La Cour européenne de justice accorde les mêmes
droits au fonctionnaire retraité,
homme ou femme
By: Virginie Malingre and Laetitia Can Eeckhout
Le Monde, December 4, 2001
Dans
un arrêt daté du 29 novembre 2001, la Cour de justice des
communautés européennes a jugé que les bonifications de retraite (un an
de cotisation gratuite par enfant) accordées aux femmes retraitées de la
fonction publique doivent aussi bénéficier aux hommes ayant élevé des
enfants. Le coût de cette décision - rétroactive - a été évalué
entre 3 et 5 milliards de francs par le gouvernement.
La Cour
de justice des communautés européenne vient de rendre un arrêt qui
pourrait avoir, à terme, de lourdes conséquences financières pour
l'Etat et peser dans le débat à venir sur les retraites : elle
vient de préciser, dans un arrêt du 29 novembre 2001, que les
bonifications de retraite dont bénéficient les femmes retraitées de la
fonction publique (une année de cotisations gratuites par enfant élevé)
doivent aussi être accordées aux pères ayant été fonctionnaires.
Cet
arrêt aurait un effet rétroactif.
Saisi
du cas d'un magistrat, père de trois enfants, le Conseil d'Etat a demandé
à la Cour de justice européenne de se prononcer sur l'inégalité de
traitement entre hommes et femmes en matière de bonification des
retraites.
Celle-ci
rappelle que le code des pensions des fonctionnaires stipule, dans son
article 1, que les retraites des fonctionnaires constituent un traitement,
c'est-à-dire une rémunération. De plus, la Cour estime que ces
bonifications ne sont en rien liées au congé maternité. Dès lors, en
vertu du principe de l'égalité des rémunérations entre les hommes et
les femmes, posé par le Traité de Rome, puis par une directive, il n'y a
pas de raison que les pères fonctionnaires qui participent à l'éducation
de leurs enfants n'aient pas les mêmes avantages que les mères.
Le
gouvernement français a bien essayé de faire valoir auprès de la Cour
que la bonification venait compenser les désavantages subis par les
femmes dans le calcul de leur pension, qui résultent d'une interruption
de carrière pour l'éducation de leurs enfants. Mais la Cour a considéré
que la bonfication, puisqu'elle est accordée au moment du départ à la
retraite, "ne peuvent rencontrer dans leur carrière".
Si
le Conseil d'Etat statuait dans le même sens que le cour de justice européenne,
l'Etat français se verrait donc contraint de modifier son code des
pensions afin de respecter le principe d'égalité des rémunérations
entre les hommes et les femmes.
"Cet
arrêt n'a pas pour conséquence d'étendre la bonification aux hommes, explique-t-on
d'emblée dans l'entourage du ministre de la fonction publique, Michel
Sapin. Rien ne nous oblige toutefois à la conserver ". "Une
fois la décision du Conseil d'Etat connue, il faudra modifier l'article du
code des pensions instituant cette bonification. Cette question devra être
traitée dans le cadre de la future réforme des retraites ". Derrière
cette sereinité de façade pointent cependant de réelles inquiétudes.
Elles sont, notamment, d'ordre financier.
Le
gouvernement avait d'ailleurs demandé à la Cour européenne de limiter
dans le temps les effets de son arrêt, arguant qu'une extension rétroactive
de la bonification à tous les fonctionnaires masculins retraités ayant
eu des enfants aurait de lourdes conséquences sur les finances publiques.
Il avait même évalué le coût d'un tel rappel entre 3 et 5 milliards
de francs par an.
La
Cour n'a pas tenu comptes de la demande française puisque sa décision
est rétroactive. "On ne sait pas encore combien cela coûterait.
Selon la manière dont on fait les calculs, on arrive à des estimations
extrêmement différentes", dit-on aujourd'hui au ministère de
l'économie et des finances, sans faire allusion aux estimations communiquées
à la Cour de Luxembourg.
Au-delà
des conséquences financières de l'arrêt européen, c'est la question de
l'égalité de traitement des fonctionnaires et des non-fonctionnaires en
matière de retraite qui est relancée. En l'occurence, les employés du
privé sont mieux traités que cuex du public sur le plan des
bonifications. Mais si les pères fonctionnaires devaient voir leur régime
aligné sur celui des mères, leurs homologues du privé pourraient exiger
les mêmes droits. "A priori, leur demande ne serait pas
recevable. Car contrairement aux fonctionnaires, les salariés du privé
touchent une retraite qui n'est pas une rémunération. Et qui n'est donc
pas soumise au principe d'égalité des rémunérations entre hommes et
femmes du Traité de Rome", développe Bercy.
Les
syndicats, eux, affûtent déjà leurs arguments. "Cette décision
pose un réel problème car elle risque d'aggraver un peu plus encore le
problème de l'équilibre financier de nos régimes de retraite, constate
Bernard Devy (FO), le vice-président de l'Arrco (retraite complémentaire
des salariés). Sauf à saisir l'occasion pour remettre en cause la
bonification, ce qui est hors de question". Pour Jean-Christophe
Le Duigou (CGT), les femmes, qui sont les premières concernées par le
temps partiel, "subissent des discriminations dans l'acquisition
de leurs droits à la retraite", qui justifient l'actuelle
bonification.
Jean-Luc
Cazette, président de la CGC, pose le débat en termes plus globaux :
"faut-il aider les parents au moment où ils élèvent leurs
enfants ou lorsqu'ils ont fini de les élever, au moment de leur retraite ?".
Jean-Marie Toulisse (CFDT) confirme que "nous ne ferons pas
l'économie d'une réflexion sur l'incidence d'une politique familiale sur
les retraites". Pour lui, cet arrêt rappelle l'urgence
qu'il y a à engager une réforme globale des régimes, qu'ils soient privés
ou publics. Le conseil d'orientation des retraites, qui doit rendre son
rapport à Lionel Jospin, jeudi 6 décembre, en trace les grandes lignes.
Un
enfant = un an dans le public, deux dans le privé
Bonification.
Qu'elles
aient été fonctionnaires ou salariées du privé, les mères de famille
bénéficient d'une bonification de cotisation au moment de la
liquidation de leur retraite. Les femmes fonctionnaires voient leur durée
de cotisation majorée d'un an, les salariés du privé de deux ans, pour
chaque enfant élevé pendant au moins neuf ans avant son seizième
anniversaire.
Majoration.
Dans le
privé et dans le public, les mères comme les pères de famille bénéficient
d'une majoration de leur pension. Cette majoration s'élève pour les
fonctionnaires à 10 % du montant de la pension pour les trois
premiers enfants, puis à 5 % pour chaque enfant suivant sans que le
total ne puisse excéder le montant du traitement. Les salariés du privé
bénéficient également d'une majoration de 10 % de leur pension
vieillesse de base dès lors qu'ils ont élevé trois enfants.
Les
régimes de retraite complémentaire, Arrco (ensemble des salariés) et
Agirc (cadres), accordent également aux salariés retraités une
bonification de 5 % de la pension complémentaire par enfant.
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