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Londres est sommé d'indemniser les victimes des fonds de
pension
Par Jean-Pierre Langelier, Le Monde
Royaume-Uni
16
mars 2006
Le gouvernement britannique a mal informé les employés sur les risques présentés par leurs fonds de pension et il doit, en conséquence, rembourser les sommes perdues - environ 7,2 milliards d'euros - par quelque 85 000 d'entre eux lors de la faillite de leur entreprise. Ce verdict et cette injonction résument les conclusions d'un rapport, particulièrement sévère pour l'administration, rédigé par la médiatrice parlementaire Ann Abraham et publié mercredi 15 mars.
Cette personnalité indépendante avait lancé son enquête en 2004 après avoir reçu plus de 200 séries de plaintes provenant des salariés ayant perdu tout ou partie de leur retraite entre 1997 et 2005 après le naufrage des fonds d'entreprise auxquels ils avaient souscrit en toute confiance.
La responsabilité du gouvernement, estime la médiatrice, est gravement engagée. Elle lui reproche d'avoir, notamment dans ses brochures, fourni des informations "parfois imprécises, souvent incomplètes, largement incohérentes et par conséquent potentiellement trompeuses". Il s'agit là, tranche Ann Abraham, d'un cas de "mauvaise gestion et d'injustice".
Plus de 400 fonds de pension privés ont sombré depuis huit ans. A la suite des faillites, la plupart des plaintes exigeaient "un versement minimum" - une innovation introduite en 1995 pour rendre, en théorie, les fonds plus sûrs. Il s'agit de la somme minimale que les entreprises étaient obligées de verser dans les fonds de pension pour les rendre viables. Cette précaution n'équivalait pas à une garantie absolue de sécurité. Peut-être, ont argué les plaignants, mais le gouvernement nous a induits en erreur en nous faisant croire l'inverse.
Dans son rapport, la médiatrice donne raison aux salariés. Documentation officielle à l'appui, elle souligne que l'administration les a trompés par ses fausses assertions, ses imprécisions et ses omissions. Elle montre que l'information gouvernementale a varié, au fil des ans, devenant de moins en moins affirmative sur les garanties de survie des fonds en question.
COMMISSION PARLEMENTAIRE
Le gouvernement, qui a rejeté les conclusions du rapport, ne s'estime en rien responsable et dit ne pas avoir l'intention d'indemniser les salariés lésés. Mercredi aux Communes, le premier ministre, Tony Blair, a rejeté l'idée d'un remboursement par l'Etat qui, selon lui, "créerait un extraordinaire précédent financier". Le ministre de l'emploi et des retraites, John Hutton, a affirmé que les brochures gouvernementales étaient "absolument exactes". Son secrétaire d'Etat, Stephen Timms, a ajouté : "Affirmer que c'est au contribuable d'essuyer ces pertes défie la logique. La responsabilité en revient aux entreprises."
Le rapport de la médiatrice n'a aucune force contraignante. Mais une commission parlementaire ouvrira une enquête sur cette affaire et demandera des explications au gouvernement. Deux syndicats ont, en outre, saisi la Cour européenne de justice.
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