François
Fillon ne veut "aucune mesure de durcissement du crédit"
Par Henri de Bresson,
Eric Le Boucher et Philippe Ridet, Le Monde
France
21 août 2007
Quel effet aura la crise financière sur l'économie française ?
C'est une crise qui part des Etats-Unis mais qui a un impact mondial, compte tenu des interactions du système financier. Jusqu'à présent, elle a été plutôt bien gérée par les autorités de régulation, en premier lieu la Federal Reserve américaine et la Banque centrale européenne, et il semble qu'elles soient parvenues à enrayer les baisses. Mais il peut y avoir d'autres turbulences.
Il ne faut pas que cette crise provoque un doute sur nos capacités de croissance. Concrètement, deux menaces doivent être écartées. D'abord sur le financement des PME. Je réunirai avec la ministre de l'économie, la semaine prochaine, les responsables des banques pour veiller à ce que les petites entreprises ne soient pas pénalisées par les risques inconsidérés pris par le système financier.
Les banques ne doivent prendre aucune mesure de durcissement du crédit.
Ensuite, deuxième menace, celle des écarts monétaires. J'attends à ce sujet les futures décisions de la BCE, en soulignant combien l'inflation est à un niveau particulièrement bas en Europe.
Le président de la République a demandé une discussion au G7 sur la transparence financière. Qu'est-ce que cela veut dire ?
Cette crise a montré qu'il y avait besoin de plus de transparence sur les risques encourus par les investisseurs et sur l'exposition des institutions financières à ces risques. C'est pourquoi Nicolas Sarkozy a écrit à ce sujet à Angela Merkel, qui préside le G7. Il faut la transparence dans l'information sur les risques pris par les différents acteurs.
Dans cette crise, des risques sont pris par des institutions américaines et sont assumés par des banques françaises ou européennes sans qu'à aucun moment leurs actionnaires comme leurs partenaires ne soient informés précisément de leur teneur.
Concrètement, il faut que les agences de notation soient soumises à des règles plus strictes. Et, plus globalement, que le système financier soit soumis à des obligations de transparence plus sévères. Sans transparence, pas de confiance, et donc pas d'efficacité.
La croissance française a nettement ralenti au deuxième trimestre. Elle est inférieure aux prévisions. Qu'allez-vous faire pour la relancer ?
Que la croissance soit insuffisante en France, c'était le constat de base de tout notre programme économique et social ! Les chiffres du deuxième trimestre ne font que confirmer notre diagnostic : cette faiblesse est due à une insuffisance de compétitivité des entreprises françaises.
C'est pourquoi le premier élément de relance a été la libération du travail : les heures supplémentaires seront défiscalisées et exonérées de charges dès le mois d'octobre.
Deuxièmement, dès juin, nous avons demandé aux partenaires sociaux d'engager des négociations sur la modernisation du marché du travail et la sécurisation des parcours professionnels. C'est le débat sur le contrat de travail, sur la fusion ANPE-Unedic. On attend les résultats de leurs discussions, et des décisions seront prises avant la fin de l'année.
Ensuite, il y aura les décisions sur le financement des PME, puis sur l'innovation. Dans les prochains jours, nous annoncerons une réforme radicale du crédit impôt recherche pour que 100 % des dépenses de recherche soient prises en compte. Parallèlement, on va créer le statut de "jeune entreprise universitaire", fusionner [les agences d'aides aux entreprises] Oseo et A2I, et, enfin, ratifier l'accord de Londres sur les brevets.
Les mauvaises nouvelles économiques de l'été ne modifient-elles pas vos priorités ?
Globalement, les fondamentaux de l'économie française sont bons : la consommation tient bien, l'inflation est basse, le moral des entreprises et des ménages est très bon. Selon les sondages, le niveau d'appréciation de notre politique par les Français est élevé.
Notre faiblesse, c'est la compétitivité, l'investissement et le niveau de l'euro, qui handicape davantage nos types d'activité que ceux de nos voisins allemands. D'où notre programme. Il est lourd, il demande parfois des négociations sociales qui prennent du temps.
Mais le calendrier de travail qui sera précisé, vendredi, au conseil des ministres, comprendra les réformes structurelles nécessaires pour améliorer la compétitivité.
