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  En Grande-Bretagne, la "Rolls-Royce des régimes de pensions" vit ses dernières années

 


By: Jean-Pierre Langellier
Le Monde, April 3, 2002

 

Longtemps, le régime de retraites britannique a fonctionné de manière plutôt satisfaisante. Aujourd'hui, il est, à son tour, en crise. Une crise moins grave que dans d'autres pays d'Europe, mais qui résulte de certaines causes communes - l'allongement de la durée de vie, le vieillissement de la génération du "baby boom" - ou plus spécifiques : la moindre rentabilité des fonds de pension, et la volonté des employeurs de se délester sur les salariés d'une partie des risques financiers du système.

Le retraité britannique perçoit une maigre pension de l'Etat : 72 livres, soit 118 euros par semaine. S'il n'a pas d'autre source de revenus, il a droit au "revenu de soutien pour les retraités". Sa pension passe alors à 92 livres (150 euros). Ce système étatique lui procure environ 20 % seulement des revenus dont il disposait lorsqu'il était un travailleur actif. Résultat : un retraité sur cinq vit au-dessous du seuil de pauvreté. Pour aider les plus démunis, le gouvernement a décidé de revaloriser leur pension en la portant à un minimum de 100 livres par semaine (163 euros) à partir de la fin avril. Il n'empêche : ce système n'assure pas une existence décente aux retraités les plus pauvres.

D'où le rôle majeur joué, en Grande-Bretagne, par le régime de capitalisation. Un retraité touche une pension versée par l'un des fonds privés auquel lui-même et son ancien employeur ont cotisé pendant sa vie professionnelle. L'excellent rendement de ces fonds a permis d'améliorer, depuis vingt ans, les conditions de vie des retraités. D'autant que ceux-ci bénéficient d'un système avantageux, désigné par son sigle, DB, (pour Defined Benefits) qui leur garantit des versements indexés sur le salaire de fin de carrière. Un salarié qui a travaillé quarante ans pour la même entreprise touche une retraite équivalant aux deux tiers de son salaire final. Ce système DB, que les experts appellent "la Rolls-Royce des régimes de retraite", vit ses dernières années. Là est l'origine de la crise actuelle.

Comme elles en ont, pour la plupart, le droit, nombre d'entreprises remplacent le système DB par un autre schéma, dit DC (pour Defined Conrtibution), beaucoup moins favorable aux salariés car il ne leur garantit plus un niveau de retraite précis. Depuis dix ans, trois salariés sur dix ont été privés du système DB. En 2001, un nouveau salarié sur dix s'est vu imposer le système DC. La tendance semble irréversible.

Lorsque les fonds de pension resplendissaient, les bénéfices dégagés entretenaient sans douleur le système, au point que certaines entreprises s'étaient mises, comme on dit à la City, "en vacances de retraites" : leurs profits boursiers suffisaient largement à alimenter leurs cotisations aux fonds de retraites. L'érosion des bénéfices des fonds de pension (- 10 % en 2001) oblige les entreprises à remettre la main à la poche pour assurer la survie du système, ce à quoi beaucoup d'entre elles rechignent.

En remplaçant le système DB par le système DC, une entreprise fait en moyenne une économie annuelle de 2 100 livres par salarié (3 400 euros). Les deux systèmes comportent chacun sa part de risques : axé sur les fins de carrière, l'ancien système favorise les salariés fidèles à une entreprise et pénalise les "nomades"; le nouveau avantage les salariés ayant les moyens, d'emblée, de réaliser une épargne substantielle en vue de leur retraite. En faisant dépendre beaucoup plus étroitement la valeur des pensions des performances aléatoires du marché, le système DC introduit un élément d'incertitude, qui, selon les syndicats, présage un "cauchemar financier". "Beaucoup de salariés n'ont aucune idée de ce qu'ils recevront", proteste John Monks, le patron des syndicats.

L'argent versé pour les retraites va diminuer. La somme des cotisations patronales et salariales équivalait à 14 % de la masse salariale dans l'ancien système. Elle n'en représentera plus que 11,6 %. Pour pouvoir espérer jouir, à 65 ans, d'une pension égale aux deux tiers de son salaire final, un employé britannique devrait allouer, dès l'âge de 25 ans, un quart de son revenu à sa retraite. Un objectif le plus souvent irréalisable.

L'ancien président de l'Association nationale des fonds de pension, Alan Pickering, chargé par le gouvernement de proposer une réforme du système de retraites, préconise de relever l'âge de la retraite à 70 ans d'ici à 2030 (contre 65 ans actuellement pour les hommes) tandis qu'un centre de recherche proche de Tony Blair parle de 67 ans. Une chose est sûre : tous les Britanniques qui rêvaient depuis quelques années de devenir de jeunes retraités doivent déchanter...


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