A quand les réformes?

Par: Olivier Blanchard
Libération, 11 Septembre 2000

Olivier Blanchard est professeur au Massachusetts Institute of Technology. 

La croissance est là, bien installée. Mais pas les réformes. Ou pas vraiment: des changements ici et là, des diminutions d'impôts et peu de cohérence. Trois exemples.

Les retraites: le travail d'analyse a été fait, en particulier par le rapport Charpin. Les faits sont clairs, les implications aussi: les changements démographiques exigent soit une augmentation des cotisations, soit une diminution des prises en charge, soit une augmentation de l'âge de la retraite. Mais, malgré ce diagnostic, pas de vraies réformes en vue. Au mieux: une négociation sur l'alignement de la durée des cotisations dans le secteur public sur le secteur privé. Pas négligeable, mais certainement pas suffisant. 

La réforme de l'impôt: là encore le travail d'analyse a été bien fait. Regardez, par exemple, le rapport de François Bouguignon au Conseil d'analyse économique. Les taux d'imposition en France sont trop élevés à la fois en haut de l'échelle des revenus et, ceci est plus important, tout à fait en bas de l'échelle. Si l'on tient compte non seulement des impôts qu'il doit payer, mais aussi des avantages qu'il perd, un RMiste gagne peu à prendre un travail au Smic et, s'il prend un travail à mi-temps, il risque d'y perdre. C'était le thème d'une étude de l'Insee qui a provoqué beaucoup de fureur cet été; mais c'est aussi malheureusement la vérité. Par rapport à ce problème, les mesures fiscales de Fabius et de Jospin paraissent bien mal adaptées. La réduction du taux de la CSG en bas de l'échelle est une bonne chose. Mais, là encore, c'est bien loin d'être une solution au problème. La vraie solution: une forme ou une autre d'impôt négatif. Mais ce projet a l'air d'être au panier.

La réforme du système d'assurance chômage: là, il existe un projet cohérent. Mais il émane du Medef et de la CFDT, pas du gouvernement. Bien sûr, il présente des inconvénients, en particulier des problèmes de financement. Mais son principe est bon: la fonction d'un système d'assurance chômage doit être fondamentalement d'aider les chômeurs à retrouver un travail et de les aider financièrement pendant la transition. D'autres pays, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, ont transformé leur système dans cette voie, et les résultats sont encourageants. Il est dommage que le gouvernement n'ait pas été l'instigateur de cette réforme. Il serait plus dommage encore qu'à cause de cela elle passe à la trappe.

Pourquoi cet immobilisme? Ces réformes sont-elles des réformes de droite? Absolument pas. La réforme des retraites est un problème d'équité entre générations, pas entre pauvres et riches. Les réformes de l'impôt et de l'assurance chômage sont essentielles à l'intégration des travailleurs les moins qualifiés dans le monde du travail.

Est-ce l'effet des élections dans deux ans et le désir de ne pas faire de vagues? Les risques pris par Jospin sur la Corse suggèrent que la réponse est non. Les contraintes de la gauche plurielle? Les limites de la méthode Jospin et de la méthode de consensus? L'épuisement du gouvernement et des administrations à appliquer les 35 heures sans trop de casse? Peut-être. Ce qui est sûr, c'est qu'à moins que les choses changent le bilan risque de ne pas être très impressionnant. 


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