Personnes âgées et logement : le retour de la précarité
Le Marché des Seniors.com
5 février 2009
France
Un certain nombre d’indices recueillis à l’occasion des travaux réalisés pour les précédents Rapports sur l’état du mallogement, ou plus récemment, conduisent à s’interroger sur la question du lien entre vieillissement et mal-logement. Certains constats peuvent effectivement nous alerter. C’est ainsi que l’on peut pointer le vieillissement de la population vivant dans le logement social et le poids grandissant des personnes âgées dans la demande de logement social, l’anticipation de la baisse des revenus au moment de la cessation du travail qui conduit certains retraités à faire le choix de vivre en camping dans des caravanes ou des mobil-homes, la difficile adaptation du logement à la perte d’autonomie, etc… Autant de manifestations qui soulignent que de nombreuses personnes âgées ne sont pas des seniors actifs dotés d’un pouvoir d’achat confortable mais composent une population très vulnérable particulièrement exposée aux difficultés de
logement.
Pour autant, la question du mal-logement des personnes vieillissantes est rarement évoquée et n’est pas identifiée comme un problème majeur. Sans doute parce que les statistiques relatives au revenu moyen des ménages retraités (il est comparable à celui de l’ensemble de la population) et à leur statut résidentiel renvoient l’image d’une population particulièrement privilégiée au regard du logement. Arrivées au terme d’un parcours souvent marqué par l’accession à la propriété et la constitution d’un patrimoine, bénéficiant de logements dont le niveau de confort s’est amélioré ces dernières décennies, les personnes âgées peuvent paraître globalement épargnées par les remous de la crise du logement. Les apparences sont trompeuses et masquent de profondes inégalités.
Appréhender les personnes âgées comme une population homogène bénéficiant d’un confort de vie bien supérieur aux jeunes générations, c’est faire abstraction des inégalités de revenus qui existent chez les plus de 60 ans, comme au sein des autres tranches d’âge de la population. C’est oublier qu’aujourd’hui, 600 000 personnes âgées vivent avec une allocation de solidarité de 628 euros mensuels1 qui les situe sous le seuil de pauvreté (défini en regard de la norme européenne à 60 % du revenu médian). C’est oublier aussi l’épisode de la canicule qui, lors de l’été 2003, avait brutalement placé sous le projecteur des médias l’isolement profond dont souffraient des milliers de personnes âgées et les conditions d’habitat inadaptées dans lesquelles elles se trouvaient confinées.
Appréhender les personnes âgées comme une population homogène contribue finalement à masquer la nature du processus de vieillissement qui consolide, voire aggrave, les inégalités économiques et sociales établies au cours de la vie et qui a tendance à renforcer les clivages sociaux ou les situations d’exclusion que connaissaient les personnes avant d’entrer dans l’âge de la retraite. Il en résulte que l’on n’aborde pas le temps de la vieillesse avec les mêmes atouts. On ne vieillit pas de la même manière selon son parcours de vie, selon que l’on a été sans domicile fixe, ouvrier ou cadre supérieur (le différentiel de durée de vie de 7 ans entre ces deux dernières catégories en témoigne). Le logement est alors pour les personnes vieillissantes, comme il l’est en général, un marqueur d’inégalité. S’il existe de nombreux travaux concernant l’impact du vieillissement de la population sur le logement2, nous ne disposons pas, à notre connaissance, de réflexions globales sur le mal-logement des personnes âgées. C’est à la mise en évidence de ce phénomène, de ses manifestations et de ses causes, qu’est consacré ce chapitre du Rapport sur l’état du mal-logement en France publié à un moment où la symétrie entre le mouvement d’allongement de la durée de la vie et celui d’augmentation des ressources des personnes âgées semble rompue. Si l’allongement de la durée de la vie est appelé à se poursuivre, il se pourrait bien qu’avec notamment les mesures adoptées en
matière de retraite, le mouvement de progression des ressources des personnes vieillissantes s’infléchisse ou même se retourne et qu’une parenthèse se referme.
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