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By Paul Benkimoun, Le Monde
Un tiers des décès dans le monde sont dus aux maladies cardio-vasculaires. Après avoir été, il y a encore vingt ou trente ans, un problème de
riches, l'athérosclérose - sclérose de la paroi artérielle due à un dépôt
de cholestérol - touche largement les couches défavorisées des pays développés,
comme la population des pays en développement.
Les couches urbanisées adoptent en effet de plus en plus le modèle
alimentaire nord-américain. En 1999, sur les 17 millions de morts (un
tiers du total des décès) qui lui sont imputables, 78 % avaient lieu
dans les pays à revenus faible ou moyen. Selon les prévisions de
l'Organisation mondiale de la santé pour 2010, les maladies cardio-vasculaires
devraient être la première cause de mortalité dans les pays en développement,
ce qui est déjà le cas dans les pays industrialisés. Maladie liée à
l'alimentation trop riche en graisses ou en sucres, au mode de vie trop sédentaire
et au tabagisme, l'athérosclérose constitue, avec l'obésité et le diabète
de type 2, une véritable épidémie mondiale (Le Monde du 15 octobre
2003). Y faire face est un défi que de nombreux responsables sanitaires entendent
relever. Fédérant depuis 1979 plus de 10 000 médecins et chercheurs du
monde entier, l'International Arteriosclerosis Society (IAS) a créé une
"force d'intervention" pour mieux soutenir les efforts nationaux
de santé publique. Fruit de ce travail, la très large diffusion auprès
des médecins du monde entier de "Recommandations cliniques harmonisées
pour la prévention des maladies cardio-vasculaires dues à l'athérosclérose". "D'ici à la fin janvier 2004, ces recommandations et un guide pratique
auront été distribués à tous les médecins français", souligne
le professeur Jean-Charles Fruchart, directeur du département Athérosclérose
de l'université Lille-II et de l'unité 325 de l'Institut national de la
santé et de la recherche médicale (Institut Pasteur de Lille). Plusieurs phénomènes, en bonne partie intriqués, concourent à favoriser
l'accroissement du nombre de maladies cardio-vasculaires. Le moindre n'est
pas le vieillissement de la population. Le risque augmente en effet avec
l'âge du fait de l'accumulation de lésions des artères provoquées par
les différents facteurs de risque. Le deuxième phénomène concerne
certaines anomalies affectant le métabolisme des glucides et des lipides. LE SYNDROME MÉTABOLIQUE Partout, on constate l'augmentation préoccupante du diabète de type 2 (non
insulinodépendant) : 150 millions de personnes en seraient atteintes, et
ce chiffre pourrait doubler d'ici à 2005. Il en va de même pour les états
prédiabétiques, caractérisés par une intolérance au glucose et une
glycémie anormale à jeun, et pour le syndrome métabolique. Probablement
trois ou quatre fois plus fréquent que le diabète de type 2, ce syndrome
associe une obésité centrale, avec en particulier un excès de graisse
abdominale (d'où l'augmentation du tour de taille, qui en est un bon
marqueur), un taux anormalement élevé de lipides (entre autres des
triglycérides) et une hypertension artérielle. Le syndrome métabolique a pour origine l'excès de graisse, surtout au
niveau de l'abdomen, largement favorisé par le mode de vie sédentaire et
une alimentation inadaptée ("Un verre de Coca équivaut à sept carrés
de sucre", avertit le professeur Fruchart). Deux mécanismes
convergents sont à l'œuvre, en plus d'une susceptibilité génétique.
La libération en grande quantité d'"acides gras libres" par le
tissu adipeux va avoir pour conséquence une résistance à l'insuline. En
l'occurrence, l'action de l'insuline est entravée, ce qui empêche le
glucose de pénétrer dans les muscles. La glycémie augmente de ce fait.
