9 Avril 2012
France
«Et
si les vieux vivaient encore ?»
Interrogation iconoclaste. Ils sont
là, nombreux : près de 9
millions de Français ont plus de
75 ans. Ils vivent pour la plupart
à domicile ; chez les plus de 80
ans, près de 20% sont en
institution. Mais voilà, ce
qu’ils disent (ou ce qu’ils taisent) est
loin d’être conforme aux
clichés.
C’était le thème d’un
cycle de débats mensuels,
organisé depuis octobre par le
Centre d’éthique clinique de
l’hôpital Cochin, à Paris,
avec Libération et France
Culture. Avec, en arrière-plan,
cette question : «Quelle
médecine pour quelle vieillesse
?» Un jury de personnalités
(le président de la
Mutualité, une aide-soignante, un
gériatre, un philosophe, une
ancienne directrice des hôpitaux
de Paris, une usagère) les a tous
suivis : à charge pour lui
d’émettre des recommandations,
rendues publiques aujourd’hui.
Envie forte. Personnalité
historique de la gériatrie,
Geneviève Laroque, a
trouvé les mots justes :
«On a le sentiment que les vieux
sont vus comme des membres d’une tribu
exotique. Alors que nous, les vieux,
nous avons le sentiment de ne pas avoir
changé, et d’être toujours
ce que nous sommes.» «La
vieillesse a de multiples visages,
insiste Véronique Fournier,
directrice du Centre d’éthique
clinique. Mais c’est d’abord une
perception subjective. On ne se sent pas
vieux tant que l’on ne souffre pas de
vieillesse.»
Comme l’a montré l’enquête
sur les «directives
anticipées»
(Libération du 11 octobre 2011),
la majorité des personnes
très âgées montre
une envie forte : celle de vivre.
Très rares sont ceux qui
anticipent leur mort et, par exemple,
écrivent ces
«directives» qui expriment
leurs souhaits quant à leur fin
de vie, en cas de perte d’autonomie.
Deuxième
constat : les vieux parlent peu. Etre
vieux, c’est aussi faire un pas de
côté. «La vieillesse
se définit aussi par un peu plus
de repli sur soi», note le
professeur Olivier Saint-Jean. Comment
éviter de parler à leur
place ? Troisième idée
fausse : beaucoup d’experts
s’inquiètent d’une
médicalisation trop forte.
«Or, les personnes, même
très âgées, sont
plutôt demandeuses de
médecine», affirme le
professeur Olivier Saint-Jean.
Fragile. Enfin, le coût de la
vieillesse. Ces derniers mois, un
leitmotiv s’est installé : on va
vers une implosion des comptes sociaux,
en raison du vieillissement. Il n’en est
rien. «Les coûts de
santé induits par le
vieillissement ne sont pas si
lourds», a expliqué
l’économiste Jean de
Kervasdoué. Et ce rappel :
«Les solidarités
individuelles et familiales font
beaucoup plus qu’on ne le pense.»
Au gré des débats, un
monde de la grande vieillesse est
apparu, nuancé et fragile. Avec,
en face, une société
réticente à le saisir.