Seniors : ces
médicaments qui augmentent la mortalité
Par Anne Jouan, Le
Figaro
6 juillet 2011
France
De
nombreux médicaments consommés
régulièrement entraînentdes troublesde
l'équilibre, de la vision, de la mémoire, une faiblesse
musculaire ou encore un discours incohérent.
Crédits photo : Loic Venance/AFP
Plus
de 70 molécules très prescrites favoriseraient le
déclin cognitif des personnes âgées.
De nombreux
médicaments consommés régulièrement par les
personnes âgées entraînent un déclin
cognitif. Ces molécules dont certaines sont vendues sans
ordonnance ont pour particularité d'avoir ce que l'on appelle un
effet anticholinergique. Il s'agit en fait d'une substance appartenant
à une classe pharmacologique de composés visant à
réduire les effets de l'acétylcholine, un
neurotransmetteur cérébral qui joue un rôle de
médiateur dans le système nerveux.
Conséquence : les patients ont des troubles de
l'équilibre, de la vision, de la mémoire, une faiblesse
musculaire ou encore un discours incohérent.
Ces
médicaments sont des antidépresseurs (Elavil, Laroxyl,
Tofranil), des tranquillisants (Largactil, Terfluzine), des antitussifs
(Broncalene, Broncorinol), des antihypertenseurs (Atenolol), des
diurétiques (Aldalix, Furosemide), des antiashmatiques (Asmabec,
Beclojet), des antiépileptiques (Tegretol) mais aussi des
molécules prescrites dans le traitement du glaucome (Azarga,
Combigan, Cosopt) ou pour les incontinences urinaires (Ditropan,
Oxybutynine). Ces effets secondaires sont connus puisqu'en 2009, une
équipe du CHU de Saint-Étienne avait déjà
pointé ce problème dans un article de la Revue
neurologique.
Une
étude plus large, menée sur 13.000 personnes de plus de
65 ans pendant deux ans dans des universités anglaises et
américaines et financée par the Medical Research Council
va plus loin. Publiée dans le Journal of the American Geriatrics
Society, elle estime que les médicaments ayant un effet
anticholinergique augmentent la mortalité des personnes
âgées. Ainsi, 20 % des patients qui prenaient
plusieurs médicaments ayant cet effet sont
décédés durant les deux années de
l'étude contre seulement 7 % des patients ne prenant aucun
médicament ayant un effet anticholinergique. Le lien de cause
à effet est simple : comme ces médicaments font
augmenter les chutes, la mortalité progresse.
«Cette
hausse des décès était pressentie», estime
le Pr Olivier Saint-Jean, chef du service gériatrie à
l'hôpital européen Georges-Pompidou (Paris). «Ce
n'est pas surprenant, observe de son côté le Dr Olivier de
Ladoucette, psychiatre et gériatre
(Pitié-Salpêtrière, à Paris). En
gériatrie, nous connaissons tous ces produits. Le
problème, c'est que si certains sont très clairement
identifiés comme ayant un effet anticholinergique (comme les
antidépresseurs de première génération, ou
d'autres produits régulièrement prescrits en urologie
pour incontinence), d'autres avancent un peu plus
masqués.»
Ordonnances
pléthoriques
Le Pr
Jean-Louis Montastruc, chef du service de pharmacologie du CHU de
Toulouse, juge que cette observation de la hausse de la
mortalité constitue une nouveauté : «À
chaque fois que cela est possible, il faut prescrire un autre
médicament n'ayant pas de propriétés atropiniques.
Il est clair que chez les personnes âgées, ce type de
molécules doit être évité. C'est d'autant
plus facile que dans la majorité des cas, il existe des
alternatives.»
Cette
hausse de la mortalité liée à l'effet
anticholinergique repose la question des surprescriptions
médicales chez des personnes âgées. «Les
gériatres doivent être attentifs face aux ordonnances
pléthoriques et ne doivent pas hésiter à supprimer
tous les produits contenant des anticholinergique», insiste le Dr
de Ladoucette. «Il ne faut pas pour autant retirer ces
médicaments du marché, tempère le Pr Saint-Jean.
Car si ces molécules sont susceptibles d'être
délétères chez les seniors, ils ne le sont pas
pour le reste de la population. Et depuis plusieurs années, on
observe une baisse des prescriptions de neuroleptiques dans les maisons
de retraite, les hôpitaux et en médecine de ville.»
Actuellement,
l'Agence du médicament procède à un
réexamen de la balance bénéfice-risque de plus
d'une centaine de molécules. Cette réévaluation
devrait prendre fin d'ici à la fin de l'année. Lors de la
présentation de la réforme du système le
23 juin dernier, Xavier Bertrand avait estimé que
«nous consommons trop de médicaments en France et aussi
qu'il y a trop de médicaments».
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