Les seniors entrepreneurs sont
oubliés par les politiques
Le Figaro
27 Avril 2012
France
Cette
constatation est d'autant plus pesante que l'Union
Européenne se félicite de promulguer
l'année européenne 2012,
"année du vieillissement actif et de la
solidarité
intergénérationnelle". Les
seniopreneurs se retrouvent
isolés,oubliés et assez souvent
exclus du cadre d'analyse des experts. Et pourtant
leur apport peut être
considéré comme une réelle
opportunité dans une perspective de relance
économique et sociale des Etats.
Un phénomène important qui
caractérise notre siècle est "le
vieillissement démographique". Pour les
années à venir, les personnes
âgées vont représenter le
segment de population le plus important. Ceci est
dû au phénomène de "Papy boom"
qui reflète l'accroissement de la
population âgée ainsi que son impact
sur la société de consommation.
Après avoir été longtemps
dans l'oubli, les personnes âgées
captivent de plus en plus l'attention des
responsables de tout bord qui cherchent à
atteindre ce segment ( Safraou 2009). En effet,
l'intérêt porté aux personnes
âgées a vu le jour au début
des années 60.
En Europe de manière générale
et en France en particulier, les personnes
âgées représentent un segment
en forte croissance. En 2012, les 50-64 ans
représentaient ainsi 19,2% en France contre
19,1% dans l'Europe des 27 (Eurostat) et les 65-79
ans 11,4% en France pour 12,7% dans la
communauté européenne. Au 1 er
janvier 2000, plus de 100 millions
d'européens ont plus de 50 ans, dont 19
millions de Français. Toutes les 37
secondes, un Baby boomer franchit le cap des 50
ans. En 2020, ils atteindront les 25 millions et
ils seront 30,5 millions en 2050 (Chevalier,
2000).
En France, la problématique des seniors est
saisissante et les "présidentielles" ne
font que confirmer un constat accablant. En
décortiquant le programme des
différents candidats, on ne peut que mettre
en avant leurs carences en matière
d'employabilité des seniors: aucun des cinq
présidentiables n'avançait de
réelles propositions en faveur des seniors
et particulièrement en matière
d'emploi.
Pour François Hollande, les seniors se
résument tout simplement à une
opération retraite et un retour à 60
ans à l'âge légal de la
retraite. Il souhaite "une négociation
globale" dès l'été 2012 avec
les partenaires sociaux afin de définir
dans un cadre financier durablement
équilibré l'âge légal
de départ à la retraite. Il souhaite
également engager une réforme de la
dépendance permettant de mieux accompagner
la perte d'autonomie. Pour Nicolas Sarkozy, une
formation est possible pour les personnes en
situation de chômage, même les plus
âgées d'entre elles. "A 57 ans, on
n'est pas fichu! On n'est pas foutu! Et si vous me
permettez cette expression - on a autre chose
à faire que de rester chez soi à
attendre la retraite, à déprimer,
à se sentir inutile, socialement et
économiquement". Jean-Luc Mélenchon
souhaitait rétablir le droit à la
retraite à 60 ans à taux plein. Il
avançait des mesures pour "éradiquer
le chômage sans mettre à aucun moment
les seniors au devant de ses
préoccupations". Quant à
François Bayrou, il proposait à
'toute entreprise de moins de 50 salariés
l'ouverture d'un droit à un emploi sans
charges pendant deux ans pourvu qu'il s'agisse
d'un CDI (avec période d'essai)
proposé à un jeune dont ce sera le
premier emploi où à un
chômeur". Enfin Marine Le Pen souhaitait
revenir progressivement à 60 ans à
l'âge légal de la retraite et "pour
les travailleurs ayant débuté leur
activité professionnelle
précocement, des négociations par
branche et par secteur détermineront les
modalités d'une possible dérogation
à cette règle des 60 ans".
L'année 2012 a été
promulguée par l'Union Européenne
année du vieillissement actif et donc de
l'employabilité des seniors. Cependant les
entreprises continuent à bouder les 50 ans
et plus. Ce sont les caractéristiques
même de cette frange de la population qui
leur posent problème. En effet,pour le
sociologue Serge Guérin, spécialiste
des seniors, "les représentations restent
fondamentalement négatives vis à vis
de l'âge et si l'on assiste progressivement
à une prise de conscience du
caractère inéluctable de
l'allongement de la durée
d'activité, il existe un fossé entre
cette analyse et l'action qui devrait en
résulter". Et malgré les
différents efforts entrepris par les
pouvoirs publics, le très
controversé seuil des 50% ( en termes
d'employabilité des 50 ans et plus) reste
utopique pour la plupart des pays
européens.
