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Jean-Pierre Raffarin veut faire cotiser les fonctionnaires plus longtemps  

By Rémi Barroux et Jean-Baptiste de Montvalon, Le Monde

 February 4, 2003

Le premier ministre a présenté, lundi 3 février devant le Conseil économique et social, les grandes lignes et l'esprit de la future réforme des retraites qu'il entend boucler avant la fin de la session parlementaire. Insistant sur "l'urgence de cette réforme", il a affirmé qu'il n'était "pas question"de remettre en cause le principe du départ à 60 ansni le principe de la répartition.  

L'engagement est ferme, mais les solutions restent floues. En lançant le chantier des retraites, lundi 3 février, devant le Conseil économique et social – où les dirigeants syndicaux avaient été invités – puis au journal de 20 heures de TF1, Jean-Pierre Raffarin s'est montré déterminé à aboutir à un vote du Parlement "avant l'été" sur une réforme qui doit être "progressive" et "ajustable" ultérieurement. A deux jours de l'ouverture des discussions avec les syndicats, le chef du gouvernement s'est toutefois bien gardé de formuler précisément ses pistes de réflexion. "Je ne suis pas venu aujourd'hui dicter des solutions préfabriquées", a-t-il indiqué devant le CES.

"AMBITION COLLECTIVE"

Insistant sur la nécessité d'une réforme qui a "trop tardé", M. Raffarin a consacré une large partie de ses deux interventions à un appel à la mobilisation autour de quelques grands principes. Cette réforme, a-t-il souligné devant le CES, "exige un sursaut de solidarité, un dépassement des égoïsmes, une ambition collective". "Il ne faut pas reporter le problème sur nos enfants", a-t-il insisté sur TF1.

Cela posé, le premier ministre s'est employé à rassurer. Deux jours après les manifestations unitaires des syndicats, qui ont réuni quelque 350 000 personnes dans une centaine de villes (Le Monde du 4 février), M. Raffarin a fait sien leur mot d'ordre : "J'ai entendu le slogan "sauvons la répartition". Moi aussi, je signe la pétition", a-t-il indiqué, en notant que "c'est l'immobilisme qui tue la répartition et la réforme qui la sauve". Cette pétition de principe s'est trouvée contrariée, sur TF1, par un malheureux lapsus : "Notre système, c'est la capitalisation. Ce que je veux sauver, c'est la capitalisation", a-t-il affirmé, après avoir confirmé – cette fois sans erreur – sa volonté de "faciliter l'épargne retraite".

Outre son attachement à la répartition, M. Raffarin a assuré qu'il n'était "pas question" de remettre en cause l'âge légal de 60 ans pour le départ à la retraite. "Les Français doivent avoir un bon niveau de retraites", a-t-il aussi affirmé. Le premier ministre s'est voulu rassurant au sujet des régimes spéciaux qui, selon lui, "s'inscrivent dans des logiques d'entreprise" et ne seront donc pas concernés par la réforme.

Tout en se refusant à "opposer les fonctionnaires et les salariés du secteur privé", M. Raffarin a clairement évoqué la perspective d'un alignement progressif des durées de cotisation du public sur le privé, en souhaitant que "la situation des personnes placées dans des situations comparables soit harmonisée". "Je suis favorable à une harmonisation des deux statuts progressivement", a-t-il ajouté sur TF1.

En étant beaucoup plus précis sur le calendrier de la réforme que sur son contenu, M. Raffarin fait craindre aux responsables syndicaux une précipitation préjudiciable à une réelle discussion. Pour Marc Blondel (FO), il s'agit d'un "piège", "ils veulent nous emmener jusqu'en juillet...". Un scénario rejeté avec force tant par Bernard Thibault (CGT) que par Alain Olive (Unsa) qui considère que "le débat ne doit pas être escamoté. Il faut le retarder jusqu'en septembre si c'est nécessaire pour la clarté".

CONTRADICTIONS

Si les dirigeants syndicaux ont tous relevé que le premier ministre n'avait pas employé le mot de "négociation", ils n'en ont pas la même interprétation. François Chérèque (CFDT) se satisfait de l'évocation d'une "réforme construite ensemble", et de "test du dialogue social". A contrario, Marc Blondel souligne que les conditions du "consensus" souhaité par le gouvernement ne sont pas réunies. "Nous ne ferons pas l'économie d'une vraie négociation avec le Medef, d'une réunion tripartite, gouvernement, syndicat, patronat afin que ce dernier ne puisse remettre en cause le système dans l'avenir" affirme le secrétaire général de FO.

Sur le fond, à l'exception de la CFDT, les confédérations n'ont pas été convaincues par la prestation du premier ministre, jugée trop floue. Seul M. Chérèque lui accorde un relatif satisfecit estimant qu'il "a bien lu les points de la déclaration commune des syndicats". Un sentiment que ne partage pas M. Thibault. Selon lui, les propos de M. Raffarin recèlent de "nombreuses contradictions" qui pourraient se révéler comme autant de points de désaccord. "Il y a une contradiction à regretter le faible niveau des retraites les plus basses et à ne pas vouloir revenir sur le dispositif de M. Balladur -allongement de la durée de cotisations, calcul sur les 25 meilleures années entre autres- qui participe de la dégradation actuelle", explique M. Thibault. Contradiction encore, M. Raffarin se défend de vouloir opposer secteur public et privé, mais "laisse entendre qu'il faudra une harmonisation et donc un alignement sur le privé et ses quarante annuités". Contradiction enfin, selon le secrétaire général de la CGT, la notion même d'une nouvelle répartition entre "l'activité et la retraite", due à l'allongement de l'espérance de vie, pourrait ouvrir la voie "à une remise en cause de la retraite à 60 ans".

Plus critique, Pierre Khalfa, membre du bureau national de l'Union syndicale G10-Solidaires, détecte "une menace derrière l'apparente bonhomie des propos gouvernementaux". "Quand M. Raffarin évoque la souplesse, ou la liberté de choix, il ne dit rien de l'accroissement des inégalités sociales qui en découlera" déclare-t-il. Selon M. Khalfa, seuls les revenus les plus hauts pourront se permettre un départ anticipé avec une retraite diminuée.

En cas de blocage ou de "passage en force" du gouvernement, tous, ou presque, se disent prêts à reprendre le chemin de la mobilisation. En ce cas, pronostiquent-ils, les manifestations du printemps 2003 se tiendraient dans un climat "plus clément"et "nettement plus favorable"qu'à l'hiver 1995. Une perspective que se refuse à envisager le premier ministre qui, écartant à ce stade l'hypothèse d'un référendum, se dit persuadé de mener à bien sa réforme "dans un esprit de consensus"


Les députés étudient l'épargne-retraite

Alors que s'engage la réforme des retraites, la commission des finances de l'Assemblée nationale a créé une mission d'information sur l'épargne-retraite. Son rapporteur, le député (UMP) de l'Oise, Eric Woerth, souhaite proposer un dispositif annexe au régime par répartition, dont la fiscalité serait suffisamment "incitative" pour être "accessible à tous, et notamment aux jeunes". Il affiche cependant "une prudence de Sioux", selon ses propres termes, en ce qui concerne le calendrier. Même s'il penche pour l'intégration de ce volet dans le projet de réforme des retraites, il se satisferait, si cela devait "contribuer à dépolluer le débat politique", d'un découplage en deux temps.


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