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Le Figaro March 4, 2003 Il y a quelque chose d'incongru à vieillir. La première
con férence antiâge d'Europe l'a démontré ce week-end à Paris, réunissant
sous la coupole du Cnit 1 600 parti cipants de 65 pays et 135 orateurs.
Chirurgiens, dermatologues, endocrinos, biologistes, nutritionnistes sont
venus faire le point sur les dernières techniques pour lutter contre le
poids des années. Ces spécialistes considèrent que vieillir est désormais
une maladie dont on aurait les moyens de guérir. L'esprit antiaging,
né aux Etats-Unis, se propage très vite. La première Société française
de médecine du vieillissement vient de se créer à Paris et des centres
de médecine antiâge se préparent pour intervenir avant la gériatrie,
c'est-à-dire avant qu'il ne soit trop tard. Marché immense. Un marché immense s'ouvre à cette
nouvelle spécialité. Les études démographiques disent qu'un Français
sur trois a plus de 50 ans, statistique reprise dans la publicité d'un
produit présenté au congrès, et qu'une fille sur deux qui naît
aujourd'hui deviendra centenaire. Ces innombrables clients potentiels ont
aussi l'avantage de se recruter dans les milieux aisés. Une nécessité,
car cette médecine n'est pas remboursée par la Sécurité sociale. Pendant ce week-end, on parle beaucoup de ride glabellaire
ou de ptose faciale, mais la question du coût n'est pas publiquement
abordée. Sauf au moment de négocier avec les 80 exposants l'achat de crèmes
cosmétiques, de lasers et bistouris. Ou du dernier appareil de «stimulation
des tissus conjonctifs». Il coûte 20 000 euros, mais son fabricant
assure qu'à raison de 45 euros la séance de 35 minutes, la machine est
amortie en six mois. «Notre objectif, résume Christophe de Jaegger, médecin antiâge
à Paris, est de dépister les déclins qui sont de tous ordres :
vasculaire, neurologique, pulmonaire, sensoriel, etc. Je n'évoque pas le
plan sexuel, que tout le monde connaît.» Pour le moment, 50 gènes
responsables du vieillissement ont été identifiés. Mais le phénomène
reste en partie mystérieux. Annie Cohen-Letessier, dermatologue à Paris, explique que
«l'homme est une espèce à vieillissement graduel». On
sait que la vieillesse démarre dès18 ans. Ses premiers signes sont
faciles à détecter : la récupération plus lente après un effort et le
visage qui bougeotte lorsque la tête change de position. On sait aussi
que le «grand tournant» se situe vers la cinquantaine. C'est,
pour les femmes, l'âge de la ménopause. «La femelle humaine est la
seule qui survit après la ménopause», explique Michel Faure,
professeur en dermatologie à Lyon. Ce qui confirme, ajoute-t-il en
souriant, que «sa destinée n'est pas seulement la reproduction». «Vieillir n'est pas une fatalité»,
assure ainsi Antoine Lorcy, médecin antiâge à Paris, qui ne jure que
par l'hormone de croissance, «Rolls Royce de l'antiaging». Il
l'utilise pour lui-même, et en donne à sa mère, petite dame pimpante de
95 ans, dont il montre la photo. Hormones de croissance ou thyroïdiennes,
insuline, cortisol, THS (traitement hormonal substitutif) et la fameuse
DHEA font partie de la panoplie des «correcteurs» médicaux. Certains de
ces produits n'ont pas reçu le feu vert des autorités sanitaires françaises
ou ne sont pas disponibles, comme le collagène humain, qui provient soit
du patient lui-même, soit d'une banque de donneurs. Toxine léthale. Le Botox, du fait de son autorisation de
mise sur le marché français (AMM) le 20 février, est évidemment la
grande vedette. Officiellement, l'autorisation se limite à la «ride du
lion» (entre les sourcils). Le découvreur américain de ses vertus esthétique
n'hésite pas, lui, à parler de «pénicilline du XXIe siècle»
pour décrire cette toxine utilisée notamment dans le traitement du
strabisme ou de la migraine. Commercialisé sous le nom de Vistabel
moins agressif que Botox , le produit fait aussi disparaître la ride en
paralysant temporairement le muscle qui la génère. «Il faudrait 35
flacons de Botox pour tuer un homme», affirme le professeur Pierre
André, dermatologue, pour convaincre ceux que l'utilisation de ce poison
léthal pourrait rebuter. Le colloque antiâge fait la part belle à la chirurgie
esthétique. Thierry Besins, chirurgien-plasticien à Paris, évoque le
vieillissement du visage entre les deux oreilles, un «glissement
comparable à un torrent de lave entre les rochers». Sa recette ? Il
remonte de quelques millimètres et d'un seul coup, surtout sans tirer
vers les oreilles, les parties qui ont dégouliné (joues, sourcils,
front). Son explication : «Sourire, c'est rajeunir, parce que ça fait
remonter les masses.» Hommes simples. Il ne faut pas croire que les hommes sont
à l'abri de tels traitements. Le Brésilien Ivo Pitanguy, professeur à
l'université de Rio de Janeiro, qualifié par ses confrères de «plus
grand chirurgien-plasticien vivant», est lui aussi spécialiste de la
«chirurgie du rajeunissement facial». Il constate que, dans son
pays, les hommes ne représentaient que 8,4 % des patients en 1980. Quinze
ans plus tard, ils sont 16,8%, soit deux fois plus. Et en 2000, avec une
proportion de 18,7 %, ils représentent presque un patient sur cinq. «Leurs
demandes sont étonnamment plus faciles à gérer» que celles des
femmes, affirme Béatrice Lafarge-Claoué, chirurgienne-plasticienne à
Paris, qui leur trouve «moins d'états d'âme». Les hommes se
plaignent des rides du front, de la chute de leurs sourcils, du creux des
joues, et, pour beaucoup, de leur cou ou de leur «sillon nasogénien»,
ces rides qui vont des ailes du nez à la commissure des lèvres. Et
les hommes préfèrent les produits non résorbables, pour ne pas avoir à
revenir. Sur le front de la cosmétique, selon le point présenté par Christine Lafforgue, de la faculté de pharmacie à Châtenay-Malabry, on n'a pas découvert de nouvelles molé cules pour lutter contre l'ennemi n° 1 de la vieille peau : son amincissement mesuré à 6 % par décennie qui entraîne l'assèchement, le durcissement, voire l'apparition de l'écaille. La nouveauté, c'est l'association de différents produits : vitamine E, antiradicaux, soja, etc. Association aussi pour L'Oréal et Nestlé. Les deux géants ont allié leurs forces pour inventer une boisson antiâge à base de Lactolypocène (tomate et petit-lait), soja et vitamine C, en vente libre dans les rayons alimentation depuis le 1er mars. Copyright
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