Les personnes âgées, l'alcoolisme et la drogue
CCLAT
Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et la toxicomanie
Canada
28
novembre 2005
Les
personnes âgées forment l'un des groupes de la population dont la
croissance est la plus rapide au Canada. En 2000, selon les estimations,
3,8 millions de Canadiens avaient 65 ans ou plus (c.-à-d. un Canadien sur
huit), résultat en hausse de 62 % par rapport à 1981, année où on en
comptait 2,4 millions. Les femmes comptent pour 57 % de ce groupe de la
population. En 2000, 70 % des personnes de 85 ans ou plus étaient des
femmes.
La croissance rapide de cette population devrait se poursuivre dans
l'avenir, à mesure que les enfants du baby boom (les personnes nées
entre 1946 et 1966) atteindront cet âge au cours des prochaines décennies.
On prévoit qu'en 2021, il y aura près de 7 millions de personnes âgées
au Canada, soit 19 % de la population.
L'alcool est la substance psychoactive que les personnes actuellement âgées
de 65 ans ou plus consomment le plus couramment. Malgré que leur niveau
de consommation d'alcool et de tabagisme soit inférieur à celui des
groupes plus jeunes, les personnes âgées, et particulièrement les
femmes, utilisent davantage des médicaments d'ordonnance. L'Enquête
canadienne de 1994 sur l'alcool et les autres drogues signale que
l'utilisation des tranquillisants, des somnifères et des antidépresseurs
d'ordonnance chez les Canadiens augmente avec l'âge, et que 27,4 % des
personnes de 65 ans ou plus utilisent au moins un médicament.
Il est possible que cette situation découle de l'acceptabilité perçue
de ces médicaments, à un âge où les femmes pourraient consommer moins
d'alcool à cause de conventions sociales et de leurs perceptions de ce
qui est convenable. Le nombre de personnes aux prises avec des problèmes
de consommation de drogues illicites pourrait également augmenter à
mesure que les enfants du baby boom vieilliront.
Il y a un lien étroit entre les problèmes reliés à la toxicomanie et
les taux élevés de dépression et de suicide chez les personnes âgées.
Bon nombre d'aînés sont isolés après avoir perdu un conjoint ou après
avoir vécu des problèmes financiers ou subi de l'abus de la part des
membres de leur famille. En plus de problèmes de toxicomanies et de problèmes
de santé mentale, les personnes âgées pourraient éprouver de
nombreuses difficultés sur le plan des activités quotidiennes, telles
que les habiletés domestiques, les soins personnels, le transport et le
magasinage.
Elles ont tendance à hésiter à admettre qu'elles éprouvent un problème
de santé mentale, de toxicomanie, de sorte qu'il est rare qu'elles
demandent de l'aide. Les problèmes liés à l'utilisation de médicaments
d'ordonnance pourraient être négligés étant donné que ces médicaments
sont prescrits et qu'ils sont considérés comme légitimes. De plus, les
médicaments en vente libre pourraient carrément ne pas être tenus pour
des drogues. Dans le contexte de l'isolement social que vivent de
nombreuses personnes âgées, il est moins probable que les problèmes
d'alcoolisme ou de toxicomanie chez les aînés seront reconnus par leur
entourage.
De plus, il arrive souvent que le problème de toxicomanie avec lequel
sont aux prises les personnes âgées ne soit pas non plus aisément décelé
par les professionnels qu'elles consultent. Les signes de toxicomanies
sont souvent assimilés aux effets du vieillissement. Ces signes
pourraient comprendre des problèmes de mémoire, de la confusion, des
soins personnels insuffisants, de la dépression, des problèmes de
sommeil et des chutes.
Dans cette population, la toxicomanie s'accompagne couramment de
problèmes de santé multiples ou graves qui sont causés ou aggravés par
la consommation d'alcool et de drogues. Les professionnels de la santé
pourraient néanmoins hésiter à confronter une personne âgée au sujet
de sa consommation parce qu'ils croient qu'il est trop tard pour que la
personne ne change ses habitudes.
Les personnes âgées sont susceptibles d'avoir des problèmes à des degrés
de consommation beaucoup plus faibles, à cause des changements qui s'opèrent
sur le plan des fonctions rénales et hépatiques, des problèmes de santé
physique liés au vieillissement et de l'interaction de l'alcool avec des
médicaments (dont les dépresseurs du système nerveux central).
On a défini plusieurs sous-groupes de personnes âgées aux prises avec
un problème d'alcool, dont celles qui ont un problème d'alcool depuis
longtemps, par opposition à celles dont le problème est apparu
tardivement, suite à un événement grave, dans la plupart des cas. Les
clients dont le problème est apparu tôt présentent souvent de graves
complications physiques et en ce qui les concerne, le pronostic est généralement
plus réservé que chez les personnes dont le problème est apparu tard.
Les autres sous-groupes sont composés des clients chez lesquels
l'utilisation de médicaments d'ordonnance ou en vente libre, seuls ou en
association avec de l'alcool, pose des problèmes.
Les programmes conventionnels de traitement des toxicomanies pourraient ne
pas convenir aux personnes âgées pour divers motifs (p. ex., les
questions soulevées dans les programmes conventionnels pourraient ne pas
s'appliquer à la situation des aînés, et le rythme du programme
pourrait être trop rapide ou difficile à suivre à cause de troubles de
l'ouïe ou de la vision). C'est pourquoi on estime que les traitements
communautaires souples et personnalisés qui font appel à des services
appuyant la santé et les activités quotidiennes sont plus efficaces. Les
programmes de traitement de l'alcoolisme et des toxicomanies chez les
personnes âgées pourraient aussi devoir envisager d'établir des liens
étroits avec des organismes d'intervention en santé mentale afin de répondre
aux besoins des aînés qui éprouvent simultanément des problèmes de
santé mentale, comme la dépression.