La pauvreté des femmes à l'âge de la retraite
Marie-Laetitia Bonavita, Le Figaro
France
mars 2006
La journee internationale des femmes ne manquera pas de reprendre la litanie des conditions du deuxième sexe : inégalités salariales, difficultés de concilier des vies professionnelle et familiale, non-respect de la parité... Mais que dire de l'insuffisance des moyens financiers de nombreuses femmes à l'âge de la retraite ? Et que dire encore du risque de pauvreté auquel sont de plus en plus exposées leurs aînées (plus de 75 ans) ? «Intolérable», «inacceptable», ont répondu en choeur une soixantaine de parlementaires venant de pays très variés réunis pour un séminaire organisé il y a dix jours à Paris par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur «les implications politiques du vieillissement démographique».
A partir d'un échantillon d'une douzaine de pays, l'institution s'est penchée sur les retraitées et a comparé leur situation selon qu'elles vivent seules ou en couple. Si, faute de données plus récentes, les chiffres datent de l'année 2000, le fossé identifié entre les deux groupes de population reste, aux yeux de l'OCDE, toujours d'actualité.
Pour la tranche d'âge des 65 à 74 ans, il ressort qu'en moyenne plus d'un quart des femmes isolées vivent au-dessous du seuil de pauvreté (moins de 770 euros par exemple en France), contre 8% pour les couples. Pour la tranche des plus de 75 ans, cette proportion croît à 28,9% contre 11,8% pour les couples. Le constat de l'OCDE est terrible : «Arrivée au terme de sa vie professionnelle, une femme a six fois plus de probabilité – ou de malchance – d'être pauvre si elle vit seule que si elle vit en couple. Ce ratio monte à 7 fois pour leurs aînées.»
La situation varie évidemment d'un pays à l'autre. Pour les femmes isolées et très âgées, mieux vaut être canadienne, suisse ou allemande qu'anglaise, américaine ou pire australienne. Plus de deux tiers de ces dernières vivent au-dessous du taux de pauvreté !
Ce tableau peu réjouissant s'est pourtant amélioré au cours des années 90, avec la mise en place dans la plupart des pays de l'OCDE de mécanismes antipauvreté en faveur des personnes âgées. Ces mécanismes combinent tous types de prestations : pensions minimales versées soit en fonction des antécédents de cotisations soit en dehors de toute considération de ressources (c'est le cas de la Suisse) ; divers dispositifs de protection sociale.
Multiplication des divorces et éclatement des familles
Certains pays accordent notamment des allocations-logement, la gratuité des transports publics ou des services médicaux (par exemple, le Royaume-Uni, l'Irlande et le Danemark) ou l'application de critères de ressources particuliers (Allemagne) ainsi qu'à des revalorisations discrétionnaires de pensions indexées sur les prix (Belgique, Royaume-Uni).
Il n'empêche. «Ces filets de sécurité, qui s'adressent aussi bien aux hommes qu'aux femmes défavorisés, ne prémunissent pas suffisamment ces dernières contre les risques de pauvreté. Ils ne comblent pas ce qui constitue hélas leurs spécificités», remarque Monika Queiser, en charge des politiques en rapport avec l'âge, les pensions et l'invalidité à l'OCDE. En premier lieu, l'insuffisance de leurs activités professionnelles. Les superseniors ont, selon les moeurs de l'époque, peu travaillé. Quant à leurs cadettes, si elles ont davantage intégré le marché de l'emploi, elles ont souvent reçu de faibles salaires ou ont, pour élever leurs enfants, suspendu leurs activités, et du même coup leurs cotisations à la retraite. Si la plupart des pays ont corrigé ces manques à gagner par l'instauration de majorations de droits calculés selon le nombre d'enfants élevés, cela ne s'avère pas toujours suffisant.
Autre spécificité des femmes âgées : leur solitude. Les plus de 75 ans comptent beaucoup de veuves de guerre. Ce qui signifie qu'elles ont touché de faibles pensions de réversion, certes revalorisées au fil du temps. Quant aux jeunes seniors, elles sont soumises à l'évolution du mode de vie, avec en particulier la multiplication des divorces et l'éclatement des familles. Cette situation les rend tributaires, une fois les enfants élevés, du maintien des pensions versées par leur ex-mari. Résultat : «La meilleure parade pour les femmes reste l'activité professionnelle», souligne Monika Queiser.
Avec comme condition : travailler plus qu'autrefois. En effet, l'insuffisant renouvellement des générations et le vieillissement de la population, plus accentué pour la gent féminine (80,7 ans d'espérance de vie) que pour les hommes (74,9 ans), les conduira, comme leur alter ego, à partir à la retraite plus tard. Mais toujours seules ?
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