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Pour un fonds de réserve des retraites ambitieux

Par J.L. Befa, R. Briet et J.C. Le D., dans Les Echos 

France

6 decembre 2005



Jean-Louis Beffa est PDG de Saint-Gobain, 
Raoul Briet est président du conseil de surveillance du fonds de réserve pour les retraites, 
Jean-ChristopheLe Digou est secrétaire confédéral de la CGT.

Une institution publique au service du long terme et des générations futures, impliquant fortement les partenaires sociaux dans ses orientations stratégiques et qui cherche à prendre en compte des objectifs sociaux et économiques plus larges dans sa mission de gestionnaire financier avisé... Cela pourrait apparaître comme une utopie ou, au mieux, un privilège réservé à quelques pays du nord de l'Europe. C'est pourtant ce que cherche à incarner concrètement dans notre pays le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) depuis fin 2002.

Fonds de lissage devant contribuer à la consolidation de notre système de retraites par répartition et ayant l'assurance légale de n'avoir aucun décaissement à effectuer d'ici à 2020, le FRR a le privilège d'avoir un horizon long. Et il n'a pas manqué d'en tirer tout le parti possible. L'allocation stratégique définie au printemps 2003 de façon unanime privilégie ainsi clairement un investissement en actions : 55 % contre 45 % aux obligations. Prise de risques certes, mais prise de risques dûment pesée s'appuyant sur des hypothèses techniques prudentes et motivées par le seul objectif de restituer à la collectivité nationale tout le bénéfice que procure au FRR son horizon de très long terme et sa capacité à investir dans des classes d'actifs diversifiées, de manière à réduire le risque global de ses investissements.

Dans ce même esprit, le FRR a décidé début 2005 d'investir 1,5 milliard d'euros dans les trois à quatre ans qui viennent dans les actions non cotées, majoritairement en Europe, avec l'impact positif que l'on peut en attendre sur le développement des petites et moyennes entreprises, l'innovation et l'emploi.

Le FRR a entendu également faire en sorte que, compte tenu de sa vocation, la politique d'investissement menée soit cohérente avec le respect des valeurs collectives favorables à un développement économique, social et environnemental équilibré. Cette vision large a plusieurs implications concrètes. Ainsi, le FRR a exigé en 2004 que l'ensemble des mandataires du fonds exerce effectivement ses droits de vote dans les assemblées générales des sociétés où il était investi afin de favoriser la transparence du gouvernement des entreprises. Il a rendu public un « référentiel », à savoir les principes que les gestionnaires ont commencé à mettre en application cette année de manière satisfaisante.

Autre concrétisation de cette vision large de son rôle : la décision d'investir en 2006 au moins 600 millions d'euros dans des mandats « actions européennes », pour lesquels les gestionnaires devront, dans l'analyse et la sélection des titres, intégrer de façon explicite les critères de l'investissement socialement responsable (ISR). L'approche ne consiste en aucune manière à exclure ex ante des secteurs d'activité ou des entreprises. Elle vise à sélectionner les meilleures sur la base de critères d'appréciation regroupés autour de cinq principes : respect du droit international, développement de l'emploi, responsabilités environnementales, respect des règles de fonctionnement du marché, bonne gouvernance des entreprises.

Le FRR n'entend ainsi nullement sacrifier sa fonction principale à une « noble cause ». Il considère que l'analyse ISR, en prenant en compte les risques extra financiers de long terme, complète et enrichit l'analyse financière classique, et il entend valider l'intuition selon laquelle une entreprise soucieuse de ses risques extra financiers de toute nature se valorise mieux à long terme.

Cinq ans après l'annonce de son lancement, trois ans après sa mise en place officielle, le FRR est aujourd'hui en état de marche. Le professionnalisme de ses équipes est reconnu et même salué par les observateurs, son identité d'investisseur public de long terme au service de la collectivité nationale se dessine clairement et le montant total des réserves accumulées fin 2005 - plus de 25 milliards d'euros - commence à être significatif (1,5 % du PIB).

Pour autant, il se situe à la croisée des chemins. Car, à la différence d'autres grands fonds de réserve publics (Norvège, Irlande), le FRR n'est assuré de ne bénéficier que d'abondements annuels modestes. La loi lui affecte 1,3 milliard d'euros de recette fiscale. Et comme les autres ressources possibles dépendent d'excédents des régimes sociaux - peu vraisemblables dans un horizon proche - et de décisions ponctuelles d'affectation du produit de cessions d'actifs (le FRR a bénéficié ainsi d'environ 6 milliards depuis l'origine), le risque est réel de voir le FRR s'installer à compter de 2006 dans un état végétatif. Les travaux du Conseil d'orientation des retraites (COR) soulignent que s'il n'était doté d'ici à 2020 que de la seule recette fiscale ainsi que des excédents sociaux susceptibles de réapparaître aux alentours de 2010, le montant total des réserves accumulées atteindrait 87 milliards d'euros dans un scénario où le chômage se situerait à 7 % à compter de 2015. Soit un montant très inférieur à l'objectif de 150 milliards affiché en 2000 et insuffisant pour assurer le lissage après 2020. L'évocation de ces perspectives, dans un contexte difficile pour nos finances publiques, ne manque évidemment pas de développer la tentation du court terme, qui serait dans les faits celle du renoncement.

Dans le même temps, des économistes soucieux d'optimiser la gestion patrimoniale des administrations publiques soulignent que, dans la période de taux d'intérêt bas que nous connaissons, il ne fait guère de doute sur le long terme que 1 milliard d'euros investis par le FRR, majoritairement en actions, est d'un meilleur rendement pour la collectivité qu'une diminution de même importance de la dette de l'Etat détenue sous forme d'obligations.

Entre le renoncement et l'ambition, il est légitime que le débat ait lieu. Les enjeux qui s'y attachent sont en effet multiples : l'équité intergénérationnelle, la restauration d'une plus grande confiance vis-à-vis de l'avenir, l'émergence d'un investisseur public de long terme, incarnant une approche originale dans le concert des grands fonds internationaux anglo-saxons axés sur le court terme, le dynamisme et l'attrait de la place financière de Paris. Et au seul énoncé, peut-on raisonnablement penser que notre pays, ainsi placé à la croisée des chemins s'agissant de l'avenir du FRR, puisse faire un choix autre que celui de l'ambition ?


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