La Chine grisonnante: un pays qui va être vieux avant de devenir riche
Par Pascale Trouillaud, AFP
13 janvier 2010
Chine
Une aide-soignante assiste une femme âgée, le 8 janvier 2010 dans un établissement spécialisé à Pékin
Avec ses 162 millions d'habitants de plus de 60 ans et un taux de vieillissement accéléré, la Chine est le seul pays en développement confronté à ce paradoxe: devenir vieux avant d'être riche.
C'est la rapidité avec laquelle la population âgée croît qui inquiète les démographes et le gouvernement
chinois.
En 2020 la Chine comptera 248 millions de plus de 60 ans, soit 17% de sa population (12% actuellement) et en 2050 environ 24%, un Chinois sur quatre.
Des niveaux intenables si, comme aujourd'hui, les deux tiers des ruraux n'ont pas de retraite et les infrastructures en matière de santé sont très insuffisantes.
"Le vieillissement de la population va être un énorme problème social", prédit Wang Xiaoyan, fondatrice de Community Alliance, l'une des rares ONG à s'occuper des seniors
chinois.
La première génération de parents touchés par la politique de l'enfant unique --qui a permis d'empêcher la naissance de 400 millions de Chinois-- arrive à la soixantaine. Et les migrations urbaines sans précédent d'ouvriers ou d'étudiants ont achevé de faire imploser la cellule familiale
traditionnelle.
De plus en plus, prévaut la redoutable pyramide inversée du 4-2-1: ses quatre grands-parents et deux parents sont à la charge de l'enfant unique.
Résultat: la moitié des Chinois de plus de 60 ans, soit 80 millions, vivent dans "un nid vide", sans enfants, ceux-ci ne pouvant plus assumer.
L'enjeu du vieillissement n'a pas échappé à Pékin, qui lance cette année une politique de retraite, encore très modeste, auprès de 10% des ruraux, et augmente les allocations aux personnes âgées.
Le gouvernement veut permettre à 90% des plus de 60 ans de rester en famille avec une assistance extérieure, 6% d'être pris en charge, toujours chez eux, par les collectivités et 4% les maisons de
retraite.
Mais les 40.000 maisons de retraite de Chine n'ont que 2,5 millions de lits. "Aujourd'hui, il en manque 5,5 millions pour faire face à la demande", dit Mme Wang.
En banlieue de Pékin, la maison de retraite Ren Ai ("Bonté-Amour") est en plein travaux et aura bientôt 400 lits supplémentaires, multipliant sa capacité par cinq, explique sa
directrice.
"Il y a pénurie de maisons de retraite", dit Wang Liwen, qui a sous le coude entre 200 et 300 demandes
d'inscription.
Les résidents, anciens ouvriers ou paysans "avec de toutes petites pensions", paient entre 1.350 et 1.550 yuans par mois (140 à 160 euros) dans cette institution aux murs décrépis et moquettes fanées.
Mme Wang, qui reçoit en parka dans un bureau glacial, fait ensuite visiter les futures chambres: parfois, trois lits dans une pièce de 20 m2 sans fenêtre.
"Certaines des vieilles personnes pensent que leurs enfants les ont abandonnées",
dit-elle.
Le démographe Wu Cangping, qui à 88 ans enseigne toujours à l'université Renmin, rappelle qu'"en Chine, pendant longtemps, les personnes âgées ont compté sur leurs
enfants".
"Maintenant, les enfants n'ont pas assez d'argent pour s'occuper des parents. On vieillit avant d'être devenus riches!",
lance-t-il.
"Le gouvernement dépense très peu pour les soins et la santé", mais les choses changent et "nous ne connaîtrons pas la crise (du vieillissement) des pays occidentaux", assure le démographe, en allusion aux énormes rentrées fiscales engrangées par la Chine grâce à sa
croissance.
Dans la maison de retraite Ren Ai, Ma Shufan, bon pied bon oeil malgré ses 86 ans, se dit ravie d'avoir de la
compagnie.
"C'est bien mieux que chez mes enfants: ils doivent aller travailler, et personne n'a le temps de me parler. Chez lui, mon fils n'avait pas de pièce pour moi", explique cette ancienne
institutrice.
Et surtout, elle a trouvé des partenaires de mah-jong. Parmi ceux qui avaient encore toute leur tête.
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