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Alzheimer : un Vaccin aux Résultats Prometteurs
Par Pierre Kaldy, Le Figaro
13 avril 2005
«Il faut cependant souligner, tient à préciser le Pr Jean-Marc Orgogozo, l'un des responsables français de l'essai thérapeutique au CHU Pellegrin de Bordeaux, que nous n'avons pas d'amélioration sur le plan fonctionnel ou global mais que certains tests neuropsychologiques vont dans le sens d'un effet bénéfique du vaccin.» Mais pour la première fois les marqueurs biologiques caractéristiques de la maladie (qui touche 800 000 personnes en France) ont reculé chez l'homme : les cinq patients décédés à ce jour avaient une réduction des dépôts amyloïdes dans leur cerveau et les chercheurs ont observé une diminution de la protéine tau, dont les dépôts dans le cerveau marquent la progression de la maladie, dans le liquide céphalorachidien des malades vaccinés. Devant ces résultats, l'ensemble des patients vaccinés a été rappelé pour effectuer de nouveaux tests neuropsychologiques, actuellement en cours.
Le même vaccin, chez la souris, permet de prévenir l'apparition de la maladie. Les nouveaux résultats confirment le rôle néfaste joué par l'accumulation du peptide A bêta chez l'homme. Dans les années 1990, les soupçons s'étaient resserrés sur la responsabilité de ce peptide dans le déclenchement de la maladie (voir encadré). Sa production anormale était à l'origine des dépôts amyloïdes qu'Aloïs Alzheimer avait notés chez les malades au début du siècle dernier. Des mutations dans plusieurs gènes favorisant son accumulation avaient été identifiées chez des formes familiales précoces et rarissimes de la maladie. En 1999, Dale Schenk, un chercheur américain travaillant pour la société irlando-californienne de biotechnologie Elan Pharmaceuticals, présente dans la revue Nature une méthode géniale pour s'en débarrasser : la vaccination. En immunisant contre le peptide A bêta des souris transgéniques qui le surexpriment, il arrive avec son équipe à prévenir l'apparition des dépôts chez les animaux jeunes et à limiter leur extension chez les plus âgés. Pour la première fois, un marqueur inexorable de la maladie reculait.
En 2000, deux équipes américaine et canadienne montrent avec d'autres modèles de souris transgéniques mimant la maladie que la vaccination de Schenk supprime l'apparition des troubles cognitifs associés. Pour passer à l'homme, la société Elan entame alors une collaboration avec le laboratoire pharmaceutique américain Wyeth. Un premier essai clinique de phase II chez l'homme conduit en Angleterre est un succès, les 80 patients supportent sans problème la vaccination et le quart d'entre eux produit bien des anticorps. Fin 2001, Elan et Wyeth lancent un essai clinique de l'efficacité thérapeutique du vaccin auprès de 372 patients répartis en Europe et aux États-Unis. Il est malheureusement interrompu trois mois plus tard car certains malades vaccinés présentent des méningo-encéphalites. L'étude qui prévoyait six injections du vaccin est interrompue à la deuxième pour la plupart des malades. Les 18 patients atteints de méningo-encéphalite - sur les 298 vaccinés - sont soignés mais deux d'entre eux gardent des séquelles neurologiques graves.
Au moment où le projet de vaccination paraît compromis, une nouvelle va cependant ranimer la foi des chercheurs. Car le décès de l'une des patientes de l'étude anglaise a permis l'autopsie de son cerveau. Et là, surprise, comme chez les souris, certains dépôts amyloïdes ont disparu des zones corticales. L'effet du vaccin observé chez l'animal était donc bien reproductible chez l'homme. Ce premier essai clinique de vaccination a tourné court mais ses résultats dévoilés dans la revue Neurology sont néanmoins inestimables. «Le concept thérapeutique de la vaccination est validé car les effets observés chez les malades sont proportionnels à leur quantité d'anticorps contre le peptide A bêta, souligne Jean-Marc Orgogozo. Maintenant, d'autres laboratoires pharmaceutiques se sont engagés sur la piste du vaccin. Elan et Wyeth vont aussi poursuivre l'examen régulier de tous ces patients et ont déjà entamé l'essai clinique d'un nouveau vaccin qui devrait être dépourvu d'effets secondaires.» Cent ans après son premier diagnostic, l'espoir de traiter la maladie d'Alzheimer et non plus ses symptômes se renforce.
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