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Fin de vie : refuser les traitements inutiles

Par Catherine Petitnicolas
, Le Figaro

France

8 fevrier 2006



Texte du decret


Les décrets d'application de la loi parus le 7 février marquent un tournant dans la gestion des soins aux mourants. 

Très attendus, les décrets d'application de la loi du 22 avril 2005 sur le droit des malades et la fin de vie viennent d'être publiés au Journal officiel du 7 février. Les 150 000 à 200 000 patients concernés aujourd'hui auront désormais la possibilité de refuser la poursuite des traitements devenus inutiles. 

Un premier décret ouvre la possibilité à tout individu majeur de rédiger des directives anticipées (durée de validité de trois ans, révocables à tout moment, mais renouvelables) quant aux conditions qu'il souhaite voir appliquées lorsqu'il estimera être arrivé au bout de son parcours. Elles visent à indiquer clairement le souhait de la personne, surtout lorsqu'elle ne sera plus en état de donner son consentement, en particulier sur l'arrêt de certains traitements. «Mais ces directives ont une valeur indicative, la responsabilité de la décision ultime appartenant au médecin.» Un deuxième décret insiste sur «l'obligation du médecin à refuser toute obstination déraisonnable». Il l'autorise alors, dans le cadre «d'une procédure collégiale», «à prendre la décision de limiter ou d'arrêter des traitements lorsque la personne malade est hors d'état d'exprimer sa volonté et que poursuivre ces traitements relèverait de l'obstination déraisonnable.» 

Décision en équipe 

Le Dr Régis Aubry, chef du service des soins palliatifs à Besançon, estime que «ces décrets devraient éviter des situations où des patients sont indûment maintenus en vie. A condition qu'on l'accompagne d'une pédagogie forte en direction de tous les soignants autour de la prise de décision d'arrêt ou de poursuite des soins thérapeutiques. Une situation qui concerne autour de 10% des hospitalisés aujourd'hui.» 

Désormais, le médecin ne devrait plus faire des choix tout seul dans son coin face aux situations complexes de fin de vie, mais en équipe avec des références solides d'aide à la prise de décision. Reste maintenant à tout faire pour que ces textes qui contiennent des modifications profondes des pratiques professionnelles soient largement diffusés et surtout enseignés à tous les soignants. «Cela devrait faire partie du projet ministériel qui prévoit la création d'un Comité national de développement des soins palliatifs», précise le Dr Aubry. 

Ces décrets vont-ils permettre d'abréger les souffrances des personnes en fin de vie ? «Oui, du moins s'ils sont appliqués», nuance ce spécialiste pour qui il y a encore beaucoup trop de maintiens artificiels en survie. «Car les médecins sont toujours dans la culture du «faire» et pas assez dans la réflexion autour de la situation de chaque personne en fin de vie. «Ne pas faire» était vécu comme l'abandon du malade.» Grâce à cette loi, les soignants pourront accompagner le patient qui aura pris la décision d'arrêter les soins. Tout en ayant l'obligation de lui donner des traitements pour calmer ses souffrances.


Texte du decret

 

Republique Francaise
Journal Officiel

Décret n° 2006-119 du 6 février 2006 relatif aux directives anticipées prévues par la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie et modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires)

NOR: SANP0620219D


Le Premier ministre,

Sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre de la santé et des solidarités,
Vu le code de la santé publique, et notamment ses articles L. 1111-4, L. 1111-11 et L. 1111-13 ;
Vu l'avis du Conseil national de l'ordre des médecins en date du 14 octobre 2005 ;
Le Conseil d'Etat (section sociale) entendu,

Décrète :

Article 1

Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique (dispositions réglementaires) est complété par une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

 « Expression de la volonté relative à la fin de vie


« Art. R. 1111-17. - Les directives anticipées mentionnées à l'article L. 1111-11 s'entendent d'un document écrit, daté et signé par leur auteur dûment identifié par l'indication de ses nom, prénom, date et lieu de naissance.

