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Dans la solitude des hôpitaux locaux

Par Eric Favereau, Liberation

France

2 août 2007

 

Une enquête révèle des actes chirurgicaux problématiques à Saint-Affrique, en Aveyron, dans un établissement qui se bat depuis dix ans pour sa survie.

C’est un été pourri qui s’annonce pour l’hôpital de Saint-Affrique, le plus emblématique de nos petits hôpitaux locaux français. Devenu en l’espace de dix ans le fer de lance du combat pour le maintien de ces petits établissements, voilà qu’il est de nouveau menacé, et en particulier son service de chirurgie. Et par ricochet, c’est l’avenir de tous les hôpitaux locaux qui est à nouveau en jeu.

Après une enquête révélant des actes chirurgicaux problématiques (lire ci-contre), le chirurgien de l’hôpital risque en effet d’être sanctionné. Sans attendre la publication officielle du rapport, le directeur de cabinet de la ministre de la Santé vient d’écrire au directeur de l’hôpital. Une lettre au ton comminatoire: «A compter de la réception de cette lettre, je vous prie de ne plus effectuer aucune intervention chirurgicale lourde, et en particulier dans le domaine de la cancérologie.» Prochaine étape, le 6 août, l’anesthésiste et le chirurgien en cause sont convoqués à une réunion à la Ddass de Rodez, prélude à une décision rapide.

«Dominos».  «Jamais, je vous dis bien jamais, on ne touchera à notre hôpital, ni à notre maternité, ni à notre chirurgie, car tout se tient», tonne le maire de la ville, Alain Fauconnier. Si l’une des activités de notre hôpital ferme, tout ferme. C’est le phénomène bien connu des dominos. On le défendra jusqu’au bout.» Qu’on se le dise, les armes sont ressorties, les préparatifs au combat déjà lancés ! Dans tous les cantons du Sud-Aveyron où une cellule de mobilisation avait été installée, les réseaux sont réactivés. Lundi soir, près d’un millier d’habitants se sont réunis à la salle des fêtes, comme aux plus beaux jours de la mobilisation en 2004. L’enjeu est clair, et facilement caricatural : petits contre gros, campagne contre ville, proximité contre sécurité.

L’hôpital Emile-Borel est un joli bâtiment, aux allures coloniales, construit il y a plus de quatre-vingt ans. Premier employeur de la ville, il est à l’image de ces 120 petits hôpitaux locaux : un service de médecine, différentes consultations spécialisées, du moyen et du long séjour pour les personnes âgées, une maternité et un service de chirurgie donc. Mais surtout, l’hôpital est le poumon de ­cette petite ville de 8 000 habitants, desservie par des routes tortueuses.

Au nord-est, il y a bien la ville de Millau, deux fois plus grande, mais elle est l’éternelle rivale. Vieille histoire, cocktail de rivalités et de concurrences, d’exception géographique aussi. Puis, le progrès médical, — impliquant une rationalisation des soins et un re­groupement des moyens —, a tout bouleversé. Peut-on en effet maintenir deux hôpitaux, situés à quelque 30 kilomètres l’un de l’autre (la route entre Millau et Saint-Affrique n’aurait été coupée que deux fois en dix ans), chacun ayant une activité moyenne? Il y a bien eu des essais de collaboration, puis de fusion, voire un projet de création d’un seul hôpital, pile au milieu entre les deux villes, mais si Saint-Affrique a été d’accord, la ville de Millau, un brin hypocrite, insistait pour que le nouvel hôpital se plante dans sa banlieue.

Retour à la case départ; après des actions fortes comme l’occupation du viaduc de Millau, le service de chirurgie s’est maintenu en montant un partenariat avec le CHU de Montpellier qui met à sa disposition un chirurgien à mi-temps. Une solution inédite, imposée par Douste-Blazy, alors ministre de la Santé, en 2004, qui permettait de pallier la difficulté énorme en France de recruter des chirurgiens.

«Si on touche à notre hôpital, c’est tous les petits hôpitaux locaux qui sont menacés. Nous sommes le verrou», poursuit le maire qui veut en faire un combat national. «Ils veulent notre mort. Cela fait dix ans qu’il essayent. Il y a deux ans, il y a eu le rapport Vallancien (1). Là, ils nous sortent un rapport secret contre notre chirurgien. On n’est pas dupe. C’est un coup monté. Personne, ici, ne se fera avoir.»

A Saint-Affrique, on se prépare à la résistance. Non sans raison, on met en avant la maternité de l’hôpital. Tout le monde en est fier. Elle est certes petite, avec 250 accouchements par an, «mais au moins on prend soin des jeunes mères», raconte avec chaleur Cécile, sage-femme depuis quinze ans à Saint-Affrique. 90 % des femmes accouchent dans «leur ville». Quant à la chirurgie, le maire se dit prêt à affronter la tempête qui s’annonce. « Ce chirurgien, on le défendra jusqu’au bout», prévient-il. «En dépit de toutes nos difficultés, cela marche», poursuit le Dr Pierre Chevallier, anesthésiste et président de la Commission médicale de Saint-Affrique. Et de citer les 1000 passages l’an dernier et les 700 interventions qui ont eu lieu. «Si on était si mauvais que cela, il y aurait des plaintes. Aucune. Tous les généralistes de la ville nous soutiennent», conclut ce médecin qui ressemble à s’y méprendre à José Bové. Tout un symbole.

(1)   En avril, le professeur Guy Vallancien, dilligenté par le ministère de la Santé, publiait un rapport concluant que près de 120 services de chirurgie devaient fermer, faute d’activité suffisante.


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