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Durée et taux de
cotisation, âge de départ, niveau des pensions : de nombreuses inégalités
By
Claire Guélaud et Laetitia Van Eeckhout, Le Monde
February 3, 2003
Le débat sur l'équité du système ne se résume pas aux seuls écarts
entre les salariés du secteur privé et les fonctionnaires.
Fruit d'une histoire de plus de trois siècles, le système de retraite se
caractérise par une grande diversité. Reconnu aux fonctionnaires civils
en 1853, le droit à la retraite a été généralisé au milieu du XXe siècle.
Le plan de Sécurité sociale de 1945 prévoyait d'instaurer un régime
unique. Cet objectif d'uniformisation, resté lettre morte, a été
abandonné dans les années 1970. Salariés du secteur privé, non salariés,
fonctionnaires et salariés des entreprises publiques restent couverts par
des régimes différents. Malgré l'effort d'harmonisation entrepris
depuis 1974, avec la mise en place de mécanismes de compensation inter-régimes,
le Conseil d'orientation des retraites (COR) estime à une vingtaine le
nombre de régimes principaux.
Les inégalités de retraite existant, par exemple, entre salariés du
public et du privé, ou encore entre salariés et non-salariés, se sont réduites
pendant les Trente Glorieuses. Mais d'un régime à l'autre, le niveau de
la pension, son montant moyen, l'âge effectif de départ à la retraite,
le taux de cotisations salariales, les avantages familiaux diffèrent.
Parce qu'elles ont été circonscrites aux salariés du privé, les réformes
des années 1990 ont redonné une place centrale à la question de l'égalité
de traitement. Pour autant, l'enjeu d'une réforme qu'impose le choc démographique
des années 2005-2010 ne se résume pas au seul débat public-privé, ni
à la question 37,5 années de cotisation contre 40.
Une "espérance de vie à la retraite" très inégale.
Entre 1932 et 1990, l'espérance de vie à la
naissance a augmenté de 18 ans pour les hommes et de 21 ans pour les
femmes. Pour les sexagénaires actuels, la durée espérée de retraite
est, en moyenne, d'une vingtaine d'années. Mais cette moyenne dissimule
de fortes disparités d'une catégorie socio-professionnelle à l'autre,
les inégalités entre elles étant bien plus marquées que celles
existant entre public et privé. Cadres et professions libérales ont une "espérance
de retraite" de 20,5 ans en moyenne, contre 14 ans pour les
ouvriers. L'écart le plus fort (8,5 ans) oppose les cadres de la fonction
publique aux ouvriers agricoles.
Conscients de cette inégalité, les syndicats demandent, pour ceux qui ont
commencé à travailler à 14 ans et/ou effectué des travaux pénibles,
la possibilité de partir avant 60 ans. Appliquée aux seuls salariés de
58 et 59 ans, cette mesure coûterait 3,9 millions d'euros, selon le
premier rapport du COR, paru en 2001.
Le niveau des pensions en baisse. Le taux de remplacement, c'est-à-dire le
niveau de la retraite par rapport à la rémunération de fin d'activité,
est resté longtemps proche dans le privé et dans le public. Il était de
76 % dans les deux cas pour un salaire mensuel de 2 000 euros.
Pour les plus petits salaires, il est plus élevé dans le privé :
84 % contre 80 % pour des rémunérations mensuelles comprises
entre 1 500 euros et 2 000 euros.
Mais la réforme Balladur de 1993 (passage aux 40 ans de cotisation, calcul
de la pension sur les 25 meilleures années au lieu des 10 meilleures,
indexation sur les prix) et les accords de 1996 en matière de retraites
complémentaires Agirc et Arrco ont interrompu le processus historique de
rattrapage du public par le privé. Pour les salariés du secteur privé,
précise le COR, le taux de remplacement net se situerait en 2040 entre 58 %
et 67 %, les salariés du public percevant, eux, entre 60 % et
80 % de leurs rémunérations brutes. Et, en l'absence de mesure, cet
écart s'amplifiera.
Un mode de calcul des pensions différent.
Ainsi, pour les salariés du privé, la totalité des revenus – salaires
et primes –, hors intéressement et participation, est prise en compte.
Il n'en est pas de même pour les fonctionnaires, dont la pension est
calculée à partir du seul traitement de base (hors primes). Or celles-ci
constituent une part importante de leur revenu d'activité : en
moyenne (hors militaires et police) 17 % du traitement brut, selon
l'Insee, soit une part très supérieure à ce que représentent les
sommes versées au titre de l'intéressement et de la participation aux
salariés du privé (3 % de la masse salariale totale).
Il faut également noter de fortes inégalités à l'intérieur même de la
fonction publique : les primes représentent 5 % en moyenne du
traitement des professeurs des écoles, mais peuvent atteindre 40 %,
voire plus, pour les hauts fonctionnaires.
Des durées de cotisation et des âges de liquidation
divers. Pour pouvoir faire valoir leurs droits à la retraite,
les fonctionnaires doivent avoir cotisé pendant 37, 5 ans, contre 40 ans
(160 trimestres) pour les salariés du privé. Cependant, nombre d'agents
du public partent à la retraite sans avoir ces 37,5 annuités requises et
voient, de ce fait, leurs pensions minorées.
Selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des
statistiques (ministère des affaires sociales), chez les hommes, 85,6 %
des salariés du privé et 71,6 % des fonctionnaires de l'Etat
liquident leurs pensions avec une carrière complète. Cette proportion
tombe à 58,7 % chez les agents hospitaliers et des collectivités
locales, et à 47,5 % chez les salariés des entreprises publiques.
Les femmes, quant à elles, ayant des carrières beaucoup plus irrégulières
et souvent plus courtes que les hommes, partent dans leur grande majorité
à la retraite sans avoir une carrière complète et ce, quels que soient
les secteurs. Seule la moitié des employées de l'Etat et un tiers à
peine des salariées du privé ont leurs années de cotisation requises.
La
question sensible de l'âge du départ à la retraite – 60 ans légalement,
55 ans voir 50 ans pour certaines catégories de salariés du public –
perd de son acuité lorsque l'on examine l'âge réel de cessation
d'activité : 57,5 ans en moyenne dans la fonction publique et dans
le privé.
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