Retrouver une
autonomie, de l’estime de soi, pouvoir
communiquer… Voici quelques-uns des objectifs de
la méthode Montessori, mise en place
depuis quelques semaines à la maison de
retraite du Manoir à Montgeron, un des
rares établissements en France à
la tester. D’ici début avril, les 60
salariés de la structure auront
été formés par Shirley
Trouville, infirmière chez AG & D,
société spécialisée
dans la prise en charge de personnes souffrant
de troubles cognitifs grâce à des
démarches non médicamenteuses.
« C’est l’originalité et la force
de cette méthode, souligne Shirley
Trouville. Elle est très simple, et
surtout elle implique tout le monde. Maria
Montessori était une psychiatre italienne
qui a mis en place une pédagogie pour les
enfants en difficulté fondée sur
l’observation de leurs capacités. Le
grand neurologue américain Cameron Camp
l’a transposée aux personnes souffrant de
troubles cognitifs. Appliquée avec
succès depuis quinze ans aux Etats-Unis,
elle permet à des malades d’Alzheimer de
réapprendre certains gestes de la vie
quotidienne. »
Le point crucial, c’est de connaître la
vie de chaque résidant. Un homme qui a
passé quarante ans de sa vie comme
cuisinier dans un restaurant sera sûrement
sensibilisé si on lui parle de recettes,
si on le laisse aider pour la préparation
des repas (cela peut se résumer à
mettre des morceaux de pain dans une corbeille).
Il faut aussi garder en tête la
philosophie Montessori : « Apprends-moi
à faire seul. » « En aidant,
on fait souvent à la place de, regrette
Shirley Trouville. Cela place le résidant
en échec, d’où parfois des
comportements agressifs, qui ne sont que le
résultat de la frustration des malades.
Car si la mémoire leur fait
défaut, les émotions sont toujours
là. »
Au Manoir, la formation a déjà
convaincu. « Notre ouvrier technicien a
réussi à capter l’attention d’un
résidant très compliqué,
qui réagissait souvent de façon
agressive, assure Richard Vilmont, le directeur
de l’établissement. En changeant des
ampoules, le technicien est parvenu à se
connecter avec lui. » Séverine, la
lingère, acquiesce : « Mon travail
ne se cantonne plus au rangement du linge dans
les chambres. Avec la méthode Montessori,
je porte un autre regard sur les
résidants. Je les aborde mieux, je
parviens à trouver un sujet qui les
intéresse. » Michel, agent
hôtelier, ajoute : « J’ai
interrogé une dame qui parlait tout le
temps de la Normandie. On s’est découvert
des origines communes dans cette région.
Depuis, je lui cite des villes de là-bas,
et je vois une lueur dans ses yeux, on discute.
»
Au Manoir, on n’en est pas à la
première expérimentation. Depuis
quelque temps, tous les résidants se
mettent aux jeux vidéo en manipulant la
console Wii. Et Vodka, un chien golden
retriever, passe ses journées dans
l’établissement, caressé par tous
les pensionnaires. « La maladie
d’Alzheimer est un vrai problème de
santé publique : un quart des plus de 85
ans en souffre », souligne Richard
Vilmont, qui espère que la méthode
Montessori va convaincre d’autres maisons de
retraite.