommes, cette révolution se nomme Viagra, Cialis ou Lévitra. Du nom de ces pilules qui permettent aujourd'hui d'échapper à cette anxiété de la performance, si bien décrite par Romain Gary dans son livre Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus
valable.
SECONDE VIE
"C'est l'un des phénomènes marquants du XXe siècle. Ces médicaments ont été jusqu'à modifier les relations entre les hommes et les femmes. Dans les années 1960, les femmes ont revendiqué leur droit au plaisir, déséquilibrant le schéma classique de la relation homme- femme. Les médicaments comme le Viagra ont permis à l'homme de retrouver confiance dans ses capacités", justifie le docteur Laurent Boisrond, urologue à
Neuilly.
De fait, si la santé le permet, les limites jusque-là imparties à l'amour ne résistent plus. Avec l'âge, on découvre en plus d'autres formes possibles de sexualité. "Lorsque j'interroge mes patients hommes, beaucoup me disent avoir une sexualité régulière. Quand on creuse, on s'aperçoit qu'elle intervient souvent sur le mode des caresses et des attouchements",
ajoute-t-il.
Quand ils ne sont pas en couple, les seniors sont des clients aguerris des sites de rencontres sur Internet. Anne, la soixantaine, a trouvé au hasard de ses pérégrinations sur le Net l'amour de sa seconde vie. "Progressivement, j'étais devenue une de ces femmes pivots, toujours en train de courir, et dont le temps se partage entre ses petits-enfants et ses propres parents. Je ne me voyais plus comme une femme désirable et désirante. J'étais une
mamie."
COUP DE FOUDRE
Après trente-cinq ans de mariage, un divorce douloureux, Anne a fait l'expérience du vide sentimental. Jusqu'au moment où elle s'est décidée à s'inscrire sur un site de rencontres. "On peut avoir tout le réseau social et familial nécessaire et se sentir seule. Je me suis inscrite sur un site avant de partir en vacances. A mon retour, j'avais 130 messages."
Bien vite, l'un de ses contacts s'impose. Une longue correspondance s'installe entre Anne et cet homme. Lorsque vient l'invitation à dîner, ils se connaissent déjà : "J'ai vécu un vrai coup foudre, l'éblouissement. C'est comme si j'avais 25 ans. Le cour ne vieillit pas."
Avec, qui plus est, une révélation."Je n'imaginais pas une relation platonique. Tout dépend du regard de son partenaire : si je suis belle pour lui, je n'ai aucune difficulté à me mettre nue. C'est une relation totale, physique aussi bien qu'intellectuelle. Ça a été pour moi une vraie révélation sensuelle. Je ne pensais pas que l'amour pouvait être aussi riche."
La chance de retrouver un nouveau partenaire ne doit pas cependant faire oublier que les maladies sexuellement transmissibles (MST) peuvent advenir à tout âge. Il n'existe pas en France de données épidémiologiques sur les MST corrélées à l'âge. L'Institut de veille sanitaire relève toute-fois qu'en 2003 le taux de VIH diagnostiqué pour la première fois est de 12,8 % chez les 50-59 ans, de 4 % chez les 60-69 ans, et même de 1,7 % chez les plus de 70 ans. Les seniors, en redécouvrant l'amour, ne doivent pas oublier de se protéger.
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