Comment les urgentistes prennent en charge les personnes
âgées
La
Croix
13 Septembre 2011
France
La Cour d’appel de Pau a laissé le docteur Nicolas Bonnemaison,
soupçonné d’avoir abrégé la vie de sept
patients âgés, en liberté sous contrôle
judiciaire.
De plus en plus de personnes âgées ont recours aux
urgences, où certaines finissent leurs vies. Pour les
urgentistes, la loi Leonetti est suffisante pour soulager et
accompagner ces personnes.
C’est l’histoire d’une femme de 85 ans arrivée un soir aux
urgences d’une clinique de Bordeaux. « Elle allait très
mal, elle était quasiment dans le coma, se souvient
Benoît Burucoa, qui y travaillait alors. De prime abord, on
pouvait penser qu’elle était en fin de vie. »
Pourtant, dès les premières investigations, le
médecin s’aperçoit que l’hypotension de la vieille dame
peut aisément être prise en charge et qu’elle ne souffre
pas d’une dégradation majeure de son état. «
D’ailleurs le matin même, elle faisait tranquillement son
ménage chez elle, poursuit le docteur Burucoa. Il n’y
avait aucune raison qu’elle meure ce soir-là. »
Ce témoignage illustre bien la difficulté de la prise en
charge des personnes très âgées dans ces services.
Car aux urgences arrivent aussi des patients dans des situations moins
favorables, en phase terminale d’une maladie incurable – un cancer
métastasé, une insuffisance cardiaque majeure, etc. –,
sans espoir de rémission réelle.
Comment faire la part des choses ?
Dans ces cas-là, il faut aussi savoir baisser les bras pour ne
pas tomber dans l’acharnement thérapeutique, explique le
médecin, aujourd’hui chef du service de soins palliatifs au CHU
de Bordeaux. Comment faire la part des choses, autrement dit donner
toutes ses chances au malade sans pour autant courir le risque de
s’obstiner ?
Un véritable défi dans des services soumis à de
fortes contraintes : le patient n’est pas connu (ou rarement), sa
famille n’est pas toujours présente et il faut agir vite…
Dans une France qui vieillit, où la fin de vie se complexifie
avec des pathologies multiples, chroniques, des démences, une
étude récente de l’Inspection générale des
affaires sociales (1) montre que les urgences sont concernées au
premier chef par la prise en charge des aînés.
Selon l’Igas, « les entrées en hospitalisation par les
urgences » représentent 41 % des séjours des
personnes âgées de 80 ans et plus, contre seulement 24 %
pour les séjours hospitaliers des 20-80 ans.
Tout l’enjeu est d’évaluer la situation générale
du patient
Les professionnels doivent donc faire face. « Dans un service
bien organisé, on y parvient », rassure Jeannot
Schmidt, responsable des urgences du CHRU de Clermont-Ferrand. Quand un
patient très âgé arrive, la première chose
à faire est de traiter son symptôme comme chez n’importe
quel autre patient, détaille le médecin. Faire
baisser la fièvre, faire repartir la pression artérielle,
arrêter un saignement… Nous n’avons pas d’a priori : ce n’est pas
parce qu’un malade est vieux qu’il est mourant. »
En parallèle, tout l’enjeu est d’évaluer la situation
générale du patient, indépendamment de
l’épisode aigu dont il souffre. Pour cela, il faut recueillir en
peu de temps le maximum d’informations : tenter d’avoir accès
à son dossier médical, contacter le médecin
traitant ou le spécialiste qui le suit habituellement, consulter
la famille, échanger avec les infirmières…
« Ce temps-là, on le prend », assure
l’urgentiste. Avec l’objectif de parvenir à la meilleure
décision possible, d’agir au plus près de
l’intérêt et des souhaits du patient, même s’il est
inconscient. Quitte, dans certains cas, à limiter les
thérapeutiques actives si celles-ci sont synonymes
d’acharnement. « Quand c’est la fin, les personnes
âgées meurent dans de bonnes conditions, sans qu’il soit
besoin de faire une injection létale. »
La loi Leonetti offre un cadre adapté et suffisant
Pour Jeannot Schmidt, la loi Leonetti de 2005 sur la fin de vie offre
un cadre adapté et suffisant. Elle proscrit «
l’obstination déraisonnable », permet au patient de
refuser tout traitement même vital et autorise le médecin
à utiliser des antalgiques puissants pouvant avoir pour effet
secondaire d’abréger la vie, si c’est le seul moyen de soulager
ses souffrances.
« Ce texte permet un véritable accompagnement en
respectant le patient, ses proches et les soignants »,
souligne de son côté Patrick Goldstein, à la
tête des urgences du CHU de Lille, qui précise : «
On ne prend jamais seul et de façon brutale une décision
d’arrêt de traitement. On se réunit avec l’équipe
et l’on consulte la famille », en vertu d’une
collégialité prévue par la loi.
S’il partage ces analyses, le gériatre Marc Verny apporte
cependant quelques nuances sur la prise en charge des personnes
âgées aux urgences. « Ces services sont soumis
à de grandes contraintes matérielles qui rendent
difficile le recueil d’une information fiable », estime le
médecin qui travaille au quotidien avec les urgences de la
Pitié-Salpêtrière à Paris.
« Ce n’est pas un endroit pour mourir »
Autre danger, à ses yeux : une forte pression qui, d’une
manière générale, conduit à donner moins de
chances aux patients les plus âgés. « Ce n’est pas
forcément conscient, mais des études montrent par exemple
qu’en réanimation, on va privilégier un malade qui a la
cinquantaine par rapport à un patient de 80 ans dont le
pronostic est pourtant meilleur ; ou encore, que les vieux malades ont
moins souvent accès à l’IRM. »
Quoi qu’il en soit, les médecins s’accordent pour dire qu’il
faut éviter, dans la mesure du possible, que les patients
finissent leurs jours aux urgences. Car en dépit des efforts des
équipes, notamment pour préserver la dignité et
l’intimité des personnes, « ce n’est pas un endroit pour
mourir », rappelle Patrick Goldstein, à Lille.
Un gros travail est à engager : en amont, pour mieux former les
médecins de ville et favoriser les réseaux de soins
palliatifs ; en aval, pour libérer ou créer des lits dans
des services plus adaptés à la fin de vie.
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