Nous constatons au vu des résultats une
légère baisse du chômage chez
les 50 ans et plus mais il est évident que
le problème reste de taille pour les
pouvoirs publics et les politiques. Cette frange
de la population continue à mettre en
difficulté, involontairement, la
sphère économique et sociale. En
France, l'Insee comptabilise près de 485
000 seniors-chômeurs.
L'année européenne 2012 est
promulguée année du vieillissement
actif et de la solidarité
intergénérationnelle. D'après
la Commission européenne, "cette initiative
vise à améliorer les
possibilités d'emploi et les conditions de
travail des personnes âgées, de plus
en plus nombreuses en Europe, afin de les aider
à jouer un rôle actif dans la
société et à encourager le
vieillissement en bonne santé" (septembre
2010).
Ces initiatives nous rappellent que les seniors
constituent un potentiel démographique et
économique et qu'ils représentent
une catégorie d'acteurs incontournables des
débats actuels ( utilisation des nouvelles
technologies, santé, intentions de
vote,etc...). Cet intérêt croissance
envers cette catégorie de la population est
une invitation à nous pencher sur un
nouveau phénomène: la
création d'entreprise par les seniors.
En France, les dernières études
auprès des seniors montrent un fort
engouement pour l'entrepreneuriat (Maâlaoui
et al, 2012). En 2010, plus de 16% des
créations sont le fait de personnes de 50
ans et plus. Selon l'APCE, plus de 50 000
personnes d'au moins 50 ans ont créé
une entreprise en 2008.Dans une étude
menée par le CSA et l'APCE (2010), 51% de
l'échantillon formé par des seniors
salariés ou à la recherche d'un
emploi se disent prêts à
entreprendre. En France, près d'un senior
sur deux finance sa propre création
d'entreprise. Leur profil est différent car
il s'agit aussi bien de salariés, de
demandeurs d'emplois, de retraités et
même d'entrepreneurs en activité.
Les seniors sont généralement
confrontés à plusieurs
difficultés notamment au souci du
désengagement, à l'isolement social
et professionnel, à la préoccupation
pour les générations futures....Ces
craintes associées à d'autres
motivations viennent animer un nouveau
désir et un nouvel acte qui serait
susceptible de remédier à ces
problèmes: tenter l'expérience
entrepreneuriale et probablement tenter de couper
court à leur propre chômage.
Autrement dit, le senior entrepreneur est "un
invidividu qui a entamé une
expérience entrepreneuriale
postérieure à ses 50 ans. Il
souhaite faire face au désengagement social
et prolonger son activité professionnelle.
Cette frange de la population ambitionne de
transmettre aux générations futures
ses connaissances, son expérience, son
expertise et éventuellement un patrimoine.
Le senior entrepreneur souhaite également
générer des revenus pour assurer son
quotidien ou un complément de salaire" (
Maâlaoui et al, 2012).
En France, il serait intéressant de
mobiliser la classe politique ainsi que les
partenaires privés sur la
problématique de l'entrepreneuriat des
seniors. Il faudrait mettre en avant une vraie
prise de conscience quant au potentiel
entrepreneurial des seniors et leur
capacité à créer de la
richesse indépendamment de
l'étiquette "vieux" qu'on leur attribue.
Les seniors ne sont pas uniquement destinés
à faire de l'associatif et du
bénévolat. Ils peuvent nous apporter
au travers de leurs compétences,
expériences, savoir-faire et réseaux
un réel support à l'acte
entrepreneurial. Toutefois, les seniors
entrepreneurs ne sont pas assez
sensibilisés à l'entrepreneuriat et
il faudrait proposer une vraie campagne
d'initiation et d'intéressement. Il serait
également intéressant de proposer
à cette population un vrai levier en
matière fiscale et financière.
Il est important que les pouvoirs publics prennent
conscience de l'importance du
phénomène et lui accorde toute la
légitimité qui lui revient de droit.
Les seniors entrepreneurs peuvent au-delà
de la création d'entreprise, créer
des emplois. A supposer que nous arrivions
à sensibiliser 25% des seniors en situation
de chômage et que chaque création
puisse générer 5 emplois, plus de
600 000 emplois seraient créés.
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