2050: 

La Planète des Vieux

 

By: Fabrice Nodé-Langlois
Le Figaro, April 8, 2002

 

La deuxième Assemblée mondiale sur le vieillissement s'ouvre aujourd'hui à Madrid à l'initiative de l'Organisation des Nations unies (ONU). Tout au long de la semaine, les représentants des États membres évoqueront les bouleversements sociaux et économiques qu'entraînera le triplement prévu dans les cinquante prochaines années des personnes âgées de plus de soixante ans dans le monde. Les discussions se fonderont sur le dernier rapport démographique de l'ONU dont les chiffres sont éloquents.

« Les chiffres sont alarmants. » Dans son document de présentation du dernier rapport « Vieillissement de la population mondiale : 1950-2050 », la division population des Nations unies ne résiste pas à l'emphase. Ce rapport a été réalisé pour « offrir une base démographique solide aux débats » de la deuxième Assemblée mondiale sur le vieillissement. Vu de France, le sujet semble connu, rabâché même. Il est trop souvent perçu comme un phénomène propre aux pays industrialisés. Or, en 2050, 80 % des plus de 60 ans vivront dans les pays en développement.

Le vieillissement de la population mondiale « est un phénomène inédit dans l'histoire de l'humanité », constate l'ONU. D'ici à 2050, le nombre de personnes âgées dans le monde dépassera celui des jeunes. C'est le cas dans certains pays développés comme le Japon depuis 1998. Selon les statistiques centralisées par l'ONU, il y a aujourd'hui 629 millions d'êtres humains de plus de 60 ans dans le monde. Ils seront trois fois plus nombreux en 2050 : 2 milliards. Les seniors représentaient 8 % de la population mondiale en 1950, 10 % en 2000. Ils formeront 21 % de l'humanité en 2050. La population des plus de 60 ans s'accroît de 2 % chaque année, « beaucoup plus rapidement que la population dans son ensemble », note le rapport  officiel.Les statistiques publiées par l'ONU résultent de la compilation de données fournies par chaque État membre. Quelle en est la fiabilité ? « Dans certains pays, il n'y a pas beaucoup de recensement, notamment en Afrique », commente Jacques Veron, chercheur à l'Institut national d'études démographiques (Ined) « donc la qualité des données est très différente selon les pays. » En outre, de grandes incertitudes en termes d'espérance de vie pèsent sur les pays les plus touchés par l'épidémie de sida.

C'est même la grande inconnue démographique de l'époque. Mais « globalement, estime Jacques Veron, le diagnostic d'un triplement des plus de 60 ans est très vraisemblable ».

Les causes du « papy boom » sont bien connues. « A partir du moment où la croissance démographique diminue, poursuit le démographe de l'Ined, il y a une augmentation mécanique du vieillissement. » Ce ralentissement de la croissance démographique est induit par la baisse de la fécondité dans les pays en voie de développement dont le rythme a surpris la plupart des démographes par rapport aux prévisions des années 60 et 70. Sur fond de crise énergétique, les experts redoutaient alors l'explosion de la « bombe D » (D pour démographie).Parallèlement à la baisse généralisée de la fécondité, la mortalité diminue et l'espérance de vie s'allonge. Depuis 1950, l'espérance de vie a gagné 20 ans, passant de 46 à 66 ans. Parmi les personnes atteignant l'âge de 60 ans, les hommes peuvent espérer vivre en moyenne 17 ans (77 ans), et les femmes 20 ans (80 ans). La moyenne planétaire masque évidemment des disparités régionales considérables. Et croissantes. Dans les pays en développement où l'espérance de vie a baissé en moyenne ces dernières années, la longévité moyenne a néanmoins augmenté chez les plus de 60 ans : les hommes peuvent en moyenne espérer vivre jusqu'à 75 ans (contre 78 ans dans les pays riches) et les femmes 76 ans (contre 83 ans).

Les effets du vieillissement sont prévisibles – incidences sur la croissance économique, l'épargne, l'investissement, la consommation, le marché du travail, le financement des retraites, la prise en charge des maladies liées à l'âge et des personnes dépendantes – mais leur ampleur sur la société et l'économie est encore difficilement perceptible. De 1950 à 2000, le nombre de personnes âgées de 15 à 64 ans pour une personne âgée de plus de 65 ans est passé de 12 à 9. En 2050, ce chiffre devrait passer à 4 en moyenne dans le monde. L'évolution de ce ratio aura une incidence majeure sur les systèmes de sécurité sociale (là où ils existent) et sur la protection assurée traditionnellement par les familles.

Qui s'occupera des personnes les plus âgées, à la santé la plus fragile ? L'évolution de ce que les démographes appellent « le coefficient de charge parentale » pose la question de façon inquiétante. En 1950, on dénombrait deux personnes de plus de 85 ans pour cent personnes âgée de 50 à 64 ans. En 2000, ce rapport est de 4 %. Il passera à 11 % en 2050.

Les représentants des États membres de l'ONU, les experts des agences onusiennes et de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) vont débattre de ces enjeux tout au long de la semaine à Madrid. Après ces quelques jours, les délégués devront adopter une « Déclaration et un plan d'action international ». Ces textes proposeront des mesures prioritaires à appliquer au niveau local, national, régional et international. « C'est en effet maintenant qu'il faut prendre les dispositions pour adapter les infrastructures, les politiques, les plans de développement et les ressources à cette évolution », insiste l'ONU dans un communiqué. Parce que les personnes âgées forment une population vulnérable à la maladie, à la pauvreté et à l'exclusion, la première assemblée mondiale, organisée à Vienne il y a vingt ans, avait identifié sept domaines d'action prioritaires : la santé et la nutrition, la protection des consommateurs âgés, le logement, l'environnement, la famille, la sécurité des revenus et l'éducation.Comme nombre de grand-messes onusiennes, le résultat de cette conférence risque de ne pas dépasser les belles déclarations d'intention. Ce type de conférences, nuance Jacques Veron, a le mérite d'attirer l'attention sur le sujet. « Il y a également une vertu pédagogique pour les pays du Sud qui sont obligés de préparer des dossiers pour ces conférences », ajoute-t-il.

Une chose est certaine : le défi, considérable pour les pays industrialisés, sera redoutable pour les pays en développement. Il a fallu 115 ans pour que la proportion des plus de 60 ans double en France. Il n'en faudra que 27 en Chine. Gro Harlem Brundtland, la directrice de l'OMS (Organisation mondiale de la santé), résume bien la situation : « Les pays développés sont devenus riches avant de devenir vieux, les pays en développement seront vieux avant de devenir riches ».

 


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