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La réforme des retraites met les Belges dans la rue
Le projet qui veut rallonger la durée du temps de travail a paralysé le pays pour la deuxième fois en un
mois.
Par Julie
Majercza, dans Liberation
Belgique
29
octobre 2005
«On est très, très en colère, il faut le faire savoir, insiste David, la trentaine, assistant social à Namur (Belgique). Et quand j'entends Verhofstadt [le Premier ministre, ndlr] dire : "Manifestez tant que vous voulez, on ne changera rien à la réforme", vraiment, ça me dégoûte et j'ai encore deux fois plus envie de manifester.» Comme David, des milliers de travailleurs belges ont débarqué vendredi matin à la gare de Bruxelles Nord pour protester contre le projet gouvernemental de réforme du système de retraite. Et pour la deuxième fois en moins d'un mois, la Belgique était paralysée par une grève générale de 24 heures. Du jamais vu depuis douze ans. Le «modèle belge» de concertation et la participation, en alternance ou simultanée, des socialistes et des démocrates-chrétiens au gouvernement rendent rares de telles grèves interprofessionnelles.
Formules. Après un café et un bol de soupe distribués gratuitement, la marée humaine verte et rouge, aux couleurs des deux grands syndicats belges, les chrétiens de la CSC, et les socialistes de la FGTB, s'est engouffrée bruyamment dans le centre-ville pour rejoindre la gare du Midi. «Contre la flexibilité et la précarité», «par solidarité», «pour défendre le droit de grève», «pour dire non au système néolibéral», autant de formules dans la bouche des manifestants, exprimant une même inquiétude diffuse face à l'avenir et un rejet du «contrat de solidarité entre générations» du gouvernement destiné à les faire travailler plus
longtemps.
La population belge vieillit, son taux d'emploi est l'un des plus faibles d'Europe et son généreux système de sécurité sociale est perpétuellement en panne de moyens. Selon le Conseil supérieur de l'emploi, 26 % des Belges âgés de 55 à 64 ans sont encore au travail, alors que la moyenne européenne se situe autour de 40 %. Le Conseil indique aussi que la durée moyenne d'une carrière professionnelle est de 36 ans en Belgique, contre 41 ans dans l'ex-Union à Quinze. D'où le projet de réforme de la coalition libérale-socialiste menée par Verhofstadt et sa mesure la plus contestée : repousser l'âge de départ à la préretraite de 58 à 60 ans et allonger le nombre d'années de carrière exigé de 25 à 30. «Le gouvernement et les employeurs veulent imposer aux travailleurs âgés de travailler plus longtemps alors que, dans le même temps, 140 000 jeunes n'ont pas d'emploi», dénoncent les syndicats. De plus, dans les entreprises touchées par une restructuration, les travailleurs âgés devront prouver leur disponibilité sur le marché de l'emploi durant six mois avant d'accéder, s'ils n'ont pas été réengagés, à la préretraite. «C'est un piège, dit la FGTB, les travailleurs risquent de ne trouver que des emplois précaires et, s'ils sont licenciés une deuxième fois, ils n'auront plus le droit de toucher les indemnités de préretraite.»
Foule. Vendredi, ils étaient entre 70 000 (selon la police) et 100 000 (selon les syndicats) à relayer ses mots d'ordre dans les rues de Bruxelles. «Un gouvernement démocratique ne peut pas rester insensible à un mouvement d'une telle ampleur», a déclaré devant une foule enthousiaste le secrétaire général de la FGTB wallonne, Jean-Claude Vandermeeren. A la veille de la journée d'action, le Premier ministre, Guy Verhofstadt, a répété qu'il ne «renégocierait rien» sous la pression de la rue. Le bras de fer ne fait que commencer.
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