Les franchises de santé, la fusion ANPE-Unedic, les retraites : tous ces sujets sont désormais en phase active. S'y ajouteront les mesures issues de la révision générale des politiques publiques, et celles du rapport demandé à Jacques Attali sur la levée des obstacles qui engourdissent la croissance.
Concernant la défiscalisation des emprunts immobiliers, le Conseil constitutionnel a limité sa portée à l'après-6 mai, contrairement à la promesse de M. Sarkozy. Comment surmonter cet obstacle ?
C'est un engagement de la campagne et je reste convaincu que la crise de confiance des Français envers la politique exige, tout en respectant la décision du Conseil constitutionnel, d'y être le plus fidèle possible.
La portée de la mesure sera limitée à l'après-6 mai, on ne peut faire autrement mais, dès vendredi, MmeLagarde proposera un dispositif complémentaire qui élargira les incitations pour les acquéreurs d'un logement. Elles seront d'un coût équivalent.
En renonçant à contourner la censure du Conseil constitutionnel, vous vous exposez aux reproches des "promesses non tenues"…
Ce n'est pas de notre fait. C'est le Conseil constitutionnel qui nous l'interdit.
Si je devais faire le bilan de ces cent jours, je n'ai pas à rougir. En trois mois, mon gouvernement a fait voter une loi sur le service minimum, une sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat comprenant notamment la défiscalisation des heures supplémentaires et des successions, deux textes sur la récidive, la réforme de l'université… sans oublier une réforme de l'immigration qui sera discutée à l'ouverture de la session parlementaire le 18 septembre.
En termes d'engagements tenus, je suis prêt à soutenir la comparaison avec bien des gouvernements.
L'assombrissement du paysage économique et les critiques de la gauche vous font-il craindre une rentrée sociale plus dure que prévue ?
Ce que les Français attendent de nous, c'est que nous tenions nos engagements. C'est ce que nous allons faire. L'empressement du premier secrétaire du Parti socialiste à attaquer la politique gouvernementale est davantage lié aux objectifs internes du PS qu'à un jugement de fond.
En expliquant que les projets du gouvernement n'ont aucun impact sur la croissance – alors même qu'ils n'étaient pas encore entrés en vigueur –, M. Hollande n'a pas fait preuve d'une grande rigueur d'analyse. Je ne sens pas les Français prêts à entendre ce discours.
La réduction prévisible de la croissance pose un problème pour le budget, calculé sur une base de croissance de 2,25% en 2007 et 2,5% pour 2008. Est-ce que vous allez devoir prendre des mesures d'austérité supplémentaires ?
L'objectif de 2,25% reste un objectif atteignable en 2007 et celui de 2,5% l'est pour 2008 avec les mesures qui vont prendre effet à l'automne. On ne peut pas gouverner une économie complexe comme l'économie française en ayant les yeux rivés sur des statistiques trimestrielles qui sont souvent révisées à la hausse ou à la baisse par leurs propres auteurs.
Vous insistez sur le moral. Est-ce que les troubles financiers de l'été, les mauvais chiffres d'emploi et de croissance ne risquent pas de mettre en cause vos calculs en suscitant des inquiétudes, et de compliquer les négociations attendues à la rentrée avec les syndicats ?
Les chefs d'entreprise que nous consultons ces derniers jours sont très optimistes. Je vois un énorme décalage entre une certaine morosité des commentaires et la réalité du moral des entreprises et des ménages français. Ce n'est pas un élément suffisant pour résoudre nos problèmes économiques, mais ça l'est pour espérer une croissance plus forte pour les deux derniers trimestres.
Vous estimez être sur la même longueur d'onde que la chancelière Angela Merkel face aux tensions de ces dernières semaines sur les marchés, mais elle s'est néanmoins opposée à la demande du président Sarkozy d'un sommet extraordinaire des pays du G7 ?
C'est une différence d'appréciation sur la méthode. Mme Merkel a elle-même évoqué la question de la transparence des marchés financiers à l'occasion de la dernière réunion du G7. Les contacts que nous avons pu avoir avec le gouvernement allemand montrent qu'on a une parfaite identité de vue sur l'objectif, comme avec d'autres dirigeants européens.
