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France: Canicule: Un Seuil d'Alerte Spécifique est Fixé pour Chaque Département
By Jean-Yves Nau, Le Monde
May 13, 2004
Les populations ne résistent pas de la même façon aux fortes chaleurs dans la Manche et dans le Gers. Ces différences ont été prises en compte par les pouvoirs publics quand, neuf mois après la canicule, le gouvernement a mis au point un plan visant à prévenir les carences observées en août 2003. Celles-ci touchaient autant la centralisation des données sanitaires que le manque de communication entre administrations ou la gestion de la crise par les responsables politiques.
Ce plan, qui vient d'être présenté par le ministre de la santé, Philippe Douste-Blazy (Le Monde du 6 mai), prévoit notamment que chaque année, entre le 1er juin et le 30 septembre, les services de Météo France et ceux de l'Institut de veille sanitaire (IVS) organiseront une veille climatique et sanitaire permanente. C'est au vu des prévisions météorologiques faites à deux ou trois jours que l'alerte pourra être lancée à l'échelon des départements ou des régions touchées.
Chaque jour, à 6 heures et à 18 heures, Météo France publiera, sur son site Internet, une carte sur laquelle apparaîtra un pictogramme "Vigilance chaleur", de couleurs différentes - orange ou rouge - en fonction du danger. Ces informations seront également communiquées par Météo France aux médias dits "à réaction rapide" (quotidiens, radios, télévisions), qui pourront les diffuser au plus vite.
En pratique, dès lors que l'on pourra prévoir un dépassement des seuils (niveau orange), le directeur général de l'IVS informera le ministre de la santé, qui alertera les préfets. Des cellules de crise seront alors constituées au niveau des départements, des régions ou des zones de défense, les préfets étant chargés du déclenchement des plans blanc (hôpitaux), rouge (services de secours) et vermeil (interventions auprès des personnes âgées et handicapées vulnérables).
Reste, concrètement, à savoir à partir de quels seuils l'alerte sera déclenchée. Contrairement à ce que l'on avait pu comprendre lors de la présentation du "plan canicule" par le ministre de la santé, ces seuils varient notablement selon les départements. Pourquoi ? Il faut savoir, pour comprendre, que les spécialistes de Météo France et de l'IVS ont mené un travail rétrospectif sur trente ans à partir des relevés de température et des chiffres de mortalité dans quatorze villes-pilotes.
Ils ont ainsi pu établir à partir de quelles températures minimales (nocturnes) et maximales (diurnes), enregistrées lors d'une même journée, on commençait à observer une augmentation des taux de mortalité. Ces spécialistes ont aussi été en mesure de montrer, sur la base de longs travaux statistiques et épidémiologiques, que d'autres données météorologiques (comme les taux d'hygrométrie, par exemple) n'apparaissaient pas pertinentes pour identifier un risque sanitaire.
"Nous nous sommes aperçus que pour obtenir la meilleure corrélation entre les températures et la mortalité, il fallait travailler sur les maxima et sur les minima et prendre en compte les différences géographiques, le risque n'étant pas identique partout en France", précise le professeur Gilles Brücker, directeur général de l'IVS. De fait, si les seuils se situent, de façon générale, autour de 20 °C pour la nuit et 30 °C le jour (21 et 31 à Paris et en Ile-de-France), la comparaison des données à l'échelon national montre des différences entre les départements qui peuvent être importantes. Ainsi, pour les minima, la température d'alerte est généralement de 18 °C pour le Nord-Ouest, de 21 en région parisienne, et de 23 le long de la Méditerranée. Pour les maxima, le seuil est plutôt de 29 °C sur les côtes de la Manche, de 31 pour la région parisienne, et de 36 dans le Sud-Ouest ou le sud de la vallée du Rhône.
"Le système a été élaboré pour la population générale, précise le professeur Brücker. Il ne nous a en effet pas été possible de tenir compte de la vulnérabilité de certaines populations comme les personnes âgées, alitées, les personnes souffrant de pathologies à risque - maladies cardio-vasculaires, respiratoires, neurologiques, diabète, etc. - ou les personnes vivant dans des conditions de vie précaires."Après le niveau orange, le niveau rouge conduira au déclenchement d'un nouveau type d'alerte, lorsque la canicule se prolongera dans le temps ou qu'elle se manifestera sur une large partie du territoire.
Si les autorités sanitaires avaient pris la mesure des risques majeurs liés aux fortes chaleurs, une telle alerte aurait été lancée dès les 7 et 8 août 2003 car la troisième vague de chaleur de l'année, la plus importante, avait commencé les 3 et 4 août ; les prévisions météorologiques indiquaient alors que ces conditions se maintiendraient jusqu'au 15 août.
Ces prévisions se sont révélées exactes, l'acmé caniculaire a en effet été atteint les 10, 11 et 12 août, avec des températures qui ont franchi les 40 °C dans 15 % des villes du pays. On a su depuis que, à cette date, près de 15 000 personnes - âgées, malades ou vulnérables - avaient trouvé la mort, en France, du fait des fortes
chaleurs.
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