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La fin des retraites

Par Eric Le Boucher, slate.fr


29 Juin 2009 

 

France

 

 

Il ne faut pas se voiler la face: la France ne pourra pas échapper aux lois de la démographie.


Chacun l'a compris depuis longtemps pour son cas personnel: on goûtera de moins en moins à la retraite. Plus de pensionnés, moins de cotisants: la loi de la démographie est dure, mais c'est la loi. Elle va encore frapper, cette loi, et condamner la France à réformer, à nouveau, son système de retraite. Il n'y a aucun moyen d'y échapper.

 

Le président de la République a rouvert le dossier lors de son discours de Versailles; il confirmait un ballon d'essai lancé par Brice Hortefeux, précédemment ministre des affaires Sociales, qui avait évoqué de retarder de 60 à 67 ans l'âge légal du départ. François Fillon a ensuite précisé qu'«un grand débat» serait ouvert à la mi-2010.


La France adore les grands débats. Sur les retraites, le premier date de 1991 avec la publication d'un Livre blanc demandé par le Premier ministre Michel Rocard. Les premières réformes ont été engagées ensuite en 1993, puis renforcées en 2003 et enfin en 2007 pour les régimes spéciaux. Mais cela ne suffit toujours pas.

 

Le Conseil d'Orientation des retraites (COR), l'OCDE, ou bien encore la Commission européenne arrivent à la même conclusion: la sortie du marché du travail des grosses générations du baby-boom conjuguée avec l'allongement de la durée moyenne de vie conduit à une dégradation mathématique.

 

Un gros poids sur les épaules des jeunes:


Ah mais la crise! Pourquoi faut-il garder les seniors au travail alors que les jeunes n'en trouvent pas? N'est-ce pas le moment, avec le chômage qui remonte, de faire le contraire ? D'ailleurs, les entreprises l'ont compris; pour abaisser leurs coûts, elles multiplient les départs en pré-retraite, financés le plus souvent par l'Etat. Est-ce bien cohérent?


La crise passera, la démographie restera. Le ratio qu'il faut avoir en tête est celui du nombre de «plus de 65 ans» divisé par la population en âge de travailler «entre 15 et 64 ans». Ce ratio est de 25% dans l'Union européenne, il va passer à 53% en 2060.


En clair, il y a quatre «travailleurs» pour financer un retraité, il n'y en aura plus que deux dans cinquante ans. C'est trop peser sur leurs épaules, aucun «contrat entre générations» n'y résistera.


Sans doute peut-on moduler un peu les lois démographiques, celles-ci reposent quand même sur des hypothèses. La fertilité des femmes, par exemple. Elle doit augmenter de 1,52 enfant par femme en moyenne aujourd'hui (1,85 en France) à 1,64 en 2060, selon Bruxelles. Peut être va-t-elle s'améliorer plus et plus vite. La durée de vie, ensuite. Les hommes vont gagner 8 ans et demi d'espérance de vie d'ici à 2060 pour une durée moyenne de vie qui montera à 84 ans et demi. Les femmes 6,9 ans pour une durée de 89 ans. Peut-être cette progression ralentira-t-elle. L'immigration enfin. Elle devrait reculer: de 1,680 million par an, le nombre d'entrants dans l'Union devrait revenir selon les modèles à 980.000 en 2020 et 800.000 en 2060. Peut être que les portes s'ouvriront plus largement, pour aider au financement des retraites justement. Mais au total, toutes les hypothèses passées en revue, le constat reste le même: il faut réviser le système.


Pénibilité, temps partiel, divorces... les véritables enjeux du débat:


C'est le côté cocasse de la crise que d'avoir plombé les systèmes par «capitalisation», où chacun met de côté son propre argent pour ses vieux jours (à l'inverse du système par «répartition» où l'argent du cotisant sert à payer immédiatement la pension des retraités). L'OCDE a calculé que la chute des cours de bourse a forcé à baisser les pensions de 23% dans les pays où ce système prédomine. Les plus frappés ont été les Etats-Unis, l'Irlande et l'Australie.


Mais les systèmes privés de retraites complémentaires ont perdu aussi 10% en Allemagne ou au Mexique. D'une certaine façon la crise met fin à la guerre idéologique entre la répartition et la capitalisation, entre le socialisme et le libéralisme, entre la gauche et la droite. La répartition l'emporte, du moins pour le régime de base.


Mais cette victoire est toute relative. Car si la crise a torpillé les systèmes par capitalisation, la démographie limite les systèmes par répartition. Elle force à baisser les pensions. En vérité, pour les maintenir, il faudrait pouvoir maintenir le ratio retraités/cotisants ce qui imposerait d'augmenter beaucoup la durée de cotisation et/ou de retarder le départ en retraite. C'est impossible et le Conseil d'Orientation des Retraites a démontré que tous les pays ont utilisé, en conséquence, les trois issues disponibles à la fois: revoir la durée, retarder l'âge et de départ et abaisser les pensions.


Le «grand débat» ne porte donc pas sur l'âge de départ à la retraite: fixé à 60 ans en 1982, il devra forcément bouger, au delà de 65 ans sans doute. Ni même sur l'allongement de la durée de cotisation jusque cet âge. Mais il devrait porter sur d'autres aspects négligés dans les précédentes réformes.


D'abord: l'uniformisation. Faut-il mettre fin aux multiples régimes créés après la Guerre et soumettre tout le monde au régime unique, ou pas? La question n'est pas si simple. Moralement, les «boulots pénibles», comme dans les mines ou à la SNCF, méritent un départ anticipé. Mais lesquels le sont encore vraiment? En revanche, les femmes qui ont dû travailler souvent à temps partiel et qui sont très appauvries lors des divorces de plus en plus fréquents, se retrouvent à la retraite dans des conditions de précarité. Il faudrait que le système de décote (par rapport à la durée de cotisation normale) soit revu en leur faveur.

 

Modèle suédois, modèle allemand:


Ensuite, comment pérenniser le système? Avec trois sous-questions. 1) Peut-on sortir des réformes permanentes? 2) Ne peut-on imaginer des retraites «à la carte» qui laissent une grande liberté de choix, organise la souplesse (aller-retour, cumuls emploi-retraite...)? A la condition, bien entendu, de savoir très à l'avance les conséquences de ses choix. 3) Ne faut-il pas copier les Suédois qui ont indexé les pensions non sur les salaires ou sur les prix mais sur la croissance économique et l'évolution démographique. Plus celles-ci sont fortes et favorables, plus les recettes sont grandes pour payer les pensions, et inversement, de telle sorte que le système s'équilibre naturellement. En outre, chaque Suédois gagne des «points» dans son travail, ce qui laisse à chacun la liberté de choisir son départ en fonction des points acquis. Les Allemands ont depuis 1957 un dispositif semblable.


Le grand débat de 2010 nous sortira-t-il du même film sans cesse présenté depuis 1991 du «pourquoi faut-il travailler plus longtemps?», «Pourquoi faut-il encore retarder l'âge de départ?»?. Hélas! ces questions là sont tranchées. En revanche, réintroduire de la souplesse, de la prédiction et de l'intelligence dans un système national de répartition: voilà le vrai débat.


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