|
Tout Recommence a 50 Ans
Par Anne Vidalie, L'Express
France
Le 7 Mars 2005
Mercedes Brel a entamé une nouvelle vie à 52 ans. C'était en 1995, l'année où cette fille du plat pays, deux fois divorcée, antiquaire puis secrétaire particulière d'un ambassadeur africain, a rencontré Eric - son «mari actuel», comme elle dit. Ensemble, ils décident de changer d'existence, d'horizon, de métier. «Nous avons hésité entre la France et l'Italie», raconte Mercedes. Ce sera le Languedoc-Roussillon, où le couple a le coup de foudre pour le Clos de Vic, une superbe bâtisse du XVIIIe siècle entre Cévennes et Camargue, qu'il transforme en maison d'hôte. «Un métier fatigant», soupire Mercedes, 61 ans aujourd'hui. Ce qui ne l'empêche pas de faire de la gym deux fois par semaine et une randonnée de 17 à 20 kilomètres le week-end, «quand le temps le permet», ni de s'investir «intensivement» dans la vie locale - elle est présidente de l'association Interclubs et vice-présidente du Zonta, sorte de Rotary au féminin, de Nîmes. Une fois par an, elle s'offre un beau voyage: la Birmanie en 2003, le Rajasthan l'an dernier, la Louisiane dans quelques jours. Mercedes a la bougeotte. «On va rester ici encore deux, trois ans, envisage-t-elle. Après? On a envie de faire autre chose, on ne sait pas quoi encore. Si on avait l'opportunité de déménager en Espagne ou en Italie, pourquoi pas? On recommencerait tout.» La philosophie de Mercedes tient en un principe simple et revigorant: «Il faut aller au bout de ses envies. Chaque âge offre d'infinies possibilités, chaque tranche de vie a ses plaisirs!»
«C'est la génération "moi, moi, moi", qui préfère la jouissance à l'abnégation»
Plaisir. Le voilà, l'étendard des quinquas du XXIe siècle, leur cri de ralliement. Et ils n'ont pas l'intention d'y renoncer, malgré le temps qui passe, les rides qui creusent le front et les kilos qui lestent la silhouette. Ils sont au mitan de leur existence d'adulte. En effet, le fantastique allongement de l'espérance de vie (76,7 ans pour les hommes, 83,8 pour les femmes) déroule trois belles décennies devant eux. Leurs enfants sont grands (ceux du premier lit du moins), leurs emprunts remboursés, leurs revenus souvent confortables - ils détiennent 60% de la richesse nationale et 50% du revenu net des ménages français - ils sont propriétaires de leur logement dans 8 cas sur 10 et possèdent un autre bien immobilier dans 1 cas sur 3. Ils héritent à 55 ans, en moyenne. «Après la guerre, on a "inventé" l'adolescence, quand les études se sont allongées et que la sexualité est devenue plus précoce. De la même manière, on assiste aujourd'hui à la naissance d'un nouvel âge, analyse le sociologue Jean Viard, 56 ans. A 50-55 ans débute la deuxième vie adulte, à laquelle il faudra donner un nom, un statut, un contenu. L'inventer est la nouvelle aventure des enfants de 1968, qui ne veulent pas être rangés des voitures de la vie amoureuse, sexuelle, professionnelle, sociale.»
«Plus le temps de se tromper de désir»
Car les quinquas et les sexas d'aujourd'hui sont les enfants du baby-boom d'hier. Ces rejetons gâtés des Trente Glorieuses ont instauré la dictature de la jeunesse, dynamité les valeurs de leurs parents, accaparé les leviers du pouvoir politique, économique, culturel, médiatique. «C'est la génération "moi, moi, moi", qui préfère l'accomplissement à l'accumulation de biens, la jouissance à l'abnégation», note Jean-Paul Tréguer, 50 ans, patron de l'agence de pub Senioragency et pionnier du marketing en direction des seniors. 1 Français sur 3 a plus de 50 ans. «Ces nouveaux seniors ne joueront pas à faire de la figuration, pronostique Robert Rochefort, directeur général du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc) et auteur de Vive le papy-boom (Odile Jacob). De par leur nombre, leur poids économique et surtout l'habitude d'avoir été tout au long de leur vie le nombril du monde, ils continueront à faire valoir leurs droits.» Ils sont bien décidés à vivre à fond leur deuxième âge adulte. Quitte à tout changer, à tout reconstruire. Le prince Charles, 56 ans, et sa compagne, Camilla Parker-Bowles, 57 ans, ne s'apprêtent-ils pas à convoler, enfin? Les baby-boomers en sont convaincus: tout peut recommencer à 50 ans.
