Maltraitance des personnes âgées : le gouvernement peine à convaincre
Par Jean-Baptiste Chastand, Le Monde
17 Octobre 2008
France
Est-ce l'effet des reportages consacrées par France 3, et bientôt France 2, aux maltraitances contre les personnes âgées ? Toujours est-il que le gouvernement a décidé de se saisir de ce sujet. L'ampleur du phénomène est mal connu. En 2005, 311 cas de maltraitance vis-à-vis de personnes âgées ou handicapées en établissements spécialisés ont été signalés aux Ddass (directions départementales des affaires sanitaires et sociales). Mais les chiffres sont certainement bien en dessous de la réalité. Pour Guy Mariaud, président d'Alma Paris, une association de lutte contre la maltraitance, il y a "une omerta" sur ce sujet. Les raisons sont nombreuses : "les personnes âgées qui ne se plaignent pas par crainte des représailles, le personnel qui ne va pas alerter la direction par corporatisme, les familles qui ont peur de perdre leur place ou les directeurs qui craignent pour l'image de leur établissement".
L'étendue du phénomène est d'autant plus difficile à mesurer qu'il est mal défini. L'acte de maltraitance volontaire sous forme de coups reste rarissime. Dans ces cas-là, la nécessité de la sanction ne fait pas débat. Mais la définition de la maltraitance s'est élargie depuis quelques années, au point que Daniele Nageotte, inspectrice principale de la mission régionale et interdépartementale d'inspection, de contrôle et d'évaluation (MRIICE) d'Ile-de-France, parle de "tout ce qui est le contraire de la bientraitance" : le manque d'attention, la manière de parler aux patients, de se comporter avec eux...
Pour faire cesser les maltraitances, telles ques celles vues dans un récent reportage de France 3, Valérie Létard, secrétaire d'Etat à la solidarité, a annoncé, jeudi 16 octobre, dans le cadre de l'opération "Bientraitance des personnes âgées en établissements", que 80 % des contrôles seront désormais inopinés, contre 50 % en moyenne jusqu'à maintenant. Souvent déclenchés à la suite des plaintes des familles de résidents, ils doivent permettre de faire arrêter rapidement les actes de maltraitance. Mais ce dispositif a ses limites : pour preuve, la maison de retraite dénoncée par le documentaire diffusé fin septembre sur France 3 avait déjà été inspectée de façon inopinée par la Ddass. Et puis "le personnel a assez de jugeotte pour ne pas maltraiter devant les inspecteurs", insiste Daniele Nageotte. "Pour de tels problèmes, des inspections plus longues au cours desquelles on établit une relation de confiance avec le personnel pour qu'il finisse par se confier à nous sont bien plus
efficaces."
LA DIFFICULTÉ DES SANCTIONS
Surtout, la question des outils de sanction se pose. Mme Létard promet "de saisir le procureur de la République et d'ouvrir une enquête judiciaire et administrative" à chaque fois qu'elle sera confrontée à un problème de maltraitance. Mais jusque-là, les volontés se sont heurtées à la réalité. Un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) remis en 2005 parle ainsi d'"une faiblesse patente (…) des suites et des sanctions" des actes de maltraitance.
Sur la période 2002-2006, les 459 inspections menées en Ile-de-France ont abouti à moins d'une dizaine de fermetures administratives d'établissements. Daniele Nageotte avoue qu'elle aurait aimé fermer plus de maisons de retraite. "Mais chaque fermeture est une décision difficile à prendre. Déplacer une personne âgée très dépendante peut précipiter sa mort." Il faut aussi trouver un grand nombre de places rapidement, alors que les listes d'attente sont déjà longues dans nombre de maisons de retraite. Et quand il s'agit de sanctions individuelles, les responsables y réfléchissent à deux fois en raison des difficultés à recruter dans ce secteur caractérisé par des bas salaires, des conditions de travail difficiles, et des horaires décalés. Licencier, c'est aggraver encore le manque de personnel que vit chaque établissement.
LA FORMATION, SOUVENT PLUS EFFICACE
Reste enfin la question de la formation des équipes et de l'encadrement, souvent bien plus efficace sur le long terme que les sanctions. Les difficultés de management sont fréquemment en cause, plus encore que le taux d'encadrement, qui semble intervenir à la marge. Dans ces cas, les personnes âgées sont les victimes des conflits de personnalités. La ministre a promis de mobiliser sur trois ans "132 millions d'euros pour former 250 000 professionnels". Mais la Fédération nationale des associations de personnes âgées et de leurs familles (Fnapaef) se montre très critique à l'égard des dispositions annoncées par Mme Létard. "Avec ces mesures, l'Etat pourra-t-il encore nier la réalité du terrain : manque de personnel, formation insuffisante ?", interroge l'association, qui dénonce également les "moyens ridiculement faibles" accordés pour traiter ce problème, en hausse de 4,5% alors que le nombre des personnes âgées fragilisées augmente de 7% par an. La Fnapaef considère cependant comme "une belle avancée" l'idée de former les personnels à des "techniques d'accompagnement personnalisé" pour s'occuper, notamment, des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. "C'est ce que nous réclamons depuis de longues années, mais la formation, qui est très importante, ne doit pas occulter la mise en place de ratios de personnels, conditions nécessaires pour assurer la bientraitance", ajoute l'association.
De son côté l'association AD-PA n'a que très peu apprécié les mesures annoncées par le gouvernement : "Les professionnels demandent transparence et dialogue, l'Etat répond menaces, opacité et restrictions", dénonce-t-elle dans un communiqué.
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