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By Claire
Guélaud, Le Monde
Son président, Bertrand Fragonard, a remis son rapport, vendredi 23
janvier, au ministre de la santé. Il souligne l'"urgence d'un
redressement" par l'amélioration de la qualité des soins. Mission accomplie pour Bertrand Fragonard. Le premier ministre avait chargé,
à la mi-octobre, ce magistrat de la Cour des comptes d'établir un
"diagnostic partagé" du système de soins. Le président du
Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie a tenu le pari. Le
rapport qu'il a remis, vendredi 23 janvier,
au ministre de la santé, Jean-François Mattei, engage en effet les 53
membres de cette instance. Les représentants des organisations
syndicales et patronales, des professions de santé, des caisses
nationales d'assurance-maladie, des parlementaires, des associations de
malades, des pouvoirs publics ou des personnalités qualifiées l'ont
approuvé à l'unanimité, ainsi que les vingt notes de synthèse qui
l'accompagnent, intitulées "L'avenir de l'assurance-maladie
: l'urgence d'un redressement par la qualité". Le gouvernement va maintenant passer à une nouvelle phase de la préparation
de la réforme. Le ministre de la santé devrait réunir, début février,
un sommet sur la santé avec tous les acteurs concernés. Puis des groupes
de travail réunissant les partenaires sociaux seront mis en place. Ils
devront remettre leurs conclusions fin mars, a indiqué M.
Raffarin, qui a annoncé, le 12
janvier, lors de ses vœux à la presse, qu'un "texte"
serait soumis au Parlement en juillet. Le premier ministre n'exclut pas de
légiférer par voie d'ordonnances - une procédure jugée
"indispensable" par Jacques Barrot, le président du groupe UMP
de l'Assemblée nationale. M. Mattei dispose désormais
d'une base solide pour sa réforme. M.
Fragonard, ancien directeur de la Caisse nationale
d'assurance-maladie (CNAM), aborde de nombreux sujets
: qualité des soins, rôle des professionnels de santé,
fermetures ou reconversions d'hôpitaux, dépenses et recettes, luttes
contre les gaspillages, comportements à changer. L'essentiel du
diagnostic tient dans cette conviction que la sauvegarde de
l'assurance-maladie passe par un meilleur fonctionnement du système de
soins, que les membres du Haut Conseil jugent "inorganisé". Le gouvernement voit, certes, conforter son désir de réforme. La situation
financière de l'assurance-maladie, dont le déficit frisera 11
milliards d'euros en 2004, est jugée "critique" et le
niveau prévisible du déficit (66 milliards
à l'horizon 2020) en l'absence de réforme qualifié
d'"insupportable". Le Haut Conseil rejette tout recours à un
endettement massif. Il préconise d'améliorer le fonctionnement du système,
d'ajuster les conditions de prise en charge et d'agir sur les recettes, la
principale piste évoquée restant l'élargissement de l'assiette de la
contribution sociale généralisée par un alignement des chômeurs et des
retraités sur les actifs. Cette mesure ferait rentrer 7,5
milliards d'euros dans les caisses. Le Medef reste cependant opposé
à toute augmentation des prélèvements obligatoires
: "Ce serait la meilleure façon de casser la reprise
naissante", a fait valoir en séance, jeudi, Guillaume Sarkozy, qui
n'en a pas moins jugé "bon" le rapport Fragonard. Un effort de maîtrise de l'ensemble des dépenses de santé, et pas
seulement des dépenses prises en charge collectivement, apparaît
indispensable au Haut Conseil, qui "borde" la question du
remboursement. Estimant que la combinaison d'un taux élevé de prise en
charge et d'une gratuité quasi complète en cas de fortes dépenses, quel
que soit le niveau de revenu des assurés, est "au cœur de l'égalité
dans l'accès aux soins", il propose de sauvegarder l'armature de ce
système. "On peut en changer les paramètres mais pas la logique",
insiste-t-il. Les membres de la mission Fragonard sont visiblement satisfaits de leurs
trois mois de travaux. "Le Haut Conseil est parti d'une commande
d'ordre essentiellement financier. Il aboutit à la conclusion qu'il n'y
aura pas de réforme durable sans refonte du système de soins. C'est une
avancée majeure et intéressante", commente Jean-Marie Le Guen, député
(PS) de Paris. Député (UMP) du Morbihan, François Goulard souligne,
comme beaucoup d'autres, "la qualité du travail" de M.
Fragonard, dans la rédaction et dans la conduite des débats.
"Je pensais que nous aurions plus de mal à accoucher d'une position
commune", a-t-il confié. La plupart des participants, notamment M.
Sarkozy (Medef) et les syndicalistes Jean-Louis Deroussen (CFTC) et
Gaby Bonnand (CFDT), étaient dans le même état d'esprit. "Le plus dur reste à faire. Il va nous falloir passer au stade des propositions et essayer d'avancer un socle commun de mesures, sans quoi nous ne serions guère crédibles face à l'Etat", estimait, jeudi, Etienne Caniard. Ce dirigeant de la Mutualité française a participé avec les syndicats à de multiples réunions informelles qui ont, avec le travail en séance, fait évoluer les esprits. "Si le statu quo n'est pas tenable, les solutions à inventer ne feront pas forcément consensus", faisait toutefois remarquer Bernard Thibault, le secrétaire général de la CGT, dans une tribune publiée le 21 janvier par Libération. "Nous attendons la réforme. Ce ne peut pas être un exercice consensuel", souligne comme en écho M. Goulard. "Entre le renforcement des pouvoirs de l'Etat et la responsabilisation des organismes de santé, dont je suis partisan, le gouvernement n'a pas encore tranché", ajoute le député. Il ne le fera pas avant les élections cantonales et régionales du 21 et du 28 mars. Copyright © 2002
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