Le mot n'est pas prononcé, mais le PS
le reconnaît, il fait bien un "pas
supplémentaire" vers l'euthanasie.
"C'est la première fois que la
proposition est vraiment officielle de la part
d'un candidat" en mesure de remporter la
présidentielle, se réjouit
Jean-Luc Romero, président de
l'Association pour le droit de mourir dans la
dignité (ADMD). La formule est
néanmoins prudente : "Je proposerai,
écrit François Hollande dans ses
"60 engagements pour la France", que toute
personne majeure en phase avancée ou
terminale d'une maladie incurable, provoquant
une souffrance physique ou psychique
insupportable, et qui ne peut être
apaisée, puisse demander, dans des
conditions précises et strictes,
à bénéficier d'une
assistance médicalisée pour
terminer sa vie dans la dignité."
Le candidat ne s'est pas encore
exprimé sur ses convictions, mais son
entourage estime qu'il n'y a rien de
surprenant à ce que l'aide active
à mourir figure à son programme.
"François Hollande a pour ambition que
la gauche s'associe à des
transformations de la société et
à l'évolution des droits, pas
uniquement économiques et sociaux",
décrypte Marisol Touraine,
chargée des questions sociales pour la
campagne. S'il n'a jusque-là pas
mené le combat pour faire
évoluer la législation, M.
Hollande n'a jamais pris position contre. "Le
candidat s'appuie sur ce qui fait consensus
dans le parti. Sur ce sujet, nous estimons que
la situation juridique actuelle n'est pas
acceptable", explique Jean-Marie Le Guen. La
décision de retenir cette proposition
aurait donc été rapide.
Pour le PS, la loi Leonetti et son principe du
"laisser mourir", qui induit l'arrêt des
traitements et la sédation du patient
au risque d'entraîner la mort, est
"hypocrite" et laisse des patients dans des
situations inextricables. "L'opinion est
mûre. Il est donc important que la
gauche fasse avancer les choses", plaide
Manuel Valls. Le PS s'appuie sur les
dernières enquêtes d'opinion. A
la question "La loi devrait-elle autoriser les
médecins à mettre fin, sans
souffrance, à la vie de ces personnes
atteintes de maladies insupportables et
incurables si elles le demandent ?", 49 % des
personnes interrogées par l'IFOP en
août 2011 répondaient "oui,
absolument", et 45 % "oui, dans certains cas",
soit 94 % d'avis favorables. En 2001, elles
étaient 88 %.
PRISES DE
POSITION COLLECTIVES
Au PS, le consensus autour de l'aide active
à mourir ne s'est pas forgé du
jour au lendemain. Deux personnes ont surtout
pesé : Manuel Valls et Laurent Fabius.
Ni l'un ni l'autre ne se sont
intéressés au sujet à la
suite d'une histoire personnelle, comme c'est
parfois le cas. L'ancien premier ministre se
dit cependant marqué par des contacts
avec Marie Humbert, qui s'est battue pour
obtenir de l'aide pour son fils Vincent,
tétraplégique. Il insiste sur la
nécessité d'apporter des
solutions pour les situations
particulièrement difficiles, sous
conditions précises. "La question de
l'égalité est décisive.
Si on ne légifère pas, la
situation continuera de dépendre soit
du médecin en face du patient, soit des
relations de ce dernier, de sa situation
sociale et de sa capacité à
aller chercher une aide à
l'étranger", explique M. Fabius.
Des événements, aussi, ont
joué. Si, il y a dix ans, Lionel Jospin
avait refusé d'inscrire l'aide à
mourir à son programme, le combat de sa
mère, Mireille, adhérente de
l'ADMD qui s'est donné la mort fin
2002, a marqué. Comme celui de Chantal
Sébire, atteinte d'une tumeur incurable
au visage et qui réclamait le droit de
mourir dignement, en 2008. D'individuelles,
les prises de position sont devenues
collectives. Le groupe PS à
l'Assemblée a approuvé, fin
2009, une proposition de loi portée par
M. Valls, qui a ensuite été
retoquée dans l'hémicycle. Le
même sort a été
réservé, début 2011,
à un texte déposé au
Sénat avec des élus communistes
et UMP. Mais pour la première fois
depuis 1980, date de la première
offensive, il avait été
voté en commission - obligeant
François Fillon à monter au
créneau pour en empêcher
l'adoption. Le parti, aussi, s'est
emparé de l'aide à mourir.
D'abord en l'inscrivant dans la convention
pour l'égalité réelle en
2010 puis dans le projet présidentiel
du PS.
Dire que tout le monde est d'accord au PS
serait exagéré. Il reste des
opposants à l'euthanasie - comme il
existe des partisans à l'UMP. "Je ne
crois pas à l'affirmation d'un droit,
qui pourrait ouvrir la porte à des
dérives, mais je suis favorable
à une exception d'euthanasie, qui
permettrait à des médecins de ne
pas être poursuivis s'ils ont
apporté leur aide", défend le
député Gaëtan Gorce, ancien
participant de la mission Leonetti
réunie en 2008 pour améliorer la
loi.
"Il s'agit de reconnaître un droit, pas
d'imposer une pratique. Chacun, selon ses
convictions, pourra ou non l'écarter et
ceux qui le saisiront seront probablement
extrêmement minoritaires", explique Mme
Touraine, alors que les lobbies
anti-euthanasie montent déjà au
créneau. Elle rappelle d'ailleurs que
le PS ne va pas jusqu'à proposer le
suicide assisté, prôné par
l'ADMD.
La définition concrète de l'aide
active à mourir est renvoyée
après l'élection. Le rôle
des médecins devra être
précisé. Outre l'instauration
d'une clause de conscience, comme pour
l'avortement, le PS pense à
séparer les fonctions des praticiens,
afin que celui qui soigne ne soit pas celui
qui donne la mort.