C'est un grand vieillard frêle, à la peau parcheminée et aux yeux bleus immobiles. Un infirmier le fait boire. Il lui parle longuement. Le jeune homme bouge le vieux malade. Près de lui, le docteur André Doiron, responsable du programme Vision Gérontonomie, souffle: «Avec des tubes d'oxygène dans les narines, une sonde urinaire et un état de grande faiblesse, voilà un cas typique de personne âgée en risque de déclin fonctionnel. Si nous le traitons comme un adulte de 40 ans, il perdra très vite ce qui lui reste de mobilité.»
Avec sa tête de bon Samaritain, le médecin se lance dans un vibrant plaidoyer contre la culture du repos, un fléau bien ancré dans les pratiques hospitalières. «Laisser un aîné se reposer est le pire service qu'on peut lui rendre. Une personne âgée sur trois se retrouvera alors en état de déclin fonctionnel. Pour un mois d'alitement, il faut trois mois de rééducation»,
ajoute-t-il.
Avec ses 800 employés et ses 71 lits, l'hôpital de Montmagny, à une heure de route de Québec, est une belle mécanique, ultramoderne et fonctionnelle, ce qui est très rare dans la Belle Province. Ce petit hôpital de campagne dessert une population de 45.000 habitants dans un rayon de deux heures de route.
Plus de la moitié des patients de cet établissement sont des personnes âgées. «La majorité de nos patients sont âgés, tout comme la population de la région. 17% ont plus de 65 ans et ce chiffre grimpera à 25% en 2026. Les hôpitaux ont été conçus pour des adultes, pas pour des seniors. Il faut une approche adaptée aux personnes âgées, à défaut de quoi ils peuvent très vite perdre leur masse musculaire, puis leur autonomie», raconte le directeur général de l'hôpital, Daniel Paré.
Des méthodes simples
À Montmagny, l'environnement hospitalier est adapté aux plus âgés. L'intensité lumineuse est plus forte dans les chambres des seniors, afin qu'ils puissent lire. Les tableaux médicaux sont écrits en gros caractères. Le docteur Doiron se passionne depuis vingt ans pour la gériatrie. Il a conçu Vision Gérontonomie à l'automne dernier. Le généraliste s'est basé sur les travaux du Centre universitaire hospitalier de Montréal, qui prône une approche personnalisée pour les aînés en milieu
hospitalier.
André Doiron applique des méthodes simples. Dans toutes les chambres, le praticien a fait installer des chaises pour éviter que les malades demeurent alités. Les patients mangent sur une petite table et non dans leur lit. Ils doivent essayer de marcher et de rester autonome. La nuit, les médecins privilégient à tout prix le sommeil, plutôt que les prises de mesure des signes vitaux. Les régimes sont abandonnés, afin que les malades ne maigrissent pas. Coûte que coûte, le senior doit conserver la mobilité qu'il possédait lors de son entrée à l'hôpital.
S'il est encore trop tôt pour mesurer les résultats de Vision Gérontonomie, plus de 200 médecins, pharmaciens, infirmiers et personnels d'entretien ont été formés à cette philosophie. «Lors du passage dans une chambre, les balayeurs invitent par exemple les patients à s'hydrater», dit André Doiron.
Les personnels de santé inculquent aussi ces concepts aux proches des malades. «Les réactions des familles sont variables. Certaines sont enthousiastes, d'au¬tres refusent que leur parent quitte son lit» , explique l'infirmière coordonnatrice de Vision Gérontonomie, Mélanie Poirier. Urgences, soins intensifs, tous les services appliquent le programme.
André Doiron se rend dans le secteur des soins de longue durée. La porte s'entrouvre. Le médecin passe la tête. La malade se dresse sur son lit: «Ce n'est pas la tête, ça, ça va. Mais j'ai 87 ans et les séquelles de cette opération de l'intestin durent depuis mai. Nous sommes bien traités dans cet hôpital et surtout on s'occupe de nous.» S'il y a encore quelques résistances au changement chez certains employés, elles devraient disparaître avec le temps.
Le directeur de l'hôpital se frotte les mains et conclut: «Pour un gestionnaire, c'est l'idéal. Mieux soignées, les personnes âgées restent moins longtemps ici et nous faisons des économies.»
Il faut dire qu'à quelques exceptions près, le système de santé québécois, entièrement public et gratuit, est en faillite depuis plus d'une décennie. Les médecins et les hôpitaux ne parviennent plus à satisfaire les besoins de base de la population. «Le temps d'attente pour une chirurgie est du simple au double avec la France.
Il est désormais impossible d'avoir accès à un médecin de famille. Sans médecin généraliste, il n'est pas possible de faire appel à un spécialiste et d'être soigné plus avant», confiait récemment le professeur d'économie de l'université de Montréal, Claude Montmarquette, un spécialiste des questions de santé.
Si les causes de la faillite du système sont nombreuses, la puissance des syndicats est souvent mise en avant. Ces derniers, très corporatistes, ont obtenu des salaires élevés pour les employés du secteur de la santé, au détriment du renouvellement des équipements, à tel point que Claude Montmarquette n'hésite pas à dire: «Certains hôpitaux sont en ruine… Les équipements et les infrastructures sont désuets.»
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