C'est le credo de Nicole Rosa, 62 ans aujourd'hui. A l'aube de la cinquantaine, elle a carrément décidé de «transformer son existence de fond en comble». «Je m'ennuyais dans ma vie professionnelle et familiale. Le déclic est venu à la lecture de la biographie d'Alexandra David-Néel, qui affirme que sa vie a débuté à 42 ans. Je me suis demandé ce que j'avais vraiment envie de faire de la mienne.» A 49 ans, elle divorce, vend ses deux cabinets d'assurance et son activité de réassurance. Part vivre avec un autre homme et fonde une nouvelle société d'assurances, dont les produits sont taillés sur mesure pour les femmes. Depuis six ans, Nicole Rosa s'est installée au bord du lac de Genève. Seule. Et sereine. Elle multiplie les allers-retours entre Paris et la Suisse, développe son entreprise et savoure le bonheur d'être grand-mère avec Arthur, son petit-fils de 18 mois.
«Les quinquas sont face à une page blanche, juge Patrice Angot, l'un des fondateurs du site Internet Seniorplanet. Ils doivent écrire le script des trente ans qui s'ouvrent devant eux.» Le moment est venu de savoir ce qu'ils veulent vraiment. «A cet âge-là, on n'a plus le temps de se tromper de désir», disent joliment Régine Lemoine-Darthois, 59 ans, et Elisabeth Weissman, 55 ans. Auteurs, chez Albin Michel, de Elles croyaient qu'elles ne vieilliraient jamais. Les filles du baby-boom ont 50 ans et de Vieillir, eux? Jamais, pendant masculin du premier, elles concoctent à présent leur troisième opus commun sur «la vie à inventer après 50 ans».
Celle de François de Bordas, 57 ans, a pris un cours nouveau un soir de janvier 1997, alors qu'il venait présenter ses voux à son libraire de la rue de Rome, à Paris. «Il m'a annoncé qu'il partait. Je me suis surpris moi-même à lui dire: "Et si je vous succédais.? "» Un an plus tard, c'était chose faite. «Je travaillais à l'époque dans un cabinet de conseil en gestion de patrimoine. Ça ne me convenait pas; j'avais envie de passer à autre chose, se souvient ce "grand bouffeur de bouquins", collectionneur depuis l'adolescence. Et puis, à 50 ans, je sentais le vent tourner sur le marché du travail.» Depuis, il donne libre cours à sa passion des livres anciens, «sans avoir l'impression de travailler, sauf quand il faut faire l'inventaire ou la comptabilité».
L'indispensable travail de reconstruction est professionnel et social souvent, psychologique et amoureux parfois. C'est maintenant ou jamais. «A la cinquantaine, les hommes et les femmes éprouvent le besoin de se mettre en question et ils ont suffisamment d'assurance pour faire ce retour sur soi, note la psychanalyste Luce Janin-Devillars (Changer sa vie, Pocket). Avec la disparition des parents se dénouent enfin les liens qui nous emprisonnent dans la loyauté familiale.» Anne, 52 ans, a vécu cette libération. «Après le décès de ma mère, j'ai pu travailler sur ma relation difficile avec ma sour aînée. Avant, ce n'était pas possible, car il fallait maintenir l'illusion de la tribu.»
Certains redécouvrent avec joie l'existence à deux après le départ des enfants. «On bâtit une vie de couple différente, plus centrée sur les amis et les activités sociales, témoigne Philippe Wattier, 53 ans, membre du directoire du Crédit foncier. D'ailleurs, je retrouve des copains que j'avais perdus de vue depuis longtemps. On vient d'acheter une résidence secondaire, au Pays basque, qui sera notre point de ralliement familial.»
