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Un «bus santé» pour pallier le manque de médecins ruraux


Par Sandrine Cabut, Le Figaro 

9 novembre 2009 

France

 

  Le « bus santé » stationne devant la mairie d'Hannapes, dans l'Aisne pour ses premières consultations gratuites.

Le « bus santé » stationne devant la mairie d'Hannapes, dans l'Aisne pour ses premières consultations gratuites. 

 

La France rurale manque de médecins. Pour voir un généraliste, certains doivent faire des kilo¬mètres ; d'autres attendent des mois une consultation spécialisée. Face à cette pénurie, une nouvelle médecine de campagne, dite «foraine», est en train de naître. C'est ainsi que, depuis la fin de l'été, un cabinet médical mobile, le «bus santé», sillonne les petites routes de Picardie, la région française la plus déshéritée en médecins : à peine 250 pour 100 000 habitants, quand la moyenne nationale est à 312. La crise démogra¬phique est d'autant plus préoccupante que, dans cette région, beaucoup d'indicateurs sanitaires sont à l'orange, voire au rouge. Le taux de surpoids des Picards est, en effet, bien supérieur à la moyenne nationale, tout comme le nombre de cas de diabètes de type 2. Sans compter la surmortalité par cancers du sein et de l'utérus, maladies cardio-vasculaires, pathologies associées au tabac ou à l'alcool…

De loin, le camion blanc flambant neuf ressemble à un mobil-home. Mais l'inscription «Bus santé» en grosses lettres bleues ne laisse aucun doute sur sa vocation. Ce jour-là, il fait étape à Hannapes, dans l'Aisne, une commune de 250 âmes aux maisons typiques de briques rouges. Ici, comme dans les autres petits villages choisis pour cette expérience pilote, il n'y a pas de généraliste sur place. Le plus proche est à 5-10 kilomètres. 

Arrivé la veille, le camion s'est garé au beau milieu du village, bien visible devant la mairie, en face du foyer rural. Le maire avait disposé des affichettes, et même fait un peu de porte à porte pour sensibiliser ses ouailles. Mais, en ce milieu de matinée plutôt ensoleillée, la place de la mairie reste déserte. L'infirmier, l'élève infirmière et l'assistante sociale de perma¬nence attendent des visiteurs en classant les documents d'information.

Minutieusement aménagé

À l'intérieur, tout est prêt pour les accueillir. Le véhicule a été minutieu¬sement aménagé, avec, d'un côté, un local secrétariat-infirmerie, de l'autre, un cabinet médical avec table d'examen. Malgré l'exiguïté des locaux, un ingénieux système de miroir permet de tester la vision de loin avec la distance réglementaire de 5 mètres. Il est même possible de réaliser un examen du fond de l'œil sans dilater la pupille avec un rétinographe dernier cri. Les clichés sont transférés pour interprétation au réseau d'ophtalmologistes du département. L'infirmier, qui assure la première consultation, prend la tension artérielle, pèse, mesure et, si besoin, pique le bout du doigt pour un examen instantané de la glycémie et du cholestérol. Surtout, il prend le temps de parler et d'écouter. Une demi-heure est prévue par personne, avec un interrogatoire complet portant sur l'état de santé, les vaccinations, les habitudes alimentaires, l'activité physique, la participation aux programmes de dépistage des cancers du sein et du colon, les consommations d'alcool et de drogue…

Ensuite ? Tout dépend des demandes du patient et de ce qu'a repéré l'infirmier. «Si une personne censée rentrer dans la campagne nationale de dépistage du cancer colorectal nous dit qu'elle n'a pas fait le test, on lui en reparle, puis on téléphone à la structure qui coordonne le programme pour qu'elle renvoie le kit», raconte ainsi Philippe Dervillé, en charge de l'accueil cette semaine-là. Au besoin, une deuxième consultation est organisée le lendemain avec une assistante sociale. Il est aussi prévu que le bus repasse une dizaine de jours plus tard dans le village avec un médecin à son bord, pour voir ceux qui nécessitent des examens complémentaires, prises de sang notamment.

Pour l'heure, le praticien est en cours de recrutement. Mais le tandem infirmier-assistante sociale peut déjà rendre de fiers services. Cela a été le cas pour ¬cette femme de 78 ans, venue quelques jours plus tôt, surtout par curiosité. En remplissant sa fiche, l'infirmier s'est aperçu qu'elle suivait un régime alimentaire draconien depuis une mystérieuse intervention chirurgicale il y a un an. Quelques coups de téléphone plus tard, Philippe Dervillé a pu lui expliquer en quoi l'opération avait consisté et lever les interdits alimentaires qui n'étaient en fait nécessaires que pendant trois jours… Et puis, comme la vieille dame de près de 80 printemps lui avait avoué qu'elle montait toujours sur les rebords de ses fenêtres pour les laver, l'infirmier l'a dirigée vers l'assistante sociale. Qui a immédiatement mis en place un système d'aide ménagère.

Pendant la première semaine où il a traversé quatre petits villages (de 80 à 300 habitants), seulement seize personnes ont franchi la porte du bus. Pas de quoi, cependant, décourager les troupes. «Il va falloir le temps d'habituer les gens. Pour l'instant, ils ne sont pas demandeurs, ils nous disent qu'ils ont déjà un médecin», justifie Claude Carrette, le maire de ¬Hannapes. «Il y a un peu de méfiance, mais ça ira mieux la prochaine fois», espère Jean Audin, le président de la communauté de communes de Thiérache d'Aumale.


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