La
multiplication de mesures en faveur de
l'emploi des séniors depuis une dizaine
d'année semble finir par avoir quelques
effets, toutefois leur impact reste
limité.
«Depuis 2007, il y a 520.000 seniors de
plus au travail. Le taux d'emploi des plus de
55 ans a augmenté de 8 points.»
En affichant une telle progression, dimanche
sur M6, Nicolas Sarkozy enjolive un peu la
réalité… Le taux d'emploi des
55-64 ans a progressé de 3,2% entre
2007 et 2011, selon la Dares, la Direction des
études du ministère du Travail.
Pourtant, on aurait tort de négliger ce
frémissement. Longtemps à la
traîne - des seniors en emploi, ce sont
des personnes qui cotisent et potentiellement
créent de l'activité en
dépensant leurs revenus -, la France
commence enfin à rattraper son retard.
Pour preuve, le taux d'emploi
«sous-jacent» des seniors a, lui,
grimpé de 6,1 points. Cet indicateur
est plus pertinent que le
précédent, car il neutralise les
effets démographiques: depuis cinq ou
six ans, la tranche d'âge 55-64 ans
devrait spontanément voir son taux
d'emploi baisser, les
générations nombreuses de
l'après-guerre basculant de la case
«55-59» à la case
«60-64 ans», où le nombre
de personnes encore au travail plonge. C'est
justement ce décrochage à 60 ans
qui explique le handicap français. Sur
la tranche 55-59 ans, le taux d'emploi
atteignait 60,6% en 2010, contre une moyenne
de 60,9% dans l'Europe des 27. Mais sur la
tranche 60-64 ans, la France atteint
péniblement 17,9%, contre 30,5%.
Longtemps a prévalu l'idée selon
laquelle, face au chômage, la solution
était le partage du travail.
D'où la retraite à 60 ans, au
début de l'ère Mitterrand, ou
les 35 heures sous Jospin. Les courbes du
chômage des dernières
décennies ont malheureusement
montré qu'il ne suffisait pas de sortir
les «vieux» du marché du
travail pour libérer des emplois pour
les jeunes.
Le retournement a commencé en 2002
«et s'est accéléré
en 2007-2008», constate une experte de
l'emploi. Il tient pour partie au
développement du travail des femmes.
Mais les réformes des retraites ont
aussi joué, avec l'allongement de la
durée de cotisation dans le
privé, en 1993, dans le public en 2003
puis dans les régimes spéciaux
fin 2007. Et «depuis une
décennie, les politiques de l'emploi
s'attaquent au problème. On a eu une
multiplication de mesures, pas
forcément d'une ampleur énorme
mais qui semblent finir par avoir des
effets», poursuit cette
spécialiste.
Le «CDD senior» d'une durée
de trois ans (2006) a fait un flop.
L'obligation faite aux entreprises de
négocier sur les effectifs de seniors,
sous peine de sanction financière
(2009), aboutit surtout à des accords
de façade. Mais la surcote, ce
«bonus» de pension pour les
personnes continuant à travailler alors
qu'elles ont leur taux plein (2003),
séduit 15% des salariés. Le
cumul emploi-retraite a été
libéralisé (2004 puis 2010). Les
préretraites sur fonds publics ont
quasi disparu (2005). La retraite d'office -
décidée par l'entreprise, contre
l'avis du salarié - a été
repoussée de 65 à 70 ans (2009).
La dispense de recherche d'emploi pour les
chômeurs de plus de 58 ans a
été supprimée entre 2009
et 2012. Enfin la réforme Woerth, qui
repousse l'âge légal de la
retraite à 62 ans, semblait se traduire
dès la fin 2011 (premier semestre
d'application) par une
accélération de la hausse du
taux d'emploi des 60-64 ans.
Revers de la médaille: davantage de
seniors restent sur le marché du
travail mais tous ne trouvent - ou ne
conservent - pas un emploi, surtout avec la
crise. Le chômage des seniors est donc,
lui aussi, à la hausse.