Mais la cinquantaine n'est pas toujours un long fleuve d'amour tranquille. Les divorces grimpent en flèche. L'usure du temps. L'impérieux désir de vivre encore une fois la passion. La peur du huis clos de la retraite. «A 50-60 ans, certains paniquent à l'idée de se retrouver en tête-à-tête avec quelqu'un à qui ils n'ont plus rien à dire», constate la psychosociologue Odile Lamourère (Célibataire aujourd'hui, les Editions de l'Homme). Eric, 50 ans, n'est pas près d'oublier le 25e anniversaire de la promo de son école de commerce. Sur les 40 hommes et femmes présents, 32 étaient séparés ou en instance de divorce. C'est son cas. «Mon histoire est d'une banalité affligeante, dit-il. Au bout de vingt-cinq ans de vie commune, je m'ennuyais. J'aurais pu me contenter d'être raisonnablement heureux, mais non.» Avec sa nouvelle compagne de quatorze ans sa cadette, il dit «vivre une renaissance». «Nous sortons au resto, au ciné, au théâtre, nous partons en week-end. Bref, nous jouissons de la vie comme jamais!»
Proches des 15-30 ans en termes d'habitudes
Cette deuxième vie amoureuse n'est plus l'apanage des hommes. Dans les livres pour enfants, de nouveaux personnages ont fait leur apparition: Papi et sa nouvelle amie, mais aussi Mamette et son amoureux. «La recomposition conjugale après 50 ans est en forte progression, précise Vincent Caradec, professeur de sociologie à l'université de Lille III (Vieillir après la retraite, PUF). Le phénomène est difficile à mesurer car beaucoup de quinquas et de sexas ne se remarient pas. Ils gardent deux résidences et cohabitent de temps en temps chez l'un ou chez l'autre.»
Comme leurs enfants, en somme, auxquels ces jeunes seniors ressemblent furieusement. «Ils sont très proches des 15-30 ans en termes d'habitudes et de comportements de consommation, note Thomas Tougard, directeur général d'Ipsos Observer. Ils sont même plus ouverts d'esprit qu'eux sur un certain nombre de sujets. Notamment, ils valorisent davantage la tolérance, l'ouverture aux autres, le métissage culturel, la solidarité et l'indépendance d'esprit.»
Certains le disent haut et fort, d'autres le reconnaissent à demi-mots: pas facile d'affronter les cinquantièmes rugissants. «Pour les femmes surtout, nuancent Régine Lemoine-Darthois et Elisabeth Weissman. La cinquantaine marque une rupture dans la vie des femmes car elle est synonyme de transformations physiques et fonctionnelles, soulignent-elles. Pour amorcer une nouvelle vie, elles doivent faire leur deuil des bébés qu'elles n'auront plus et de la femme jeune et séduisante qu'elles ne seront plus.»
Aussi libre qu'à 25 ans, l'argent en plus
Des quinquas aux prises avec le mal-être de la ménopause, Monique Barbery, 52 ans, gynécologue, en voit passer beaucoup dans son cabinet parisien. «Elles sont plus charnellement liées que les hommes au facteur temps. Elles enragent souvent de cette horloge biologique implacable, mais peut-être sont-elles ainsi mieux préparées qu'eux à vieillir, du moins celles qui ne s'épuisent pas dans une vaine quête de l'éternelle jeunesse. Au fond, beaucoup franchissent avec vaillance le mur du son de la cinquantaine. Avec force soupirs et parfois une certaine complaisance dans la plainte, mais il y a de l'exorcisme dans ce lamento.» Dur, pour les filles de la génération «hommes, femmes, même combat», d'accepter l'inégalité biologique: leurs hommes peuvent encore faire des enfants, elles, non. Pis, «leurs compagnons peuvent être saisis d'angoisse face à leur ménopause, observe la psychanalyste Jacqueline Schaeffer [Le Refus du féminin, PUF]: elle les renvoie à leur cinquantaine, dont ils ne veulent pas entendre parler, eux qui se sentent en pleine maturité, surtout s'ils ont réussi socialement».
