Cette bonne vieille
Italie
Par Eve Mongin,
radici-press.net
Juillet
2009
Italie
À l’approche des élections européennes, les affiches du Partito Pensionati vont sans doute fleurir sur les murs d’Italie, comme lors de chaque campagne électorale. Une marque parmi d’autres de l’importance des personnes âgées dans la population italienne, de par leur nombre et de par leur rôle.
Le film Le déjeuner du 15 août qui vient de sortir sur les écrans français et dont le protagoniste, qui vit seul avec sa mére de 93 ans, se retrouve aux prises avec un gynécée trés quatriéme âge, évoque une réalité toute italienne. L’Italie est en effet le pays européen qui a la population la plus âgée : un Italien sur cinq a plus de 65 ans. Comme dans les autres pays, l’espérance de vie s’est évidemment allongée avec l’amélioration des conditions de vie et les bienfaits connus de la « diéte méditerranéenne » mais, avec un des plus bas taux de natalité d’Europe, les anziani sont désormais une composante bien visible de la population, à tous les niveaux de la société.
La classe dirigeante et politique italienne ne fait pas exception à la régle, étant une des plus âgées au monde : la moitié des hommes politiques a plus de 71 ans, le Président du Conseil en a 72 (mais toujours plus juvénile et sans un cheveu blanc) et le Président de la République en a 84 (trés bien portés). Le relais du pouvoir passe en outre presque systématiquement de pére en fils/fille (être avocat, architecte, médecin, professeur universitaire, dirigeant d’entreprise semble ici une charge héréditaire) et comme disent les Italiens eux-mêmes, en Italie régnent la gerontocrazia (gérontocratie) et bien souvent le népotisme (ou familismo), au détriment de la meritocrazia (méritocratie). Les journaux et blogs italiens regorgent d’articles, de sondages, de coups de gueule sur l’absence de renouvellement générationnel (les « jeunes » n’arrivant pas à se faire une place « au soleil ») et de comparaisons avec les Obama, Sarkozy et autres Blair et Zapatero... Mais rien n’y fait, un homme politique ou un dirigeant d’entreprise cinquantenaire est considéré ici comme un jeune loup qui a encore une longue carriére devant lui ! Et l’âge moyen de la retraite en Italie (encore un des plus bas d’Europe, 58 ans) ne semble pas le
concerner...
A mon arrivée ici, j’avais été frappée par le grand nombre de nonne et nonni (grand-méres et grand-péres) à la sortie des écoles (à 13h) ou derriére des poussettes, faisant office de baby sitter, par plaisir bien sûr mais aussi par la force des choses, vu le manque chronique de places en créche, l’absence d’école l’aprés-midi et la longueur des vacances scolaires en été (trois mois et
demi).
D’ailleurs, du moins en province, les anziani co-habitent souvent avec leurs enfants, un grand nombre de maisons ayant été souvent construites pour accueillir (au moins) trois générations, des grand-parents aux petits-enfants (ah, la cohabitation avec la belle-mére, tout un poéme !).
Si les Italiens ont donc peu l’habitude de mettre les anziani en maison de retraite et hospices (c’est tout à leur honneur et de toute façon ils sont souvent hors de prix) et vivent encore souvent avec leurs parents comme dans le film, ou au moins dans la même ville, ils tendent cependant de plus en plus souvent à recourir à des « collaborateurs domestiques », les badanti, pour s’en occuper au
quotidien.
Ce sont le plus souvent des femmes, philippines, sud-américaines mais en majorité originaires d’Europe de l’Est (Roumanie, Ukraine, Moldavie...) qui prennent soin des anciens (ou des enfants) pour un salaire moyen de 600 à 900 euros mensuels. Ces femmes, fer de lance d’un nouveau genre d’immigration au féminin, ont laissé mari et enfants au pays, ces derniers grandissant seuls, élevés par les grand-parents (la boucle est bouclée...). Rares sont les communes qui remboursent une partie des frais qui sont donc à la charge exclusive des familles et tout aussi rares sont donc les badanti déclarées. Elles sont pourtant désormais partie prenante du paysage familial italien.
Elles en font même tellement partie qu’elles peuvent aussi provoquer surprises et déconvenues des familles, qui font grise mine quand un grand-pére veuf et/ou un peu sénile annonce ses noces avec une badante de quelque 50 ans plus jeune ! Les 10 derniéres années, prés de 30 000 mariages ont été célébrés entre Italiens âgés de 70 à 85 ans et de jeunes et sémillantes badanti, qui ont parfois l’âge de leurs enfants/petits-enfants. Les préfectures et le Parquet veillent, mais rares sont les cas dans lesquels le mariage est purement et simplement annulé malgré les soupçons.
Ces amours tardifs ne sont sans doute pas étrangers à l’explosion des ventes de Viagra, qui ont atteint le chiffre plus qu’honorable de 6 millions de pilules par an (54 millions depuis sa mise sur le marché en 1998) ! Mais on ne dispose pas encore de statistiques concernant les effets de la petite pilule bleue sur la longévité de ces mariages...
Eve Mongin est avocat, vit et travaille depuis de nombreuses années en Italie. Retrouvez ses chroniques hebdomadaires dans le blog qu’elle tient sur le site internet du quotidien Libération.
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