Protéines, calcium et vitamines, indispensables pour les seniors

Le Monde

26 Fevrier 2008

France

C'est une boutade du docteur Monique Ferry, gériatre et nutritionniste au Centre de prévention de Valence (Drôme) : "Une ancienne 2 CV consomme plus d'huile et de carburant que les voitures modernes, mais roule encore parfaitement. Il en est de même pour les personnes âgées." Ce propos illustre bien l'évolution des besoins nutritionnels au fur et à mesure que l'on avance en âge. 

Le rendement énergétique devient moins efficace, et de nombreux déficits peuvent survenir : sarcopénie (fonte de la masse musculaire), ostéoporose (déminéralisation osseuse qui augmente les risques de fracture), mauvaise assimilation du glucose par altération de la sécrétion d'insuline.

En cas de carence alimentaire, la perte de poids est irréversible, comme l'a montré une étude américaine de la nutritionniste Susan Roberts (1994). On a fait suivre un régime de 800 calories pendant 21 jours à deux populations, l'une de jeunes adultes, l'autre de plus de 65 ans. Et on a constaté que la reprise d'une alimentation normale ne permettait pas le retour au poids initial chez les sujets âgés.

De quoi tordre le cou à l'idée reçue selon laquelle une soupe et un morceau de fromage le soir seraient suffisants. Au contraire, selon Monique Ferry, la ration doit se situer autour de 1 500 calories par jour, avec un apport de protéines animales identique à celui d'un sujet jeune : un gramme par kilo et par jour (soit, par exemple, 60 grammes pour une femme pesant 60 kg). Les personnes âgées ne doivent donc pas se priver de viande, poisson, laitages, et oeufs, qui constitueront 60 % de leur apport protéique total.

La prévention de l'ostéoporose passe par l'absorption de calcium et de la vitamine D contenue dans les fruits ; la synthèse de celle-ci est favorisée par une exposition raisonnable au soleil et la pratique d'une activité physique à l'extérieur, qui permet aussi de préserver la masse et la force musculaires. Beurre (vitamines A et D), huile et margarine, riches en acides gras essentiels (oméga-3 et 6) à raison de 20 grammes par jour, légumes secs et céréales sont également indispensables.

Il faut veiller tout particulièrement à l'hydratation, et boire au moins un litre et demi d'eau par jour pour pallier la diminution de la quantité d'eau corporelle totale liée au vieillissement (entre 30 et 70 ans, la perte est de six litres). Ce n'est pas toujours facile, car la sensation de soif diminue avec l'âge, de même que s'altèrent le goût et l'odorat. Le sujet âgé préfère le sucré, et rejette le salé.
Lorsque surviennent des problèmes dentaires qui affectent la mastication, la dénutrition menace. Elle concerne surtout les personnes âgées sédentaires et isolées. L'étude Solinut, qui a évalué les relations entre solitude et nutrition chez les plus de 70 ans. Sur 150 personnes observées pendant une année, vivant seules, 23 % étaient en état de dénutrition ; de plus, 33 % d'entre elles n'avaient pas partagé de repas avec quelqu'un pendant l'année de suivi.

La situation n'est pas toujours meilleure dans les établissements spécialisés : près de 30 % des pensionnaires ont un apport énergétique inférieur aux recommandations (Etude Euronut-Seneca, en France et en Europe). Pourtant, les responsables des maisons de retraite sont de plus en plus nombreux à prendre conscience de la nécessité de stimuler l'appétit par tous les moyens.

MENUS "TOUT SUCRÉS"

Ainsi, le groupe DomusVi a entrepris de former les personnels de ses établissements. A la maison de retraite Tiers Temps, à Paris (14e arrondissement), le chef cuisinier Jean-Francis Buée multiplie les initiatives. Exemple : les "mixés saveurs" de veau pour lequel les tranches mixées sont reconstituées sous forme de rôti. "C'est plaisant à regarder, et on sort de la facilité du steak haché", explique-t-il.

Les plats sont enrichis en lait et en oeufs, ou bien on ajoute du gruyère dans une sauce béchamel. Des menus "tout sucré" comportant de la viande (porc au caramel, canard à l'orange) jouent sur l'appétence des personnes âgées pour les saveurs sucrées, afin de leur faire consommer des protéines. En été, des "menus canicule" associent gaspacho, crudités, melon et fruits rouges. Enfin, on s'efforce de mettre de la couleur dans l'assiette, par exemple, un mixé avocat-crevettes. Ce n'est pas parce qu'on est vieux qu'on doit manger incolore, inodore et sans saveur. 
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Nutrition de la personne âgée,
ouvrage collectif sous la direction de Monique Ferry (Masson, 303 p., 39 €).
Travaux de la 48e Journée annuelle de nutrition et diététique, sur le thème "Nutrition et vieillissement" 
(www.jand.fr). www.mangerbouger.fr (guide nutrition à partir de 55 ans).

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