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L'Allemagne a instauré les retraites par capitalisation
Par: Arnaud
Leparmentier Le
Monde Economie, 19 mars 2001
BERLIN de notre correspondant
Epargnez pour vos vieux jours si vous voulez conserver votre niveau de vie, car le niveau des retraites par répartition va baisser. Tel est le mot d'ordre de la réforme des retraites qui doit entrer en vigueur en Allemagne le 1er janvier 2002. Adoptée par le Bundestag, elle doit encore être approuvée par le Bundesrat, la Chambre représentante des Lãnder, où la coalition sociaux-démocrates-Verts ne dispose pas de majorité. Le projet, qui doit faire l'objet d'un compromis avec une partie au moins de l'opposition, ne sera sans doute pas adopté avant les élections régionales dans le Bade-Wurtemberg et la Rhénanie-Palatinat du 25 mars. Le chancelier, Gerhard Schröder, va tenter de réitérer son exploit de juillet 2000, lorsqu'il était parvenu à faire adopter sa réforme fiscale par le Bundesrat, contre l'avis des chrétiens-démocrates.
Lorsque la réforme sera entrée complètement en vigueur en 2008, les salariés pourront investir chaque année l'équivalent de 4 % de leur salaire dans des fonds de retraite privés. Pour inciter les Allemands à épargner, l'Etat leur versera, indépendamment ou presque de la somme qu'ils auront mise de côté, une bonification annuelle de 300 marks (1 000 francs) pour une personne seule, 600 marks pour un couple, plus 360 marks par enfant. Les personnes aux revenus les plus élevés pourront choisir de ne pas recevoir le bonus de l'Etat, mais de déduire leurs versements de leur revenu imposable, si cela leur est plus avantageux, dans la limite annuelle de 4 180 marks (14 000 francs). La loi coûtera en rythme de croisière 20 milliards de marks au budget de l'Etat, ce qui explique qu'elle n'entrera que progressivement en vigueur. Ainsi, en l'an 2002, le salarié allemand ne pourra mettre que 1 % de son salaire de côté et toucher une aide annuelle limitée à 75 marks.
Les entreprises ont obtenu, au grand dam des syndicats, de ne pas participer au financement de ces fonds de pension, mais la loi prévoit une relance des retraites d'entreprise, qui n'ont jamais vraiment réussi à décoller en Allemagne.
La participation à ces retraites privées n'est pas obligatoire, ce que déplore Klaus Deutsch, économiste à la Deutsche Bank.
" Il y a certaines personnes que l'on ne va pas parvenir à faire participer à cette réforme, alors que cela aurait été dans leur intérêt. La participation aurait dû être rendue obligatoire, au moins pour un niveau minimum. " Au ministère du travail, on réplique que le système, très avantageux pour les bas salaires, devrait permettre de toucher un très grand nombre d'Allemands.
Les produits d'épargne seront soumis au code des assurances, ce qui fait hurler les banquiers, qui réclament une autorité de contrôle des fonds de pension indépendante, comme il en existe dans les pays anglo-saxons. Les contrats doivent garantir aux assurés, le jour de leur départ en retraite, un capital au moins équivalent à la somme des versements effectués. Les banquiers protestent, estimant que cette règle rend très difficiles les investissements, plus rentables, en actions. De plus, les sommes ne peuvent pas être reversées sous forme de capital, mais sous forme de rente ou de paiements mensuels. Enfin, les sommes en jeu seront, au moins au début, trop faibles pour assurer aux salariés une part de revenu substantielle. Mais la plupart des observateurs estiment que le gouvernement met en place un cadre qu'il conviendra de faire monter en puissance plus tard.
ÉCOTAXE
Dans le même temps, le gouvernement a décidé de réformer les retraites par répartition, alors qu'en 2040 il y aura 20 millions de retraités (contre 15 millions aujourd'hui) pour 30 millions d'actifs (contre 38 aujourd'hui). Cette partie de la réforme n'exige pas l'approbation du Bundesrat.
En 2030, le salarié moyen touchera au bout de quarante-cinq ans de cotisations 68 % de son salaire brut, contre 70 % actuellement, mais la baisse ne commencera qu'en 2011, histoire de ne pas s'attirer les foudres électorales des retraités actuels. L'opposition estime que le gouvernement ne pourra pas tenir cette promesse.
Les retraites, après avoir été indexés pendant deux ans sur l'inflation, vont l'être sur les salaires nets, avant impôt. La réforme fiscale, qui va provoquer une forte baisse de l'impôt sur le revenu, ne va donc pas entraîner de renchérissement des retraites.
L'objectif de la réforme est d'empêcher que le taux des cotisations retraites ne dépasse 22 % des salaires, pour ne pas affecter la compétitivité des travailleurs allemands. Le pays estime que le niveau élevé de ses charges sociales est en partie responsable de son taux de chômage. Actuellement, le niveau de cotisations retraites est de 19,1 %, contre 20,3 % en 1998. Ce recul s'explique par l'introduction de l'écotaxe, qui frappe de 60 centimes le litre d'essence et qui rapportera 22 milliards en 2001 destinés à financer les retraites. Mais ce système ne pourra sans doute pas s'amplifier au-delà de 2003, le chancelier ne voulant plus entendre parler de hausse de l'essence, tandis que les Verts souhaitent que l'écotaxe finance des projets écologiques.
Plus globalement, le financement de la retraite par répartition en Allemagne par les cotisations tend à devenir un mythe, l'Etat fédéral versant – en plus de l'écotaxe – 110 milliards de marks aux caisses de retraite par an, sur un total de 400 milliards de marks de dépenses. Au total, c'est un tiers des retraites qui sont payées par les impôts. Cette très forte implication de l'Etat remonte à la réunification, lorsqu'il a fallu payer les retraites des Allemands de l'Est et prendre en charge les cotisations des chômeurs, dont le nombre est encore de 3,8 millions. Signe de la fiscalisation grandissante des retraites, le gouvernement prévoit d'introduire une retraite de base minimale, pour éviter aux retraités pauvres de se déplacer pour bénéficier de l'aide sociale, l'équivalent, en plus généreux, du revenu minimum d'insertion français.
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