Polémique sur le
système de retraites des
"mandarins" de l'hôpital
Le Monde
28 Mars 2012
France
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"Nous ne sommes
pas des stars, simplement des serviteurs de la
nation." Frédéric Bargy,
président du Syndicat national des
médecins hospitalo-universitaires (SNPHU),
n'a guère apprécié le "ton
polémique" de l'article paru mardi 27 mars
dans Le Parisien [lien abonnés].
Le quotidien, qui relaie les
révélations du Livre noir des
médecins stars de la journaliste Odile
Plichon (Editions Stock), assure que "l'hiver
dernier, dans la plus grande discrétion,
Xavier Bertrand, le ministre de la santé, a
négocié [...] un accord conclu en
janvier [qui] prévoit pour ces PU-PH
[professeur des universités - praticien
hospitalier] jusqu'à... 30 % de
revalorisation de leurs pensions en fin de
carrière". "Une réforme des
retraites secrètes pour les stars de la
médecine", titre Le Parisien, qui a
calculé que si leur retraite est en moyenne
de 4 400 euros aujourd'hui, elle pourrait
atteindre 5 700 euros mensuels avec cette nouvelle
mesure.
"Il ne s'agit pas d'une réforme, mais d'un
ajustement budgétaire", explique M. Bargy,
par ailleurs spécialiste en chirurgie
pédiatrique au sein du groupe hospitalier
Saint-Vincent-de-Paul-Cochin, à Paris.
"L'accord principal date en effet de 2007 et
était déjà destiné
à compenser le fait que les
hospitalo-universitaires n'avaient de retraites
que sur leurs émoluments universitaires",
ajoute-t-il.
Il s'agit en effet du décret relatif
à "la participation des
établissements de santé à la
constitution de droits à la retraite au
bénéfice des personnels enseignants
et hospitaliers", publié le 5 avril 2007.
Celui-ci prévoit que les
établissements publics de santé
participent à la constitution de droits
à la retraite des PU-PH à hauteur de
5 % des émoluments hospitaliers bruts
annuels dans une limite maximale de 2 000 euros.
Cela signifie pour simplifier que si un
médecin hospitalo-universitaire
épargne 2 000 euros pour sa retraite, son
établissement participe lui aussi à
hauteur de 2 000 euros.
"UN VRAI SOUCI DE
TRANSPARENCE"
Interrogé par Le Parisien, le professeur
Roland Rymer, président du Syndicat
national des médecins, chirurgiens,
spécialistes et biologistes des
hôpitaux publics (SNAM-HPK), précise
: en 2007, cette mesure "a introduit une sorte de
retraite à points : la cotisation
volontaire du médecin était
abondée par l'hôpital. Dans le nouvel
accord signé cet hiver, le plafond de
cotisation a été supprimé, ce
qui rend le système plus intéressant
encore." "Les bases étaient posées
en 2007, explique-t-il au Monde.fr, mais ça
n'allait pas loin, ce dont le ministère
avait convenu. Or, nous étions la seule
profession en France ayant une retraite
calculée sur la moitié des revenus."
L'arrêté, qui n'a pas encore
été publié au Journal
officiel mais dont le projet est disponible en
ligne, modifie en effet plusieurs points de celui
de 2007. Le montant de la participation de
l'hôpital passe à 9 % des
émoluments hospitaliers, à
l'exception des titulaires exerçant une
activité privée avec des
dépassements d'honoraires, qui restent
à 5 %. En outre, le plafond des cotisations
disparaît. M. Bargy explique pour sa part
que celui-ci n'est pas supprimé, mais qu'il
remonte.
Pour Odile Plichon, cette réforme pose
plusieurs problèmes. "Il y a d'abord un
vrai souci de transparence, explique-t-elle. Avant
de négocier cette mesure dans le plus grand
secret, Xavier Bertrand a commandé un
rapport à l'IGAS sur la question des
retraites des PU-PH. Ce rapport n'a jamais
été rendu public. Et aujourd'hui, il
faut chercher dans les annexes de l'accord-cadre
sur l'exercice médical pour trouver le
projet d'arrêté revalorisant les
retraites de ces médecins."
Par ailleurs, souligne-t-elle, "cette
revalorisation va à contre-courant de tout
ce qui a été fait sous le
quinquennat de Nicolas Sarkozy au niveau des
retraites. Comme il n'est juridiquement pas
possible d'accorder aux PU-PH deux retraites
d'Etat, le gouvernement a trouvé une astuce
en créant ce système de retraite
surcomplémentaire." Et la journaliste de
s'étonner : "Ne s'agit-il pas là
pour M. Bertrand d'opérer une
reconquête de l'électorat de ces
médecins influents après la
période de désamour qu'ils ont connu
sous l'ère Bachelot ?"
Des arguments balayés par M. Bargy, pour
qui cette communication a minima est
justifiée. "C'est une mesure annexe et
banale. Et ça n'a rien d'un immense
privilège, dans la mesure où nous
n'avions pas avant de retraite sur nos
émoluments hospitaliers. Qui plus est,
ça ne grève pas le système de
retraite par répartition. Quant à
l'argument électoraliste, croyez-moi, les
politiques ne sont pas à 5 000 voix
près."
IL EXISTAIT DES
AVANTAGES COMPENSATOIRES
Des serviteurs qui se sont vu accorder ces
dernières décennies d'autres
avantages pour compenser cette absence de
retraite, de la possibilité d'exercer une
activité privée à
l'hôpital à la création du
système de consultanat - un système
qui permet au PU-PH qui en fait la demande de
prolonger son activité pendant trois ans
après son départ en retraite. Contre
l'exercice de "mission transversale", le
médecin garde son statut de PU-PH et la
rémunération qui va avec.
Contacté, le ministère de la
santé explique que "l'arrêté
ne concerne que le régime des retraites
complémentaires" et ajoute "qu'il
s'agissait ici de donner un signal clair à
la communauté hospitalière en
maintenant le caractère attractif des
carrières à l'hôpital".
La question de la retraite des professeurs
hospitalo-universitaires est un vieux
débat. Dans l'ouvrage de Mme Plichon, le
professeur Rymer date les premières
revendications à l'année 1978. En
2005 dans Le Monde, les responsables de la
"coordination nationale des médecins
hospitalo-universitaires" estimaient que l'urgence
était d'obtenir pour eux une retraite digne
de ce nom, même s'ils reconnaissaient que
leur dossier "n'est pas de nature à faire
pleurer dans les chaumières".
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