«Plus que les griffures du temps, le grand problème des hommes est la perte de pouvoir»
Paul Boury, 52 ans, conseiller en communication doté d'un carnet d'adresses en or, est de ces quinquas heureux. Son âge? Il s'en contrefiche. «Pour moi, il n'y a que deux caps dans l'existence: 30 ans, l'entrée dans l'âge adulte, et 70 ans, le début de la vieillesse. Je n'ai pas l'impression d'avoir vieilli. Ma curiosité pour les gens et pour les choses est intacte.» Divorcé de longue date, père d'un garçon de 17 ans, il vit «dans une insouciance géniale et avec un grand sentiment de liberté. Comme à 25 ans, avec les moyens financiers en plus!». Seule ombre au bonheur de Paul: «Je sais que je ne suis pas à l'abri d'un pépin de santé.» Et les accidents de carrière de ses copains lui rappellent les années qui s'inscrivent au compteur. «La réussite professionnelle fait oublier l'âge, l'échec le rappelle», reconnaît-il.
A 54 ans, Marc, directeur commercial, en a fait l'amère expérience. Plus assez performant et trop cher, lui a-t-on signifié. Il a eu le choix entre la porte et une baisse de salaire de 30%. En prime, plus de titre, plus de bureau perso, plus de participation au comité de direction. Il a accepté, de peur de ne pas retrouver de job. De peur, aussi, de dire adieu à son statut social. «Beaucoup d'hommes ne vivent pas bien la cinquantaine, même s'ils refusent de l'avouer pour préserver leur ego, estime Aimery de Rochechouart, 54 ans, patron de l'agence de communication événementielle Plateforme. Ceux qui ont un boulot gardent la face. Ceux qui perdent le leur vont mal.» Régine Lemoine-Darthois et Elisabeth Weissman ont fait le même constat: «Le grand problème des hommes du baby-boom est la perte de pouvoir, plus que les griffures du temps et même plus que le déclin de la puissance sexuelle. Ils se sont construits quasi exclusivement dans la réussite sociale. Retirez-leur leur carte de visite, et ils perdent tout!»
Les quinquas savent combien le marché du travail est impitoyable. Hervé Chassard, 53 ans, exploitait des boutiques de produits régionaux sur les autoroutes. Il a été licencié à «49 ans et 11 mois». «J'ai envoyé 600 CV en réponse à des offres d'emploi relevées dans la presse et sur Internet, j'ai pris 300 contacts avec des cabinets de recrutement et je me suis même offert les services d'un cabinet d'outplacement qui m'a coûté 12 000 euros, raconte le fondateur du collectif Agir Quinquas. Résultat: une offre pour un poste au Smic à 400 kilomètres de chez moi.» Au bout de deux ans, il a retrouvé un emploi «par relation». A la clef, un salaire amputé de moitié et des horaires de travail à rallonge, six jours sur
sept.
«Une zone tampon entre la vie active et la retraite»
Certaines entreprises refusent systématiquement les quinquas, s'insurge Danièle Lepeu, qui dirige l'agence seniors de la société de travail temporaire Adecco, à Boulogne-Billancourt. Dans l'audiovisuel, la pub, la communication et la téléphonie, vous êtes vieux à 35 ans! Même dans d'autres secteurs plus ouverts aux seniors, si vous êtes sans emploi et que vous avez plus de 50 ans, vous cumulez deux handicaps: l'âge et le chômage.» On est périmé de plus en plus jeune sur le marché de l'emploi. «Entre 47 et 53 ans, un chômeur a 1 chance sur 10 de retrouver un contrat à durée indéterminée», déplore Jacques Gosselin, qui a créé il y a un an la Fédération interrégionale pour le développement de l'emploi des seniors. A 59 ans, cet ex-chef d'entreprise enchaîne les missions dans le domaine de la logistique. En attendant la retraite. «A 50 ans, on est vieux pour l'entreprise, tranche la chasseuse de têtes Catherine Euvrard, sexa survitaminée. A 55 ans, on est mort. C'est scandaleux, mais c'est comme ça. Aussi, mieux vaut être créatif et envisager des solutions alternatives au salariat.»
Daniel Depret, 54 ans, s'est «retrouvé sur le carreau» voilà trois ans. «Très vite, j'ai compris que, même si je retrouvais un poste, je risquais d'être dans les premiers virés en cas de pépin, explique cet ancien responsable marketing. Alors, je me suis dit qu'il valait mieux que je sois mon propre patron.» En mai 2004, il a repris Précision Image, à Trappes (Yvelines), une petite société qui vend du matériel d'impression. Il travaille de soixante-dix à quatre-vingts heures par semaine mais ne regrette rien: «Je suis dans une logique de progression, pas de fin de carrière. La vie avance; il faut s'adapter, se prendre par la main. Rien ne sert de se plaindre ni de regretter le passé.»
