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L'accumulation des défaillances met en danger les retraites de centaines de milliers de salaries
Le
Monde
10
octobre 2005
La faillite de Delphi, qui arrive après celles de Northwest Airlines et Delta Air Lines (Le Monde du 16 septembre), va encore aggraver la situation financière déjà délicate du Pension Benefit Guaranty Corp (PBGC). Cet organisme public garantit les fonds de pension dits "définis", grâce auxquels les titulaires bénéficient d'une retraite mensuelle fixe dont le versement est financé par leur entreprise.
Il existe 31 000 fonds "définis" aux Etats-Unis, dont 44 millions d'actuels et futurs retraités du privé bénéficient, essentiellement dans les industries traditionnelles comme l'automobile, le transport aérien, la sidérurgie, le pétrole, la pharmacie, les télécommunications... Les chèques qu'ils reçoivent représentent 124 milliards de dollars par an (102 milliards d'euros). A condition que leurs entreprises puissent les payer.
Les déficits additionnés des fonds de pension de Delphi, Northwest et Delta représentent plus de 20 milliards de dollars. En 2004, le PBGC avait repris à sa charge 192 fonds de pension contre 155 en 2003. Son excédent de 9,7 milliards de dollars en 2000 s'est transformé en un déficit de 23,3 milliards lors du dernier exercice, conclu le 30 septembre 2004. Il dispose de 39 milliards de dollars de réserves pour faire face à des engagements de 62,3 milliards qui ne cessent d'augmenter avec les difficultés de l'industrie américaine. L'agence assure aujourd'hui le paiement des retraites de plus d'un million de personnes, dont les anciens employés de LTV Steel, Bethlehem Steel, TWA, Pan Am, Eastern Airlines, USAirways ou United Airlines.
"L'agence fédérale est virtuellement en faillite" , estime Douglas Elliott, président du Center on Federal Financial Institutions (Centre sur les institutions financières fédérales), un think tank (groupe de réflexion) non partisan de Washington. Selon le rapport annuel du PBGC, à la fin de 2003, le déficit de financement des fonds atteignait 353,7 milliards de dollars et a augmenté de 74,7 milliards, soit 27 % en un an. Et cette étude ne prend en compte que 1 108 fonds dont le trou est supérieur à 50 millions de dollars. En fait, le déficit pourrait dépasser 450 milliards de dollars.
Créé en 1974, le PBGC se substitue aux entreprises quand elles sont insolvables. Il paye au maximum 45 614 dollars par an aux salariés ayant pris leur retraite à 65 ans. Il est financé par les entreprises, mais sa solidité financière est assurée au final par l'Etat fédéral, et cela pourrait lui coûter cher.
Selon M. Elliott, pour permettre dans la situation actuelle de payer les retraites au cours des prochaines décennies, le PBGC a besoin de 92 milliards de dollars, une somme qui ne cessera d'augmenter si elle n'est pas apportée aujourd'hui et si les entreprises continuent à faire faillite au même rythme.
PROJET DE LOI REPORTÉ
L'administration Bush a proposé d'augmenter les cotisations annuelles de 19 dollars, à 30 dollars par personne. Mais le bureau du budget estime qu'il faudrait les porter à 130 dollars pour effacer le déficit. Les parlementaires s'étaient emparés du problème, et le Congrès devait voter avant la fin 2005 une loi qui à la fois augmentait les cotisations et contraignait les entreprises à en faire plus pour renflouer leurs fonds de pension.
"Si ces mesures sont adoptées, elles ramèneront les besoins de financement de 92 à 50 milliards" , estime M. Elliott. Le texte devait être discuté dans les prochaines semaines, mais le gouvernement et le Congrès ont maintenant d'autres priorités avec l'ouragan Katrina et les nominations à la Cour suprême. Les parlementaires ne devraient pas s'occuper des difficultés du fonds de garantie avant 2006.
Le gonflement du déficit budgétaire est un autre argument pour attendre des jours meilleurs avant de venir en aide au PBGC. L'administration et le Parti républicain veulent absolument éviter de solliciter l'argent du contribuable avant les élections de mi-mandat, à la fin 2006. Mais, au final, il sera difficile d'y échapper.
Obliger les entreprises à financer leurs fonds revient à accélérer les défauts de paiements et à augmenter la charge revenant au PBGC. Certaines en sont incapables, notamment dans l'automobile et le transport aérien, et elles ont toutes un intérêt à ce que l'Etat se porte au secours du fonds. Mais si les pouvoirs publics le financent généreusement, de nombreuses sociétés seront tentées d'abandonner encore plus vite leurs obligations par facilité ou pour rester compétitives face à des concurrents qui l'ont déjà fait.
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