Maroc
13 Décembre 2006
Les jeunes marocains, seront-ils obligés de faire appel aux maisons de
retraite pour prendre en charge les parents âgés?
Nous sommes à Derb Ghalef, à quelques mètres du marché appelé «marché
des contrebandiers». A peine arrivé dans la grande place que l'on voit déjà
les signes avant-coureurs d'un malaise social que cache le sourire de
Mehdi, ce retraité de 72 ans jouant aux cartes avec ses quatre autres
camarades. Rassemblés autour de leur partie de jeu quotidienne, animée
par leurs discussions nostalgiques, ils oublient pour quelques instants
leur mal de vie.
Pour eux, la vie se résume à des moments comme celui-là : «Jouer aux
cartes avec mes amis est un moment de grand plaisir et je ne peux m'en
passer», affirme Mehdi en fumant calmement sa cigarette achetée à
l'unité chez le marchand du coin de la rue, un jeune vendeur de détail,
qui, de son côté comme père de famille, a du mal à joindre les deux
bouts.
En effet, lorsque le père de famille est professionnellement inactif et que
le montant de sa retraite mensuelle est faible, voire inexistante; sa
famille se voit obligée de vivre dans une précarité financière pour
pouvoir subvenir aux besoins de parents, en perte d'autonomies physique et
morale. C'est le cas de Amine, responsable d'une famille composée de deux
filles, de sa femme et récemment de sa mère qu'il héberge depuis la
mort de son père dont la pension ne suffit plus. Une situation qu'il ne
peut surmonter :«Ma mère a besoin de moi et je ne touche que 3500 dh par
mois, avec toutes les charges que j'ai, il devient de plus en plus
difficile de couvrir les besoins de ma famille» et il ajoute avec tout de
même un sourire «sans oublier les crédits bien-sûr!». Que faire alors
pour instaurer l'équilibre entre une jeunesse dont la précarité de
l'emploi est devenue le seul repère et un nombre croissant de
fonctionnaires qui vont se retrouver à la retraite dans des conditions
qui s'annoncent difficiles?
La jeune relève marocaine, sera-t-elle obligée de faire appel aux maisons
de retraite pour prendre en charge les parents et dans quelles conditions
se fera cette prise en charge?
Toutes ces questions semblent ne pas avoir d'échos dans les préoccupations
quotidiennes des Marocains ; ce qui en soi dénote de l'ampleur que
prendra ce problème plus tard D'un autre côté, les données empiriques
font ressortir que le «respect» entourant en principe les liens entre
les jeunes et les vieux devient de plus en plus tributaires de la
situation financière dans laquelle se trouve la personne en question Le
respect des aînés serait-il en train de disparaître pour laisser place
à un individualisme prônant le profit jusque dans les liens entre
parents et enfants reléguant aux oubliettes toutes les valeurs et
croyances qui font qu'une société évolue dans la bonne direction?
D'après les témoignages, dans les familles issues des quartiers populaires,
la population garde une vision «sacrée» des liens intergénérationnels
qui demeurent apparemment régis par le primat du «respect» du père de
famille qui garde, malgré tout, son autorité au sein du groupe .
Ali résident de Mers Sultan affirme : «Mes parents seront toujours honorés
et bienvenus dans ma famille», et il ajoute: «Je suis musulman et la
parenté est sacrée en Islam».
Ce respect reste malheureusement, et dans bien des cas, proportionnel au
montant mensuel reçu pour la retraite.
En ce qui concerne les gens issus de familles aisées, les maisons de
retraite sont une option à considérer en cas de besoin et ne semblent
nullement poser problème comme en témoigne Youssef, ce jeune étudiant
à la faculté de droit qui affirme «je préfère placer mes parents dans
une maison de retraite bien entretenue plutôt que de les héberger chez
moi», tout en ajoutant :«Notre réalité n'a rien à voir avec la leur
et la communication devient de plus en plus difficile». Dans les deux cas,
les mentalités sont en train d'évoluer initiant ainsi une nouvelle phase
de développement socioculturel pouvant déboucher sur une véritable
fracture au niveau des moeurs et des traditions au Maroc. On se trouve
donc en face d'une double responsabilité, pour le gouvernement comme pour
les citoyens. Pour le premier, c'est une révision des régimes de
retraite via des calculs «réalistes» prenant en compte les changements
démographiques à venir; pour les seconds, une responsabilité éthique
qui en dira long sur l'avenir de notre société.
Copyright © Global Action on Aging
Terms of Use |
Privacy Policy | Contact
Us