J'ai profité de mes vacances pour évoquer cette question avec Romano Prodi. La chancelière estime qu'il n'est pas nécessaire de réunir le G7, ce que Nicolas Sarkozy n'a d'ailleurs pas demandé lui-même.
L'important, pour nous, c'est qu'on engage le travail. Personne n'a émis de doute sur le bien-fondé des réformes proposées par Nicolas Sarkozy.
Sauf les Anglo-Saxons. Or, c'est chez eux qu'il y a les problèmes. Comment exiger qu'ils prennent des mesures ?
C'est aux Etats-Unis que la situation est la plus difficile. Il faudra s'employer à les convaincre.
Le refus de convoquer le G7 s'ajoute aux tensions sur EADS, aux critiques de la politique budgétaire française, aux déclarations françaises sur la BCE. Cela fait beaucoup de divergences avec Berlin ?
Avant, on évacuait les sujets qui fâchent, aujourd'hui, on en discute. Cela rend les choses plus explicites, mais cela permet de trouver des solutions.
On a trouvé pour EADS des solutions qu'on n'avait pas pu trouver auparavant. Les discussions sont animées mais elles débouchent sur des accords, des avancées, même si ces avancées sont le fruit de compromis.
Est-ce que ces incertitudes financières ne vont pas renforcer les inquiétudes des Européens sur votre capacité à tenir l'engagement de la France de parvenir à l'équilibre budgétaire en 2010 ?
On a pris l'engagement de tout entreprendre pour tenir l'équilibre à l'horizon fixé et on fera tout pour y arriver.
Est-ce qu'on pourra sérieusement commencer la discussion sur la gouvernance économique tant qu'on n'aura pas résolu ce problème ?
On doit pouvoir conduire les deux en même temps. Certains aspects de la situation des finances publiques françaises, qui sont les principaux, sont de notre responsabilité. Ils tiennent à notre incapacité à engager les réformes structurelles dont nous avons besoin. Mais d'autres tiennent à une croissance européenne insuffisante.
Nous avons le devoir de faire notre partie du travail sur la santé, les régimes de retraite, l'efficacité des politiques publiques, sur les effectifs de la fonction publique. C'est notre responsabilité. Nous l'assumons. Simplement, nous sommes à un moment où il faut tout faire en même temps, parce qu'il y a eu beaucoup de retard de pris.
L'Allemagne a eu la chance de disposer d'un consensus politique et social plus grand. Nous ne l'avons pas et c'est une vraie difficulté. Elle nous oblige à avancer de façon plus heurtée, avec des résistances plus fortes.
J'attends beaucoup des négociations sociales qui sont engagées. Le fait que les partenaires sociaux soient vraiment engagés dans la négociation sur la modernisation du marché du travail et la sécurisation des parcours professionnels est déjà très encourageant.
Vous avez marqué vos débuts dans la fonction par une sorte d'"absence médiatique". Allez-vous changer ?
Je n'ai pas l'intention de modifier mon mode de fonctionnement, même si la rentrée parlementaire va nous faire revenir à une situation normale, d'un Parlement qui siège en session ordinaire, ce qui n'était pas arrivé depuis six mois.
Je l'ai dit et le répète : le président de la République porte la politique, et moi je la mets en œuvre. Je ne suis pas engagé dans une compétition médiatique avec lui.
Cela se traduit d'une manière très simple. Lundi, il y a eu trois réunions ministérielles à l'Elysée. Chacune des trois a été préparée la veille à Matignon par moi-même.
Ma responsabilité, c'est de préparer, mettre en œuvre et coordonner les décisions du président de la République. Je ne m'inscris pas dans le schéma d'une dualité du pouvoir, que j'ai par ailleurs suffisamment critiquée par le passé.
Les vacances américaines de Nicolas Sarkozy n'ont-elles pas été trop luxueuses pour un chef d'Etat ?
Dans ce qu'on appelle "l'exception française", ce qui était positif, c'était l'attitude de la presse à l'égard de la vie privée des politiques. Cette exception mérite d'être défendue. Les vacances du président de la République, c'est sa vie privée, comme les vôtres ou les miennes.
Les Français ont le droit de savoir qui paye les vacances du président…
N'importe qui a le droit d'être invité par ses amis.
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