Une capacité accrue à aller à l'essentiel
Et puis les années qui passent ont aussi du bon. «La cinquantaine est un bel âge: on gagne en profondeur et en bienveillance, constate Philippe Wattier. En efficacité aussi, car la baisse de tonus physique est plus que compensée, au travail, par une capacité accrue à prendre du recul, à aller à l'essentiel. Pour faire un parallèle avec le sport, on joue avec sa tête, on ne court plus après tous les ballons!» Ce n'est pas Vladimir Galavtine, 52 ans, entraîneur des nageurs du Racing Club de France, qui dira le contraire. Ce natif de Russie installé en France depuis 1989, champion du monde junior de pentathlon en 1974, du temps de la défunte URSS, est un sportif-né. A 45 ans, le virus de la compétition l'a repris. «J'aime voyager, voir du monde, côtoyer les milliers de sportifs qui se retrouvent dans les grandes épreuves, explique-t-il. Et j'ai envie d'être sur les podiums.» Six ans après, il détient trois records du monde et cinq d'Europe dans la catégorie 50-54 ans. «Après 50 ans, on gagne plus avec sa tête, moins avec son corps. Et puis on trouve des petites astuces.» Les siennes ont la forme de deux plaquettes de plomb de 600 grammes chacune qu'il se fixe aux mains pour s'entraîner. «Ça permet d'avoir des mouvements plus efficaces, plus puissants, d'être plus haut dans l'eau.»
La retraite, les quinquas d'aujourd'hui l'imaginent active, forcément active. Rien à voir avec celle de leurs parents, qu'on se le dise. 44% d'entre eux, interrogés par le Credoc, affichent leur intention de «réaliser de nombreux projets». Ils veulent voir le monde, s'adonner à leurs passions, cultiver leur corps et leur esprit. «Les baby-boomers vont créer une zone tampon entre la vie professionnelle active à 100% et la vie à la retraite à 100%», prédit Didier Bertrand, directeur du marketing et de la stratégie du voyagiste Vacances bleues, spécialiste des seniors, qui vient de lancer la gamme «Faites-vous plaisir». Au menu, pêche au gros, planeur, parachutisme ou canyoning.
Pour Bernard Chantraine, 66 ans, le plaisir se niche dans la restauration de tableaux. Il y a six ans, cet ancien cadre dirigeant tombé au champ d'honneur des fusions d'entreprises voulait ouvrir, à Boulogne-Billancourt, un club de retraités amoureux, comme lui, de dorure à la feuille. «Alors que je refaisais la façade du local, se souvient-il, les gens ont commencé à venir me voir, à me demander s'ils pourraient m'apporter des objets à retaper. Moyennant quoi, dès l'ouverture, j'ai été débordé... et je suis allé m'inscrire au registre du commerce.» L'artisan malgré lui est heureux au milieu des teintures et des solvants. Heureux de «redonner vie à des objets qui ont une histoire, auxquels les gens tiennent». Heureux des liens d'amitié qu'il a noués avec les habitants du quartier. Heureux de bosser «comme un dingue». Bientôt, il aura un acolyte: Didier Maillard, 65 ans, chirurgien-dentiste diplômé en ébénisterie de l'école Boulle.
Pour Claudine Pagès aussi, la retraite est une deuxième vie. Une vie délestée des contraintes sociales, professionnelles et familiales. «J'ai l'impression très agréable de ne faire, enfin, que ce que je veux», s'étonne encore cette ancienne prof de lettres classiques de 62 ans. Etudier la linguistique et la civilisation sumérienne, pratiquer le bouddhisme, partager son temps entre son appartement parisien et sa maison vendéenne, explorer cette Asie qui la fascine. A ses heures perdues, Claudine rédige des notes de lecture pour un célèbre essayiste et relit ses manuscrits. Elle a cessé de travailler voilà quatre ans, un an après son divorce. «J'aimais enseigner, mais il fallait que je tourne la page du travail tant que j'avais le désir et l'énergie de m'investir dans autre chose», dit-elle. Aujourd'hui elle se sent heureuse et légère. Et envisage, pourquoi pas? d'entamer une thèse. Une vraie retraite de baby-boomer.
|
|