« Le logement des personnes âgées va aller en s'empirant»

Interview de Patrick Doutreligne, Propos recueillis par Laure Daussy, lefigaro.fr

3 février 2009

France

Patrick Doutreligne : On a été surpris de voir arriver de nouvelles populations de personnes âgées dans les accueils pour SDF. Ils disent : « Je ne suis pas SDF, mais je ne m'en sors pas.» Alors on a commencé à creuser ce phénomène. On s'est rendu compte que plus de 600.000 personnes âgées vivent avec le minimum vieillesse qui est de 600 euros par mois, soit en dessous du seuil de pauvreté. La précarité des personnes âgées est sous-estimée. Sans doute parce que selon les statistiques, le revenu moyen des ménages retraités est comparable au reste de la population, et ils sont davantage propriétaires. Mais en réalité, ces constats cachent de nombreuses disparités. Surtout, ces inégalités vont aller en s'aggravant. On veut donc tirer la sonnette d'alarme. 

Le pire est-il à venir ? 
Oui, car c'est la fin d'une parenthèse heureuse pour les personnes âgées. Entre 1970 et 2005, elles ont connu une croissance de leur niveau de vie. Depuis trois ans, la pente est descendante, depuis l'arrivée de la génération du baby-boom à la retraite. Le minimum vieillesse n'a pas été revalorisé et ne correspond plus au seuil de pauvreté. On voit arriver aussi des personnes dont le parcours d'emploi n'est plus linéaire : les années de chômage plombent le calcul des retraites. Elles sont donc confrontées à un effet de ciseau qui va aller en s'aggravant : moins de retraite, et le prix des loyers qui a flambé. On évalue à plus d'un million le nombre de personnes âgées qui, dans 10 ans, seront en dessous du seuil de pauvreté.

Quel est le profil des personnes âgées touchées par le mal-logement? 
Ce sont souvent des personnes seules, entre 60 et 70 ans. Elles ont eu des revenus modestes, autour du Smic, et n'ont pas pu mettre d'argent de côté. Plusieurs cas de figure : soit elles sont propriétaires, mais ne peuvent plus entretenir leur logement, il devient donc insalubre. Le moindre problème de chaudière les fait vivre dans l'humidité, sans chauffage. 

Soit elles profitent de la retraite pour s'installer ailleurs, elles arrivent alors dans un marché de logement très cher, et ne peuvent donc trouver quelque chose qui corresponde à leurs moyens. De plus en plus de personnes âgées demandent alors des logements sociaux. Elles se retrouvent souvent dans les HLM les moins cher, dans les Zones Urbaines Sensibles par exemple. Elles passent devant des groupes de jeunes en bas des immeubles, entendent une blague ou deux, puis prennent peur, s'enferment et s'isolent.

Les réformes actuelles les rendent encore plus fragiles. Dans le projet de loi discuté en ce moment sur le logement, on fait partir des HLM des gens qui habitent seuls dans de trop grands logements. Or, les personnes âgées sont concernées : elles ont élevé leur famille, puis se retrouvent seule dans leur logement. Etre obligé de partir de son habitation, c'est un traumatisme énorme pour des personnes de cet âge. 

Quelles sont vos propositions pour remédier au mal-logement des personnes âgées? 
Il faut construire des logements à loyer accessible : il en manque 800.000 en France. Ils serviront à toutes les populations, y compris les personnes âgées. Il faut aussi favoriser les lieux intergénérationnels, comme des résidences mélangeant des jeunes et des personnes âgées. Ce qui s'est perdu dans la solidarité générationnelle doit être réinventé. L'Etat devrait développer aussi donner une aide aux familles qui acceptent de garder les personnes âgées chez elles. En ce moment, on peut aller en maison retraite que si on a les moyens de payer. La solidarité nationale devrait pallier ces inégalités.» 

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