Prendre le devant avant qu’il ne soit trop tard: Attention, la démence nous guette
tous!
Par
Docteur Kamadore Touré, Rewmi.com
1er
Juillet 2009
Sénégal
La démence, presque assimilée à la folie, est effectivement une perte de mémoire, souvent due à des phénomènes comme le vieillissement, mais également d’autres facteurs pour lesquels le Dr Kamadore Touré s’est donné la peine de prendre sa plume pour nous proposer cette importante contribution que nous allons vous proposer en trois jets. Le docteur Kamadore Touré est neurologue diplômé de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et du PhD en Santé Publique de l’Université de Montréal, Québec-Canada. Ancien interne des hôpitaux de Dakar. Il sert, actuellement, au Service de Neurologie du CHU de Fann, tout comme il dispense des cours en tant qu’Enseignant-chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et Chu de Fann. Enfin, Dr Touré est membre-fondateur de la Fondation Alzheimer Sénégal.
D’ores et déjà, notez que le phénomène de la démence est galopant et n’épargne personne, surtout les personnes âgées, comme le démontre l’étude réalisé par Dr Touré qui, modeste malgré un cursus assez riche, indique que «ce texte n’est qu’une contribution pour sensibiliser la communauté sénégalaise sur cette curieuse maladie qui se répand.
Suivez le guide…
L'un des phénomènes marquant du 20ème siècle aura été le vieillissement de la population, c'est-à-dire l'augmentation considérable du nombre et de la proportion de personnes âgées, aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement. On estime, aujourd'hui, à 580 millions le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus dans le monde, dont 350 millions, environ, dans les pays en développement. En 2020, ce nombre franchira le cap du milliard dont plus de 700 millions vivront dans les pays en développement. Même si tout le monde aspire à avoir une bonne qualité de vie durant tout son cursus, le vieillissement s'accompagne de modifications cellulaires, tissulaires, biomoléculaires et sociales, à l'origine de la survenue de maladies. Ces maladies liées au vieillissement s'accompagnent, le plus souvent, d'une perte d'autonomie fonctionnelle et de trouble de la mémoire, qui peuvent correspondre à la démence.
La démence se définit par une détérioration des fonctions intellectuelles et cognitives avec, souvent, une perturbation de la conduite sociale chez une personne qui jouit d'un état de conscience normale. Cette détérioration est si importante qu’elle interfère avec les activités de la vie quotidienne de la personne, comme se déplacer seul, faire ses courses, s’alimenter seul, se doucher seul, utiliser le téléphone, prendre ses médicaments, gérer son argent seul et assurer, seul, ses prières quotidiennes.
Ampleur de la maladie dans le monde
La démence est devenue un problème de santé publique dans le monde. On estime, en l’an 2000, le nombre de cas de démence à 22.5 millions dans le monde. Ce sera 63 millions en 2030 et 114 millions en 2050. Environ 52% vivent dans les pays sous-développés, où l’augmentation du nombre de cas y sera plus importante, passant de 13,3 millions en 2000 à 84 millions en 2050.
La démence à un impact sur le système de santé, l'économie, mais aussi le système social. Elle augmente la dépendance fonctionnelle, l'utilisation des services de santé et les soins à domicile. Des milliards de dollars sont investis dans les pays développés pour prendre en charge les patients souffrant de cette maladie.
Les facteurs de risque de la démence sont connus. La fréquence de la maladie augmente progressivement avec l’âge. Elle est plus élevée chez le sexe féminin, la personne non instruite, la personne célibataire, le fumeur, l’alcoolique, la personne qui ne pratique pas de sport, donc sédentaire, la personne isolée, qui ne socialise pas avec sa famille, ses voisins ou son entourage et, enfin, chez la personne qui présente une maladie chronique, comme l’hypertension artérielle, le diabète, l’accident vasculaire cérébral, l’anémie chronique, l’insuffisance rénale etc. Le traumatisme crânien, lors de chutes et les coups reçus sur la tête, sont aussi d’importants facteurs de risque.
La cause de la maladie reste encore énigmatique. La maladie est héréditaire et peut se transmettre de parent à enfant. Cependant, la survenue de la maladie suppose l’intervention concomitante de facteurs génétiques (endogènes) et environnementaux (exogènes).
Bien que de nombreuses études aient été menées dans les pays développés pour mieux appréhender l'épidémiologie de cette affection, peu de recherches l'ont été en Afrique. Le Sénégal, comme de nombreux autres pays africains, est sujet à une augmentation considérable de la population de personnes âgées. Ce qui va se traduire par un accroissement de conditions associées à un risque accru de démence avec ses conséquences sociales, sanitaires et économiques importantes. A cet effet, des études ont été menées pour évaluer l’importance de la démence dans la population de personnes âgées.
