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France: "Sécu": le Déficit se creuse, M. Douste-Blazy précise la Réforme
by Claire Guélaud, Le Monde
April 26, 2004
Le ministre de la protection sociale a précisé, dimanche 25 avril, que le "trou" de l'assurance-maladie serait de l'ordre de 14 milliards d'euros en 2004. Il a proposé de confier aux partenaires sociaux et aux professionnels de santé la gestion d'un système qui, selon lui, "est devenu
fou"
Le calendrier gouvernemental sur l'assurance-maladie est des plus serrés. Invité du "Grand rendez-vous" d'Europe 1, dimanche 25 avril, Philippe Douste-Blazy a annoncé qu'il soumettrait, "début mai", ses propositions écrites de réforme aux partenaires sociaux avant d'être auditionné, mardi 4 mai, par Jean-Louis Debré dans le cadre de la mission d'information parlementaire. Il souhaite soumettre son avant-projet de loi, le 20 mai, au Conseil d'Etat, le présenter au conseil des ministres à la mi-juin et le défendre au Parlement en juillet.
Au risque d'alimenter les craintes du Parti socialiste, qui le soupçonne de vouloir se défausser du dossier de l'assurance-maladie, le ministre de la santé et de la protection sociale a proposé de confier aux partenaires sociaux le soin de fixer le périmètre de soins remboursables. Un cadeau empoisonné, que les syndicats semblent peu tentés
d'accepter.
M. Douste-Blazy a esquissé par ailleurs les contours d'une réforme "juste et équitable", défendant son credo - "dépenser moins pour soigner mieux" - et mettant en garde contre des mesures jugées trop pénalisantes pour les patients.
Près de quatre semaines après sa nomination, le ministre a quasiment bouclé ses consultations avec les partenaires sociaux. En compagnie du secrétaire d'Etat à l'assurance-maladie, Xavier Bertrand, il doit encore rencontrer, à partir de mardi, les syndicats de praticiens hospitaliers, et recevoir, à une date non précisée, un certain nombre de responsables
politiques.
Un déficit 2004 proche de 14 milliards d'euros. A l'approche de la traditionnelle réunion de printemps de la commission des comptes de la Sécurité sociale, M. Douste-Blazy n'en finit pas de réajuster à la hausse le montant du déficit. "Le système est devenu fou", a-t-il lancé, dimanche, précisant que le "trou" de l'assurance-maladie en 2004 serait de l'ordre de 14 milliards d'euros (contre 10,9 initialement prévus) et que son déficit cumulé représentait "plus de trois fois le budget de l'enseignement supérieur".
"Personne, dans ces conditions, ne comprendrait qu'il n'y ait pas de réforme", s'est-il exclamé, ajoutant qu'il avait commandé un certain nombre de rapports sur la gratuité des soins, sur d'éventuelles fraudes à la carte Vitale et aux arrêts maladies, et que ces textes lui seraient remis d'ici une quinzaine de
jours.
Un Etat garant, des partenaires sociaux gestionnaires. S'inspirant largement du projet sur lequel travaillent depuis plus d'un an la Mutualité française et la CFDT, M. Douste-Blazy propose de confier aux partenaires sociaux et aux acteurs de la santé le soin de gérer l'assurance-maladie. Il pense que "l'Etat doit rester à sa place" et "définir la politique et les priorités de santé publique", en s'appuyant sur une Haute Autorité assistée, le cas échéant, d'un établissement centralisant toutes les données concernant la santé des assurés
sociaux.
Les caisses nationales d'assurance-maladie, les professions de santé et les organismes complémentaires devraient, dans ce schéma, former trois unions appelées à participer au pilotage du système. L'union des caisses nationales serait dotée d'un conseil de surveillance et d'un directoire, et présenterait chaque année au Parlement un projet de budget de la Sécurité sociale. "Il faudrait que les caisses se mettent d'accord sur ce qui est remboursé et sur ce qui ne l'est pas", a précisé M.
Douste-Blazy.
Des dépenses mieux maîtrisées, des abus traqués. Prudence tactique ou conviction profonde ? Le ministre a tenu à affirmer, après son prédécesseur Jean-François Mattei, que la réforme ne se ferait pas "sans les médecins ou contre eux". Interrogé sur la multiplication des dépassements illégaux d'honoraires pratiqués, selon la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), par quelque 900 spécialistes du secteur I, il s'est montré conciliant, préconisant l'établissement de nouvelles relations entre le ministère, l'assurance-maladie et le corps médical.
A propos de la liberté d'installation des jeunes médecins dans un pays confronté à de délicats problèmes de démographie médicale et à de fortes disparités de l'offre de soins, M. Douste-Blazy n'a pas dissimulé sa préférence pour une politique incitative, quitte "demain, à être, pourquoi pas, beaucoup plus dirigiste". Le ministre est aussi apparu favorable au rétablissement de références opposables, aux assurés comme aux professions de santé.
Convaincu de la nécessité de faire évoluer les comportements, le professeur agrégé de santé publique et cardiologue qu'est aussi M. Douste-Blazy met en garde contre toute tentation de prise en charge différente des mêmes pathologies selon un comportement jugé "à risque" des assurés. "C'est une piste apparemment séduisante qui peut se révéler très difficile en pratique", a-t-il averti. Elle avait été évoquée par Jean-Pierre Raffarin lors de l'installation du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie à propos des accidents de ski.
Par souci d'équité, le ministre de la santé ne semble personnellement guère tenté - même s'il l'a testée - par l'idée d'une franchise annuelle sur les revenus qui aurait les faveurs de Bercy. Il n'est pas davantage convaincu par la proposition de forfait sur les boîtes de médicament, qu'il estime pénalisante pour les assurés les plus modestes et les plus malades. Autant de précisions de nature à apaiser les craintes exprimées par les
syndicats.
Des partenaires sociaux dans l'expectative. M. Douste-Blazy attend les suggestions et les réponses des syndicats et du patronat pour mettre la dernière main à sa copie. Il espère en savoir plus, avant la fin de la semaine, sur leurs intentions, notamment sur celles du Medef, que le flou entretenu sur le redressement financier n'est pas de nature à
rassurer.
Divisées sur la réforme de l'assurance-maladie, malgré la démarche intersyndicale qu'elles ont engagée à l'été 2003, les confédérations syndicales ont observé jusqu'à maintenant un silence prudent. Par crainte de se faire piéger par le gouvernement. Elles vont devoir rapidement être plus précises que ne l'a été le ministre dimanche. Peut-être, dès samedi, pour celles d'entre elles qui appellent aux traditionnels défilés du 1er Mai.
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