Une enquête
révèle des actes chirurgicaux problématiques à Saint-Affrique, en
Aveyron, dans un établissement qui se bat depuis dix ans pour sa survie.
C’est un
été pourri qui s’annonce pour l’hôpital de Saint-Affrique, le plus
emblématique de nos petits hôpitaux locaux français. Devenu en
l’espace de dix ans le fer de lance du combat pour le maintien de ces
petits établissements, voilà qu’il est de nouveau menacé, et en
particulier son service de chirurgie. Et par ricochet, c’est l’avenir
de tous les hôpitaux locaux qui est à nouveau en jeu.
Après une
enquête révélant des actes chirurgicaux problématiques (lire ci-contre),
le chirurgien de l’hôpital risque en effet d’être sanctionné. Sans
attendre la publication officielle du rapport, le directeur de cabinet de
la ministre de la Santé vient d’écrire au directeur de l’hôpital.
Une lettre au ton comminatoire: «A compter de la réception de cette
lettre, je vous prie de ne plus effectuer aucune intervention chirurgicale
lourde, et en particulier dans le domaine de la cancérologie.» Prochaine
étape, le 6 août, l’anesthésiste et le chirurgien en cause sont
convoqués à une réunion à la Ddass de Rodez, prélude à une décision
rapide.
«Dominos».
«Jamais, je vous dis bien jamais, on ne touchera à notre hôpital,
ni à notre maternité, ni à notre chirurgie, car tout se tient», tonne
le maire de la ville, Alain Fauconnier. Si l’une des activités de notre
hôpital ferme, tout ferme. C’est le phénomène bien connu des dominos.
On le défendra jusqu’au bout.» Qu’on se le dise, les armes sont
ressorties, les préparatifs au combat déjà lancés ! Dans tous les
cantons du Sud-Aveyron où une cellule de mobilisation avait été installée,
les réseaux sont réactivés. Lundi soir, près d’un millier
d’habitants se sont réunis à la salle des fêtes, comme aux plus beaux
jours de la mobilisation en 2004. L’enjeu est clair, et facilement
caricatural : petits contre gros, campagne contre ville, proximité contre
sécurité.
L’hôpital
Emile-Borel est un joli bâtiment, aux allures coloniales, construit il y
a plus de quatre-vingt ans. Premier employeur de la ville, il est à
l’image de ces 120 petits hôpitaux locaux : un service de médecine,
différentes consultations spécialisées, du moyen et du long séjour
pour les personnes âgées, une maternité et un service de chirurgie donc.
Mais surtout, l’hôpital est le poumon de cette petite ville de 8 000
habitants, desservie par des routes tortueuses.
Au
nord-est, il y a bien la ville de Millau, deux fois plus grande, mais elle
est l’éternelle rivale. Vieille histoire, cocktail de rivalités et de
concurrences, d’exception géographique aussi. Puis, le progrès médical,
— impliquant une rationalisation des soins et un regroupement des
moyens —, a tout bouleversé. Peut-on en effet maintenir deux hôpitaux,
situés à quelque 30 kilomètres l’un de l’autre (la route entre
Millau et Saint-Affrique n’aurait été coupée que deux fois en dix ans),
chacun ayant une activité moyenne? Il y a bien eu des essais de
collaboration, puis de fusion, voire un projet de création d’un seul hôpital,
pile au milieu entre les deux villes, mais si Saint-Affrique a été
d’accord, la ville de Millau, un brin hypocrite, insistait pour que le
nouvel hôpital se plante dans sa banlieue.
Retour à
la case départ; après des actions fortes comme l’occupation du viaduc
de Millau, le service de chirurgie s’est maintenu en montant un
partenariat avec le CHU de Montpellier qui met à sa disposition un
chirurgien à mi-temps. Une solution inédite, imposée par Douste-Blazy,
alors ministre de la Santé, en 2004, qui permettait de pallier la
difficulté énorme en France de recruter des chirurgiens.
«Si on
touche à notre hôpital, c’est tous les petits hôpitaux locaux qui
sont menacés. Nous sommes le verrou», poursuit le maire qui veut en
faire un combat national. «Ils veulent notre mort. Cela fait dix ans
qu’il essayent. Il y a deux ans, il y a eu le rapport Vallancien (1). Là,
ils nous sortent un rapport secret contre notre chirurgien. On n’est pas
dupe. C’est un coup monté. Personne, ici, ne se fera avoir.»
A Saint-Affrique,
on se prépare à la résistance. Non sans raison, on met en avant la
maternité de l’hôpital. Tout le monde en est fier. Elle est certes
petite, avec 250 accouchements par an, «mais au moins on prend soin des
jeunes mères», raconte avec chaleur Cécile, sage-femme depuis quinze
ans à Saint-Affrique. 90 % des femmes accouchent dans «leur ville».
Quant à la chirurgie, le maire se dit prêt à affronter la tempête qui
s’annonce. « Ce chirurgien, on le défendra jusqu’au bout», prévient-il.
«En dépit de toutes nos difficultés, cela marche», poursuit le Dr
Pierre Chevallier, anesthésiste et président de la Commission médicale
de Saint-Affrique. Et de citer les 1000 passages l’an dernier et les 700
interventions qui ont eu lieu. «Si on était si mauvais que cela, il y
aurait des plaintes. Aucune. Tous les généralistes de la ville nous
soutiennent», conclut ce médecin qui ressemble à s’y méprendre à
José Bové. Tout un symbole.
(1)
En avril, le professeur Guy Vallancien,
dilligenté par le ministère de la Santé, publiait un rapport concluant
que près de 120 services de chirurgie devaient fermer, faute d’activité
suffisante.