Quelques données de fréquence au Sénégal
Au 21ème siècle, il y a encore des Sénégalais qui pensent que cette maladie n’existe que chez les «Toubabs». Et pourtant, elle a toujours existé dans la société sénégalaise. Elle est appelée «Naax» ou «maladie de l’oubli», chez les populations Ouolof. Certaines personnes l’attribuent à une cause surnaturelle ou héréditaire (ce qui a été prouvée scientifiquement), voire liée à la vengeance des «Rabs» ou des «Djinns» (les esprits : croyance païenne), lorsque le grand parent ou le parent était un féticheur ou soignait les personnes atteintes par ces «Rabs» ou des «Djinns». Pourtant, il ne s’agit point de maladie des «Toubabs». Il suffit de remonter aux temps anciens pour comprendre l’exégèse de cette affection (voir le Coran, Sourate 16, verset 70 et Sourate 22, verset 5). Cette maladie a aussi une histoire, surtout dans le milieu politique et scientifique.
Depuis 2004, une consultation de mémoire est ouverte à la Clinique neurologique du Centre Hospitalier universitaire (Chu) de Fann à Dakar. L’objectif de cette consultation est de prendre en charge les personnes souffrant de troubles de la mémoire, mais aussi de sensibiliser la famille des personnes atteintes. Depuis cette date aussi, des recherches sont menées sur cette maladie au Sénégal, pour estimer son ampleur et identifier ses facteurs de risque. Nous présentons quelques résultats qui permettent de comprendre que la démence est dans les familles sénégalaises.
Les résultats préliminaires de la consultation de mémoire ont permis de répertorier 57 cas de démence sur une population de 132 patients reçus entre 2004 et 2005 à la Clinique Neurologique du Centre Hospitalier Universitaire de Fann. Ces patients étaient référés par des médecins psychiatres, neurologues, généralistes et, parfois, par la famille. Dans la majorité des cas, ils présentaient un stade avancé de la maladie, ce qui laisse suppose un recours tardif à une structure de santé. La population de patients présentait des antécédents d’hypertension artérielle, de diabète, d’accident vasculaire cérébral, d’affection rhumatismale avec, environ, 20% de solitaire.
Une étude transversale a été menée, du 1er Mars 2004 au 31 Décembre 2005, auprès de personnes âgées sénégalaises, bénéficiaires du régime de l’Ipres et fréquentant son centre de santé. Sur une population de 872 patients âgés de 55 à 90 ans, 58 ont présenté une démence soit une fréquence estimée à 6,6%. Cette fréquence augmentait progressivement avec l’âge et le niveau d’instruction, avec des différences statistiquement significatives.
En plus, la démence était apparue plus précocement, comparé à ce qui se passe dans les pays développés, avec une fréquence plus élevée dans la tranche d’âge 55-64 ans. Les principaux facteurs de risque observés étaient : l’âge, le faible réseau social, l’antécédent d’épilepsie, d’accident vasculaire cérébral et l’existence de troubles de la mémoire dans la famille.
A Diourbel en 2007, une autre étude a été réalisée auprès de 584 personnes âgées de 60 ans et plus, habitant la commune. Cette population a été examinée et évaluée avec le Test du Sénégal, un instrument neuropsychologique développé par Dr Kamadore Touré pour dépister la démence chez la personne âgée. 121 personnes avaient un score de plus ou moins 28/39, donnant une prévalence globale de déficits cognitifs de 20,7%. Cette prévalence variait de manière significative, selon le sexe (plus chez la femme) et l’instruction (plus chez les non instruits). Environ 30% de la population avaient un faible réseau social avec, dans les antécédents, l’hypertension artérielle, le diabète, les maladies rhumatismales, les troubles digestifs, l’anémie, les troubles de la mémoire dans la famille et la cataracte.
La consultation de mémoire se poursuit jusqu’à présent au niveau de la Clinique Neurologique de l’hôpital de Fann afin de pouvoir prendre en charge les personnes atteintes de la maladie démentielle. Cependant, ces dernières font face à des difficultés en rapport surtout avec le retard de diagnostic et la disponibilité de médicaments qui permettent d’améliorer leur état.
A suivre…
*Ancien Interne des Hôpitaux de Dakar
Médecin Neurologue diplômé de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Enseignant chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et Chu de Fann
Email : tourekamadore@yahoo.ca
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