Soigner Alzheimer : la piste prometteuse
d'une protéine
Par Damien Mascret, Le
Figaro
24 Janvier
2012
Monde
Des chercheurs
français confirment l'intérêt
d'une protéine pour le développement
d'outils de diagnostic et de traitement
préventif.
Les derniers résultats de recherche sur la
démence, présentés mardi
à l'Académie des sciences par
l'Institut Baulieu, ont une nouvelle fois surpris
les neurologues. Il y a deux ans, pratiquement
jour pour jour, le Pr Étienne-Émile
Baulieu et son équipe Inserm suscitaient
l'incrédulité des
spécialistes de la maladie d'Alzheimer en
annonçant avoir identifié une
protéine (FKBP52) impliquée dans les
démences séniles. À
l'époque, la plupart des chercheurs
étaient encore focalisés sur les
dépôts de plaques amyloïdes dans
le cerveau, une lésion que l'on observe
assez tôt dans l'évolution de la
maladie d'Alzheimer.
Mais la piste ouverte par le Pr Baulieu vise un
autre mécanisme qui est au cœur de la
maladie. «C'est une approche originale,
commente le Pr Françoise Forette,
directrice de la Fondation nationale de
gérontologie, car si la recherche sur les
dépôts amyloïdes reste
importante, il est possible que dans la maladie
d'Alzheimer, il faille associer les
thérapeutiques».
Raison de plus pour multiplier les pistes de
recherche. La publication prochaine dans leJournal
of Alzheimer's Diseasedes résultats obtenus
par l'équipe de Baulieu, à partir de
coupes de cerveaux de patients
décédés avec une
démence, sont éloquents. Ils
confirment bien la diminution considérable
de la fameuse protéine FKBP52 dans les
cerveaux déments. Or, cette substance est
censée jouer un rôle protecteur
lorsqu'elle est présente dans le cerveau en
empêchant notamment l'altération
d'une autre protéine, centrale dans la
pathologie des démences, la protéine
tau.
Quantitativement
efficace
D'ailleurs, on ne trouve pas de protéine
tau anormale dans les zones du cerveau où
le taux de FKBP52 est élevé. La
protection semble donc bien, anatomiquement et
quantitativement, efficace: une notion essentielle
qui pourrait a contrario expliquer le peu de
résultats obtenus à ce jour par les
chercheurs qui ciblaient la seule protéine
tau.
Les nouveaux travaux réalisés
grâce à la banque de cerveaux de la
Pitié-Salpêtrière, à
Paris, confirment in fine l'hypothèse
émise il y a deux ans et ouvrent la porte
à un diagnostic précoce de la
maladie et à un traitement:
«L'idée est maintenant de mesurer le
taux de cette protéine par une ponction
lombaire pour détecter les personnes
à risque et pouvoir stimuler cette
protéine dès que l'on aura
trouvé une molécule à la fois
active et bien tolérée. Ça
peut aller très vite», résume
le Pr Baulieu.
D'ores et déjà, le liquide
céphalo-rachidien d'une cinquantaine de
malades est décortiqué par
l'équipe de l'Institut Baulieu et des
dizaines de molécules sont en cours
d'évaluation. Dans leur travail de fourmi,
rendu possible grâce aux dons privés
et au mécénat, les chercheurs ont
trouvé un moyen d'accélérer
considérablement leur étude des
altérations du développement
cérébral en utilisant un
modèle de poisson-zèbre et une
protéine tau humaine pathologique.
Là encore, l'effet de protection de FKBP52
s'est manifesté.
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