Le deuxième mécanisme résulte de la libération par le tissu adipeux
des adipocytokines. Ces substances inflammatoires vont faire diminuer la sécrétion
d'une hormone, l'adiponectine, qui protège normalement contre l'insulinorésistance
et l'inflammation. Au vieillissement de la population et à la montée du diabète, il faut
ajouter l'obésité - en France 16 % des jeunes en sont atteints - et le
tabagisme, qui joue un rôle déterminant puisqu'il est responsable d'au
moins un tiers de l'ensemble des maladies cardio-vasculaires. Déjà à
l'origine de 4 millions de décès par an, il pourrait faire 10 millions
de morts chaque année si la consommation ne se réduit pas. Malgré ce sombre tableau, les spécialistes de l'athérosclérose ne se résignent
pas, d'autant que le coût sanitaire et économique de ce fléau
deviendrait vite insupportable. Il est possible de repérer les sujets présentant
un risque important d'évoluer vers des maladies cardio-vasculaires. De
plus, une intervention articulée autour de conseils nutritionnels et
d'une incitation à l'exercice physique a montré son efficacité préventive. Le recours à des médicaments peut s'avérer nécessaire chez les patients
à risque élevé, mais ils ne sauraient se substituer à un changement
des habitudes de vie et d'alimentation. "Ils n'apportent, dans le
meilleur des cas, qu'une amélioration chez 25 % des patients traités",
rappelle Jean-Charles Fruchart. TRENTE MINUTES DE MARCHE La première étape est celle de l'évaluation du risque global. L'IAS
considère comme des patients à haut risque les personnes présentant au
moins l'un des facteurs suivants : maladie coronarienne établie (infarctus
du myocarde, angine de poitrine...), autre forme clinique d'athérosclérose
(atteinte des artères du cou ou du cerveau...) ou risque supérieur à 20
% d'infarctus du myocarde ou de mort subite calculé sur dix ans au moyen
d'algorithmes. Les patients ayant un diabète de type 2 ou un syndrome métabolique
sont assimilables à ce groupe. Quatre facteurs de risque majeurs sont cités par l'IAS : un tabagisme ; un
"mauvais cholestérol"(LDL-cholestérol) restant supérieur à
1,90 g/l après modifications hygiénodiététiques ; une pression artérielle
supérieure à 14/9 après modifications hygiénodiététiques ; un indice
de masse corporelle supérieur ou égal à 30 kg/m2 en présence d'autres
facteurs de risque. La seconde étape est celle de la prise en charge. L'arrêt du tabac est
essentiel. La modification des habitudes alimentaires ne l'est pas moins :
manger cinq fois par jour des légumes et/ou des fruits frais ; consommer
des produits à base de graines (pain, céréales, pâtes, riz) de préférence
complets ; manger du poisson au moins deux fois par semaine et pas plus de
trois fois de la viande (plutôt une viande maigre comme la volaille ou
l'agneau) ; utiliser de l'huile d'olive ou de colza ; éviter les aliments
salés, la viande fumée ou les plats préparés. A cela s'ajoute la
recommandation de pratiquer de l'exercice physique : trente minutes
quotidiennes de marche rapide ou de vélo, auxquelles on rajoutera pour
son plus grand bien de préférer l'escalier aux ascenseurs. L'OMS réfléchit à sa
future stratégie La prochaine assemblée générale de la santé, qui se tiendra en mai 2004
à Genève, aura à son ordre du jour le vote sur un document définissant
la "Stratégie mondiale pour l'alimentation, l'exercice physique et
la santé". Représentant 60 % de la mortalité mondiale et près de
la moitié de la morbidité, les maladies non transmissibles (maladies
cardio-vasculaires, diabète de type 2, obésité, cancers...) font
l'objet d'une grande attention de la part de l'Organisation mondiale de la
santé (OMS). Outre des campagnes d'information et de sensibilisation du
public, le projet prône la mise en place d'une réglementation plus
stricte de la publicité et de l'étiquetage des aliments. "Les
consommateurs ont droit à des informations exactes, normalisées et compréhensibles
concernant le contenu des produits alimentaires pour faire des choix éclairés",
indique notamment le document. Une orientation qui n'a pas été du goût
des représentants des Etats-Unis à l'OMS, qui défendent la
responsabilité individuelle en matière d'alimentation. Copyright © 2002
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