François
Fillon maintient sa proposition, formulée dans Le Parisien du 12
septembre, d'inscrire dans le projet législatif de l'UMP, dont il est
chargé, l'alignement des régimes spéciaux de retraite sur le régime général.
Le conseiller politique de Nicolas Sarkozy revendique sa "liberté",
son "franc-parler" et sa marge de manoeuvre vis-à-vis du président
du parti. "C'est la règle du jeu entre nous", a-t-il déclaré
au Monde.
A ceux qui, comme le député villepiniste Jean-Pierre Grand, l'accusent
d'avoir choisi le jour de la manifestation des employés de GDF, il répond
: "Ceux qui disent que ce n'est pas le moment veulent faire perdurer
une façon de faire de la politique consistant à finasser." A ceux
qui l'incitent à la prudence au nom des intérêts du candidat Sarkozy,
il réplique : "Tout candidat qui donnerait l'impression de maintenir
cette situation inchangée prendrait le risque de l'impopularité." A
la gauche, qui lui reproche "une conception autoritaire du pouvoir",
il lance : "Quel que soit le vainqueur de 2007, il aura ce problème
face à lui." Seule concession : il admet que la méthode pour
parvenir à cet alignement n'était pas "tranchée".
De Washington, où il terminait une visite de quatre jours aux Etats-Unis,
M. Sarkozy a plaidé pour la "liberté du débat" au sein de
l'UMP, qui s'illustre en ce moment dans le débat sur la privatisation de
Gaz de France. Dès la parution des propos de M. Fillon, les conseillers
du président de l'UMP restés à Paris ont mis au point la stratégie de
"déminage". 1. - Ne pas désavouer l'ancien ministre des
affaires sociales, qui a su mener à bien l'allongement des cotisations de
retraite dans la fonction publique en 2003 ; 2. - Démentir l'idée que
tout serait déjà tranché, sans passer par le dialogue social. 3. -
Laisser une marge de manoeuvre à M. Sarkozy, qui doit valider le
programme de son parti pour le soumettre à un vote du conseil national le
16 novembre.
Un peu plus tard, les porte-parole de l'UMP, les députés Luc-Marie
Chatel et Valérie Pecresse, ont expliqué qu'il s'agissait d'une
"position personnelle". Yves Jégo et Patrick Devedjian ont eux
choisi de soutenir M. Fillon.
Bernard Accoyer, président du groupe UMP à l'Assemblée, a appelé ses
troupes "à ne pas se tromper de combat". Quant au ministre délégué
au budget, Jean-François Copé, il a prôné la "concertation",
ajoutant prudemment sur LCI. "Ce n'est pas inintéressant d'avoir ce
type de projet pour l'avenir."
Mais la plupart des parlementaires ne se posaient qu'une question : "Qu'est-ce
qui prend à Fillon de dire des conneries pareilles en ce moment ?"
Dans l'entourage de M. Sarkozy, certains députés y ont vu, pour M.
Fillon, une manière de prendre le dessus, au nom de la
"rupture", sur Jean-Louis Borloo, que certains présentent comme
son rival pour Matignon en cas de victoire de M. Sarkozy en 2007.
Cette idée de remise à plat des régimes spéciaux n'est pas nouvelle, même
si M. Sarkozy n'avait touché aux droits acquis des salariés d'EDF-GDF,
pour mieux faire accepter l'ouverture du capital des deux entreprises décidée
en 2004. Le 2 septembre, M. Fillon avait déjà exprimé sa volonté d'en
finir avec ce qu'il considère comme une anomalie. Auparavant, cette
mesure avait figuré dans les conclusions d'une convention de l'UMP sur le
travail, au nom de l'"équité". Depuis, plusieurs études
qualitatives ont renforcé cette volonté de la droite de mettre un terme
à ce que les électeurs de droite considèrent comme une
"injustice".
Mais la concomitance de la parution de l'entretien de M. Fillon -
recueilli le 6 septembre - avec le débat à risque sur la privatisation
de GDF a réveillé de mauvais souvenirs à droite. En voulant réformer
les retraites à la SNCF, en 1995, Alain Juppé avait mis la France dans
la rue et les députés aux abois. Ce qui rappelle de bons souvenirs aux
syndicats : "Je me souviens avoir mené des batailles importantes à
deux reprises sur la question des retraites en 1995 et en 2003, a déclaré
le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault. S'il faut d'autres
batailles, nous y serons prêts."