Home |  Elder Rights |  Health |  Pension Watch |  Rural Aging |  Armed Conflict |  Aging Watch at the UN  

  SEARCH SUBSCRIBE  
 

Mission  |  Contact Us  |  Internships  |    

        

 

 

 

 

 

 

 

 



 
Les porteurs de mémoires : Des liens intergénérationnels 

 

Par Claire Talgorn, Sudouest.com

 

16 mars 2009

 

France

 

Alain Chaniot de la Compagnie du Si enregistre les témoignages de Jean et Henriette Plancke, 85 ans, et une nuée de souvenirs à raconter. (photo pascal bats)
Alain Chaniot de la Compagnie du Si enregistre les témoignages de Jean et Henriette Plancke, 85 ans, et une nuée de souvenirs à raconter. (photo pascal bats)

 

«Lorsqu'on n'était pas sage, Mme Lacouture nous faisait frotter les chenets de la cheminée. Et il fallait qu'ils brillent ! » Jeanne Feigna, yeux clairs ornés de petites lunettes, chignon bien mis et charentaises aux pieds, raconte. La dame, native de Téthieu, a beau avoir 89 printemps, elle se souvient parfaitement des punitions infligées par son institutrice à l'école de Buglose. C'était dans les années 20. Un autre temps, un autre monde dont Alain Chaniot, directeur artistique de la Compagnie théâtrale du Si, écoute les détails religieusement.

Jeanne Feigna fait partie des 81 résidants (dont 14 au sein d'une unité Alzheimer) de la maison de retraite La Pignada à Morcenx. Deux jours durant, la semaine dernière, la structure a été le théâtre d'une expérience artistique inédite, menée par les cinq membres de la troupe bordelaise : le collectage de mémoires d'école. Celles de ces enfants de l'entre-deux-guerres, octogénaires aujourd'hui, qui jouaient alors à la marelle et aux billes, écrivaient avec la plume et l'encrier, humaient l'odeur âcre de la craie et faisaient des kilomètres à pied pour s'asseoir devant le tableau noir.

Le projet, déjà développé en Gironde, a trouvé un écho positif auprès de Paul Carrère, le directeur de l'établissement. « La maison de retraite, à Morcenx, c'est un peu la maison de quartier, souligne le responsable. L'idée, c'est d'ouvrir l'établissement au maximum. Nous échangeons notamment avec d'autres maisons de retraite. Nous leur rendons visite, elles font de même. » Et de préciser : « Notre équipe d'animation est très active et ce projet de collectage de mémoires, valorisant. C'est six mois de travail. Ça change de la pâte à sel. »

La petite étincelle

« On planche sur ce projet depuis trois ans, explique Alain Chaniot (lire par ailleurs). Avec le désir de valoriser les souvenirs de ces enfants de l'entre-deux-guerres. » Seule inconnue, la petite étincelle qui peut surgir... ou pas. « Bien entendu, il faut que les gens aient envie de se confier, les mettre en confiance. Lorsque c'est le cas, il arrive que nous recueillions des confessions étonnantes.»

Appuyé sur une béquille, Jean Plancke revient « du contrôle technique » comme il dit. Les examens n'ont en rien entamé sa bonne humeur. « Papa » comme le surnomme affectueusement sa femme, Henriette, également résidante de la Pignada, entre pile aujourd'hui dans sa 85e année. Une bonne tranche de vie et de quoi raconter. D'autant que Jean Plancke est ce qu'on appelle un « bavard ». Du pain béni pour Alain Chaniot et sa troupe.

Dans un coin du réfectoire, où se prennent d'ordinaire les repas, loin du brouhaha et des regards, deux chaises accueillent bientôt le couple. L'endroit n'est pas vraiment propice à la confession mais Jean et Henriette n'en ont cure. Silence de cathédrale. Alain Chaniot empoigne son magnétophone numérique surmonté d'un petit micro. Tandis que Gérard Blot, photographe, prépare discrètement son objectif. En parallèle au collectage, il réalise des portraits des résidants. Les premiers vers d'un poème de Théophile Gauthier flottent tout à coup dans les airs. Henriette les récite par coeur. Suivront ceux de Victor Hugo. « Pas mal, hein ! Malgré sa maladie », ponctue son mari admiratif. Car cette jolie dame de 85 ans est atteinte d'Alzheimer. Une mémoire immédiate presque vide mais un tiroir aux souvenirs rempli, lui. Dedans, il y a « l'Institution religieuse Jeanne-d'Arc à Moissac dans le Tarn-et-Garonne, le certif', les leçons de morale et les lignes à écrire ».

« On n'était pas tendre »

« Moi, j'ai fait ma scolarité dans la banlieue de Lille, coupe son époux. Avec les copains, on faisait tourner la directrice en bourrique. Quand on devait recevoir un coup de règle sur les doigts - c'était la punition d'alors - on déplaçait la main petit à petit en direction de l'encrier au coin des bureaux. Lorsque le maître frappait, on enlevait nos doigts et la règle atterrissait sur l'encrier. Il y en avait partout. Ah c'est sûr on n'était pas des tendres ! », rigole Jean, plus de 71 ans après ses méfaits. Des bagarres entre école laïque et école privée, des jets de crottin de cheval, de la levure dans les toilettes, Jean Plancke et ses copains d'alors ont fait les quatre cents coups bien avant le film de Truffaut.

« Vous avez eu ce que vous voulez ? », demande bientôt l'interviewé. Alain Chaniot acquiesce, remercie. Et d'un pas lent, « maman et papa » rejoignent leur appartement.

Demain, la collecte se poursuit. Jeanne Feigna et d'autres résidants se confieront à nouveau à ces cinq inconnus qui n'en sont plus vraiment. Et la Compagnie du Si, d'ordinaire spécialisée dans le spectacle jeune public, s'attachera à recueillir les souvenirs de ces grands enfants de 80 ans.


More Information on World Elder Rights Issues 


Copyright © Global Action on Aging
Terms of Use  |  Privacy Policy  |  Contact Us