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Entretien avec William Dab, directeur général de la santé. Une réorganisation
de la direction générale de la santé a été annoncée en conseil des
ministres. Le texte de cet entretien a été relu et amendé par M. Dab. Jean-François Mattei a annoncé, mercredi 10 mars, en conseil des ministres
une réorganisation de la direction générale de la santé (DGS), à la
suite du drame de la canicule. Qu'est-ce qui n'a pas
fonctionné en août 2003 ? D'abord l'alerte : je reste très frappé qu'une épidémie de cette ampleur
ait pu se développer de façon silencieuse. Ensuite, il a manqué une
capacité de mobilisation alors que 65 % des décès sont survenus en
institution (40 % à l'hôpital, 25 % en maison de retraite) et 35 % dans
les grandes agglomérations, essentiellement à Paris, Lyon et Marseille.
Cela dessine des pistes d'action : des espaces climatisés et des soins préventifs
en institution ; une mobilisation des réseaux de proximité en ville. Pourquoi notre système de
santé n'était-il pas prêt ? Une administration a pour mission de produire des lois, des règlements, des
procédures, des normes. Ce n'est pas une organisation conçue sur le mode
du commando. Dans le secteur de la santé, le premier choc qui a bousculé
ce rôle traditionnel est l'affaire du sang contaminé. Il y a eu une
prise de conscience qu'en santé publique le simple respect des normes
n'est pas suffisant et qu'il y a un besoin d'expertise. C'est ce qui a
conduit, dans les années 1990, au développement d'un réseau d'agences. Le principe de précaution a été érigé en principe de santé publique.
Les agences ont été développées sur deux axes : la lutte contre les épidémies
de maladies transmissibles et l'expertise sur les risques sanitaires, indépendante
des intérêts économiques. La canicule ne relevait d'aucun de ces deux
axes. Nos bons résultats sur les risques infectieux ont pu donner une
fausse impression de sécurité, et on se disait que le registre de la
catastrophe relevait de la sécurité civile. Nous restons vulnérables
face aux dangers environnementaux. Dans ce domaine, nous devons faire face
à un nouveau défi, il faut atteindre le même degré de qualité que sur
les maladies transmissibles. Que faut-il revoir pour y
parvenir ? Les conclusions de l'Assemblée nationale, du Sénat et de l'IGAS sont
claires : il existe une attente dans le pays pour un "SAMU de la santé
publique" au sein du ministère de la santé. D'où une évolution de
la DGS. Un audit a été fait. Il recommande de renforcer le secteur de
gestion des situations d'urgence et de créer un département qui
fonctionne différemment des règles administratives et hiérarchiques
habituelles et qui relèvera directement de mon autorité. Nous allons créer
un département de gestion des situations d'urgence au sein de la DGS qui
fonctionnera 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
Comment s'organisera ce
nouveau département ? En rapprochant la santé publique du monde des soignants. Nos systèmes de
surveillance épidémiologique et de mobilisation doivent être connectés
sur les médecins de première ligne, les associations de médecins
urgentistes libéraux, les urgences hospitalières, l'ensemble des établissements.
Nous testons actuellement la possibilité d'envoyer des messages vocaux ou
des SMS simultanément sur les téléphones portables de tous les médecins
de France, pour peu qu'ils soient volontaires, avec une possibilité de
recueil de données interactives. Ainsi, en quelques instants, nous aurons
les moyens de contacter tous les médecins. Le système est en cours de
test par le haut fonctionnaire de défense ; il sera opérationnel
prochainement. La canicule a montré un
manque de communication entre les administrations. Comment allez-vous y répondre
? La protection sanitaire a des implications sur le secteur social, l'organisation des soins et souvent sur la sécurité civile. Depuis le mois d'octobre, nous avons une collaboration permanente avec la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, et la direction générale de l'action sociale pour élaborer des plans de réponse aux situations d'urgence. Cela implique aussi des administrations décentralisées : les unions régionales de médecins libéraux, les pompiers, la sécurité civile... Après ceux sur le SRAS et les vagues de froid, nous préparons des plans sur la canicule, la menace de pandémie grippale, les implications sanitaires d'une panne généralisée d'électricité et les inondations prolongées. D'autres suivront, mais la santé publique ne se réduit pas à la sécurité sanitaire, aussi importante soit-elle. Et, de ce point de vue, la sauvegarde de l'assurance maladie est un enjeu tout aussi important. Copyright © 2004
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