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Grâce à Internet, les Américains s'approvisionnent au Canada By Yves Mamou, Le Monde La province du Manitoba (Canada) est une épine
plantée dans le flanc du gardien de la santé de la population américaine,
la Food and Drug Administration (FDA, l'agence de contrôle des aliments
et des médicaments). Facilités fiscales ? Aides à la création d'emploi
? Peu importe, le Manitoba abrite 62 pharmacies en ligne sur les 140 que
compte le Canada. Elles ont toutes le même objectif : fournir aux Américains
des médicaments dont les prix sont inférieurs de 20 % à 50 % à ceux
pratiqués aux Etats-Unis. Contrairement à ce qui se passe en Europe, les
laboratoires fixent librement leurs prix aux Etats-Unis. Le coût des médicaments
y est très élevé. Avec 226 salariés et un chiffre d'affaires
d'environ 100 millions de dollars canadiens (61 millions d'euros) en 2003,
Mediplan Health Consulting est l'une des plus grosses pharmacies en ligne.
Installée depuis 1999 dans le Manitoba, Mediplan réalise aujourd'hui
" 99 % de son chiffre d'affaires" avec les Etats-Unis, indique
Elliot Cameron, directeur adjoint des ventes et du marketing. Un
"business" fort profitable à en juger par les photos que le
Winnipeg Free Press a publiées, courant décembre 2003, sur la nouvelle décoration
de la maison de 220 m2 du fondateur, Mark Rzepka. Si les officines en ligne canadiennes affichent
des taux de croissance à deux chiffres, c'est qu'elles fondent leur
activité sur des régimes de fixation des prix des médicaments différents
selon qu'on se situe d'un côté ou de l'autre de la frontière. Au
Canada, où les prix sont fixés par une administration, les prix sont
souvent inférieurs de 30 % à 50 % à ceux pratiqués aux Etats-Unis. Le Celebrex, par exemple, qui traite les douleurs
de l'arthrite, est vendu 79 cents le comprimé au Canada, contre 2,2
dollars aux Etats-Unis. Les consommateurs américains sont évidemment
satisfaits des économies que les pharmacies en ligne canadiennes leur
permettent de réaliser. La vente de médicaments au-delà de la frontière
est-elle légale ? "Techniquement, notre activité est illégale",
reconnaît M. Cameron. Mais jusqu'à ces derniers mois, la FDA ne "dit
rien" dans la mesure "où nous fournissons un service
parfaitement individualisé". Mediplan ne travaille en effet que sur
les ordonnances envoyées par fax ou par courriel par des particuliers. La
FDA préfère pour l'instant s'attaquer aux exportations parallèles en
gros. Elle a ainsi obtenu d'un juge fédéral qu'il ordonne la fermeture
de deux réseaux pharmaceutiques implantés dans plusieurs Etats des
Etats-Unis et qui alimentaient le marché en produits uniquement importés
du Canada. La FDA a également coupé court à la tentative
de la ville de Springfield (Illinois) d'importer des médicaments pour ses
3 000 fonctionnaires et retraités. Non en intervenant directement auprès
des élus de Springfield, mais en convainquant les Canadiens de surseoir -
provisoirement - aux demandes de la ville. La FDA est prudent car, partout, la grogne monte :
une douzaine d'Etats - dont l'Illinois, le Minnesota, le Vermont - de même
que la ville de Boston menacent, face au prix très élevé des médicaments
sur le sol américain, de lancer des programmes d'importation massifs en
provenance du Canada. Si de tels mouvements voyaient le jour, ce
commerce transfrontalier, estimé aujourd'hui entre 700 millions et 1
milliard de dollars, exploserait au point de bouleverser tout l'économie
du secteur. Au-delà des chiffres globaux, il semble que certains laboratoires soient plus touchés que d'autres. Des molécules grand public comme le Sildenafil (Viagra) font l'objet d'un commerce transfrontalier fort intense. Au point que de nombreux sites Internet se sont spécialisés dans la vente de ce produit, sans parler de ceux qui ont commencé à en faire un générique, en toute illégalité. La demande est telle qu'elle pourrait menacer la rentabilité des laboratoires américains. Copyright © 2002
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