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Florence Ganivet, Le Monde Elle est mise en examen pour "hébergement incompatible avec la dignité
humaine" et "falsification de chèques". Des pensionnaires livrés à eux-mêmes. La propriétaire d'une maison de
retraite de Chelles (Seine-et-Marne), Yvette Trahard, 73 ans, a été mise
en examen et incarcérée, mercredi 14 avril au soir, à Fleury-Mérogis (Essonne),
pour une série d'infractions commises au détriment des vingt et une
personnes âgées habitant la résidence Avia, qu'elle dirigeait. Elle est
notamment poursuivie pour "hébergement de personnes vulnérables
dans des conditions incompatibles avec la dignité humaine, exploitation
irrégulière d'un établissement accueillant des personnes âgées, abus
de biens sociaux, falsification de chèques et usage". Elle avait
transformé un ancien sanatorium en pension familiale, puis en maison de
retraite il y a une dizaine d'années. C'est fin 2002 que l'affaire éclate, avec les accusations d'une auxiliaire
de vie en litige avec la responsable de l'établissement. Le parquet de
Meaux reçoit plusieurs lettres de l'Association française de protection
et d'assistance aux personnes âgées, présidée par Christophe
Fernandez, de différentes familles et de membres du personnel. Ces
courriers dénoncent une hygiène catastrophique, une alimentation périmée,
des maltraitances physiques, une insuffisance de moyens et de personnel.
Il est également question de publicité mensongère. Mardi 13 avril au matin, des perquisitions ont eu lieu sur place. Le médecin-expert
n'a relevé aucune trace de violence avérée, mais une série d'éléments
qui suggèrent l'absence d'une réelle prise en charge, médicale et
psychologique, des résidents. Une personne souffrant d'insuffisance
cardiaque a dû être hospitalisée d'urgence. Selon le parquet, certains témoins ont reçu des menaces et, craignant des
représailles, préfèrent garder l'anonymat. Une femme raconte :"La
directrice de l'établissement se montrait particulièrement autoritaire.
Mon mari avait toutes ses capacités mentales lorsqu'il se plaignait du
fait que personne ne venait l'aider lorsqu'il tombait de son lit en pleine
nuit. Pour les médicaments, on me répondait que ce n'était pas à moi
de m'en soucier." Au bout d'un an, elle a pu changer son époux de
maison de retraite. Mais, comme le souligne Christophe Fernandez, "il
n'est pas toujours facile de trouver des places ailleurs". "LITTÉRALEMENT PARQUÉES" Le procureur adjoint de Meaux, Philibert Demory, dénonce "des
conditions d'hébergement indignes" et estime que "les
pensionnaires étaient littéralement parqués". Il affirme que
"plus de 500 000 euros ont été détournés, dont une partie a été
placée sur un compte en Belgique". La nièce d'une résidente
explique : "On me disait de ne pas mettre l'ordre sur les chèques,
qu'ils s'en chargeraient." Selon le parquet, "la propriétaire gérante, condamnée en 1996 pour
fraude fiscale, a continué de gérer l'établissement, de fait, en ayant
désigné, de droit, plusieurs personnes successivement". Les résidents
devaient payer plus de 1 800 euros par mois. La Ddass doit désormais assurer le transfert progressif des pensionnaires, avec une priorité aux plus dépendants. Le préfet a pris un arrêté mardi 13 avril ordonnant la fermeture de l'établissement au plus tard le 31 juillet, un administrateur provisoire devant en assurer la gestion d'ici là. Le compagnon de la propriétaire, André Cadolle, et l'actuelle gérante, Valérie Guilliard, ont été placés sous contrôle judiciaire. Les trois personnes poursuivies encourent jusqu'à sept ans d'emprisonnement et 200 000 euros d'amende. Pour Frédéric Sanchez, qui se félicite de "la solution trouvée par les autorités publiques", ce dossier n'est malheureusement pas le seul du genre.
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