Nouveaux régimes de retraite

By: Francis Kessler
Le Monde, May 22, 2001


Les expériences luxembourgeoise, allemande et suédoise démontrent qu'une réorganisation des retraites se traduit, dans un premier temps, par des dépenses supplémentaires pour l'Etat, que ce soit pour accompagner la transformation des régimes particuliers ou la promotion de la capitalisation. Finances publiques et choix d'affectation des impôts occupent une place centrale dans les décisions de réforme


Imaginons que le Parlement adopte trois lois sur les pensions de retraite des fonctionnaires. Dans le premier texte, il serait créé un nouveau régime pour les agents publics entrés en service après une certaine date. Géré de manière autonome, il serait fondé sur les mêmes principes que ceux applicables aux salariés du secteur privé : les pensions ne sont plus calculées sur la base du dernier traitement, mais sur les rémunérations touchées en cours de carrière ; leur revalorisation est identique à celle du secteur privé ; la cotisation prélevée pour le financement de ce régime spécial suivra la même évolution que celle du régime général ; le fonctionnaire, comme l'Etat, cotise - chacun pour moitié - dans un fonds spécial instauré au sein du budget de l'Etat. Pour autant les conditions du recrutement et de mise à la retraite propres à la fonction publique sont maintenues : la fonction publique de carrière subsiste.

La deuxième loi instaurerait un régime spécial transitoire pour les agents en poste avant la date d'entrée en vigueur du nouveau système. Les caractéristiques de l'ancien système seraient donc maintenues : la pension calculée sur la base du dernier traitement touché par le fonctionnaire, est fonction de la durée de service - pour les années avant la date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi. S'y ajouterait une pension calculée au prorata du temps passé sous l'égide du nouveau système.

Troisième initiative : il est mis en place une coordination entre le régime général et le régime nouveau des fonctionnaires. Le cumul des périodes de cotisation et la perception d'une pension unique devient possible.

Il ne s'agit pas là d'un avant-projet de transformation du droit des pensions des fonctionnaires français. Ces trois propositions sont les grandes lignes du processus de réforme réalisé de 1998 à 2000 au Luxembourg. Les pensions des régimes de base des salariés du Grand Duché sont confortables et les rémunérations dans la fonction publique de ce pays, élevées. 


Ce qui est loin d'être le cas en France, où l'alignement des retraites des agents publics sur le seul régime général ne pourrait conduire - compte tenu de la modestie des prestations versées - à un rejet.

Imaginons encore. L'Etat encouragerait, par un mécanisme de crédit d'impôt ou de subvention directe - à destination, en particulier, des ménages les plus modestes - à la constitution d'une épargne retraite individuelle ou d'entreprise, dès lors que celle-ci satisfait à certaines exigences de placement. L'aide de l'Etat serait croissante avec le nombre d'enfants élevés ; elle serait progressive dans le temps selon des barèmes d'ores et déjà établis. L'aide fiscale ne serait accordée qu'à partir d'un investissement minimum de la part de l'intéressé, exprimé en pourcentage de salaire. En contrepartie, les pensions du régime de base seraient diminuées, suite à la transformation de la référence du calcul de la pension et en raison d'une revalorisation future moins généreuse.

Là encore, il ne s'agit pas d'un plan de mise en place de "fonds de pension à la française", mais de la réforme allemande mise en place en 2001 dans le domaine de la prise en charge du risque vieillesse. Trois leçons peuvent en être tirées. Premièrement, une telle réforme a, d'évidence, un coût pour l'Etat. Le gouvernement du chancelier Gerhart Schröder a prévu d'y affecter 20 milliards de deutschemarks jusqu'en 2008, auxquels s'ajoutent les exonérations fiscales non encore chiffrées au-delà de cette date. Deuxièmement, la diminution prévue des prestations du régime de base reste modeste : on passerait d'un taux moyen de remplacement de 70 % à 67 %. Enfin, la réforme consiste surtout en une réorganisation de la retraite complémentaire facultative - l'Allemagne ne connaissant pas de régime complémentaire obligatoire. La transposition en France du nouveau dispositif allemand toucherait par conséquent essentiellement les systèmes dits "surcomplémentaires".

Imaginons toujours : 2,5 % du financement du régime de base ne seraient plus affectés au système par répartition mais seraient consacrés, sous étroit contrôle du trésor public, à des fonds de pension agréés. L'équation de calcul du régime de base serait alors radicalement transformée : la pension n'est plus fonction du nombre d'années de cotisation et du salaire mais des sommes effectivement versées au régime. Les régimes complémentaires obligatoires ne seraient pas affectés par ce changement, la pension minimale non contributive serait maintenue et améliorée, tandis que des mesures transitoires sauvegarderaient les intérêts des salariés âgés et des retraités.

Ce qui aurait pu être le scénario de passage du régime général français au "calcul par points" assorti d'un transfert vers une retraite par capitalisation sans augmentation de charges, n'est que la description, dans ses grands traits, de la réorganisation de la pension de base suédoise mise en œuvre depuis 1998. La réforme combine une individualisation du régime de base à une épargne forcée, encouragée et surveillée par l'Etat.

Globalement, que tirer de l'ensemble de ces expériences ? Elles se traduisent, au moins dans un premier temps, par des dépenses supplémentaires pour l'Etat, aussi bien pour accompagner la transformation des régimes particuliers que pour la promotion de la capitalisation. Finances publiques et choix d'affectation des impôts occupent ainsi une place centrale dans les décisions de réforme. Des mesures transitoires longues accompagnent nécessairement toutes ces métamorphoses : elles sont, avec les mesures spécifiques en faveur des plus démunis, le gage de la confiance des intéressés dans l'Etat de droit.


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