« Toutefois lorsque l'auteur de ces directives, bien qu'en état d'exprimer sa volonté, est dans l'impossibilité d'écrire et de signer lui-même le document, il peut demander à deux témoins, dont la personne de confiance lorsqu'elle est désignée en application de l'article L. 1111-6, d'attester que le document qu'il n'a pu rédiger lui-même est l'expression de sa volonté libre et éclairée. Ces témoins indiquent leur nom et qualité et leur attestation est jointe aux directives anticipées.

« Le médecin peut, à la demande du patient, faire figurer en annexe de ces directives, au moment de leur insertion dans le dossier de ce dernier, une attestation constatant qu'il est en état d'exprimer librement sa volonté et qu'il lui a délivré toutes informations appropriées.

« Art. R. 1111-18. - Les directives anticipées peuvent, à tout moment, être soit modifiées, partiellement ou totalement, dans les conditions prévues à l'article R. 1111-17, soit révoquées sans formalité.

« Leur durée de validité de trois ans est renouvelable par simple décision de confirmation signée par leur auteur sur le document ou, en cas d'impossibilité d'écrire et de signer, établie dans les conditions prévues au second alinéa de l'article R. 1111-17. Toute modification intervenue dans le respect de ces conditions vaut confirmation et fait courir une nouvelle période de trois ans.

« Dès lors qu'elles ont été établies dans le délai de trois ans, précédant soit l'état d'inconscience de la personne, soit le jour où elle s'est avérée hors d'état d'en effectuer le renouvellement, ces directives demeurent valides quel que soit le moment où elles sont ultérieurement prises en compte.

« Art. R. 1111-19. - Les directives anticipées doivent être conservées selon des modalités les rendant aisément accessibles pour le médecin appelé à prendre une décision de limitation ou d'arrêt de traitement dans le cadre de la procédure collégiale définie à l'article R. 4127-37.

« A cette fin, elles sont conservées dans le dossier de la personne constitué par un médecin de ville, qu'il s'agisse du médecin traitant ou d'un autre médecin choisi par elle, ou, en cas d'hospitalisation, dans le dossier médical défini à l'article R. 1112-2.

« Toutefois, les directives anticipées peuvent être conservées par leur auteur ou confiées par celui-ci à la personne de confiance mentionnée à l'article L. 1111-6 ou, à défaut, à un membre de sa famille ou à un proche. Dans ce cas, leur existence et les coordonnées de la personne qui en est détentrice sont mentionnées, sur indication de leur auteur, dans le dossier constitué par le médecin de ville ou dans le dossier médical défini à l'article R. 1112-2.

« Toute personne admise dans un établissement de santé ou dans un établissement médico-social peut signaler l'existence de directives anticipées ; cette mention ainsi que les coordonnées de la personne qui en est détentrice sont portées dans le dossier médical défini à l'article R. 1111-2.

« Art. R. 1111-20. - Lorsqu'il envisage de prendre une décision de limitation ou d'arrêt de traitement en application des articles L. 1111-4 ou L. 1111-13, et à moins que les directives anticipées ne figurent déjà dans le dossier en sa possession, le médecin s'enquiert de l'existence éventuelle de celles-ci auprès de la personne de confiance, si elle est désignée, de la famille ou, à défaut, des proches ou, le cas échéant, auprès du médecin traitant de la personne malade ou du médecin qui la lui a adressée.

« Le médecin s'assure que les conditions prévues aux articles R. 1111-17 et R. 1111-18 sont réunies. »

Article 2

Au 1° de l'article R. 1112-2 du code de la santé publique, il est inséré un q ainsi rédigé :

« q) Les directives anticipées mentionnées à l'article L. 1111-11 ou, le cas échéant, la mention de leur existence ainsi que les coordonnées de la personne qui en est détentrice. »

Article 3

Le garde des sceaux, ministre de la justice, et le ministre de la santé et des solidarités sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 6 février 2006.


Dominique de Villepin


Par le Premier ministre :


Le ministre de la santé et des solidarités,

Xavier Bertrand

Le garde des sceaux, ministre de la justice,

Pascal Clément


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